Lundi 2 janvier, 8h15 heures du matin. Nous venons d’arriver à l’angle de Colorado Boulevard et de Raymond Avenue, en plein centre de
Pasadena, dans la banlieue nord-est de Los Angeles.
La 123e Rose Parade bat son plein depuis environ un quart d’heure. Son thème cette année : « Just imagine »... tout un
programme ! Pas moins de 44 chars superbement décorés de roses (mais pas uniquement), 22 troupes à cheval et 21 marching bands d’au moins 200 musiciens chacun composent la parade. Les
« fanfares » sont américaines, bien sûr, mais pas seulement : certaines viennent de Porto Rico, du Canada, du Japon et même de Suède. Cet après-midi, se déroulera le Rose Bowl
Game, le match de football américain universitaire le plus prestigieux.
A ses débuts en 1890, la Rose Parade était destinée à valoriser les hivers cléments du Sud de la Californie. En l’espace
d’un siècle, elle est devenue une attraction mondiale - suivie par plus de 50 millions de téléspectateurs aux Etats-Unis et retransmise dans plus de 200 pays - de même qu’une source d’importantes
retombées économiques - 400 millions de dollars dans le Sud de la Californie.
700000 personnes sont massées tout le long du parcours. Parmi elles, de nombreuses familles entières se sont installées sur les trottoirs
depuis la veille ; pour ne rien rater du spectacle, elles ont apporté matelas, sac de couchage, de quoi faire à manger et ont installé leur campement tout le long de Colorado Boulevard, la
longue avenue de 5 miles et demi qui traverse Pasadena d’Est en Ouest.
Quelle ferveur ! Mais alors que, moment où nous arrivons, la foule en liesse acclame les chars fleuris, les fanfares et les cavaliers, un
avion furtif de l’US Air Force survole la Parade !
Pour être à l’heure, nous nous sommes levés tôt. Un quart d’heure de voiture jusque Highland Park Station, la station de métro la plus proche
située sur la Gold Line.
Le métro est bondé. Impossible de monter dans la première rame qui se présente. Nous avons plus de chance avec la suivante
qui nous dépose vingt minutes plus tard à Memory Park.
Nous nous laissons porter par le flot de tous ceux qui, calmement, se dirigent vers le parcours où passe l’immense corso. Mais difficile de
voir quelque chose derrière toutes ces rangées de spectateurs qui crient, applaudissent, sifflent.
Le défilé va durer deux heures, survolé à un moment par un petit avion qui tracte une banderole sur laquelle est inscrite « Impeach
Obama ! » (Obama destitution !)
Quelle ambiance ! Pas de doute, la Rose parade, c’est la tradition qui défile, en exhibant sans complexe, les symboles de la puissance
américaine. Manifestement, une fierté émane de cette exultation populaire, fierté d’être tous américains, surtout dans cet état d’immigration qu’est la Californie...la glorieuse Star-Spangled
Banner est là, toute proche, faisant bomber les torses d’orgueil !
Alors que les derniers chars viennent de passer et que la Parade se termine, une autre s’annonce, bien différente de
l’officielle. C’est celle du rassemblement « Occupy the Rose Parade » qui s’est créé dans la mouvance de « Occupy Wall Street ». Ce mouvement de contestation pacifique s’était formé en septembre à New York pour dénoncer les abus du capitalisme financier. Après avoir occupé le parc Zuccotti,
les manifestants ont été expulsés violemment par la police new yorkaise un mois plus tard. Leur revendication s’adresse à Obama à qui ils demandent la création d’une commission présidentielle
pour mettre fin à l’influence de l’argent sur la représentation du peuple à Washington.
En novembre, ils ont occupé l’Hôtel de Ville de Los Angeles et ils avaient annoncé leur intention d’occuper la Rose Parade ! Après moult
tractations, la police leur a donné quand même l’autorisation de marcher tout de suite après les derniers chars, à la condition de ne pas perturber la cavalcade, sous peine de se voir infliger
1000 $ d’amende et 6 mois de prison !
La parade des occupy protesters s’ouvre avec « Goldie Sachs »,
une pieuvre géante faite de sacs en plastique et référence à la banque Goldman Sachs dont on connaît le rôle désastreux dans la crise financière actuelle. « Goldie Sachs » étale ses
tentacules sur toute la largeur de Colorado Boulevard, et se faufile, tel un immense monôme, entre les spectateurs toujours présents.
A côté des militants de « Occupy the Rose Parade », manifeste toute une faune hétéroclite de militants des droits des
animaux, de sectes religieuses prédisant la fin du monde, de militants pour les droits civiques, d’opposants à la guerre...etc. L’ambiance est joyeuse, festive, nous sommes loin des chars
fastueux qui, tout à l’heure, faisaient l’admiration de l’Amérique conservatrice.
Mais, le défilé se termine car se profile derrière les manifestants, une escouade d’impressionnants véhicules de la police anti-émeute.
Arnachés comme des robocops, ils ferment la manifestation.
Tout de suite après, les voitures recommencent à circuler ou du moins essayent-elles de le faire car il nous faudra pas moins d’une heure pour
que le bus dans lequel nous nous sommes engouffrés puisse sortir de Pasadena et ramener sa cargaison de spectateurs à Union Station, la superbe et principale gare de LA.