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QUE PUIS-JE SAVOIR ?

Tenter de percevoir les mouvements profonds qui décident de la marche de l’histoire.

autisme

L’autisme, un diagnostic pas toujours définitif chez l’enfant

Publié le 27 Novembre 2015 par Jean Mirguet dans Autisme

L’autisme, un diagnostic pas toujours définitif chez l’enfant

Compte-tenu de la propension de certaines équipes à vouloir orienter trop tôt des enfants vers des établissements du type IME, les collègues liront avec intérêt cet article du Dr Jean-Marc Retbi, paru récemment dans le Journal International de Médecine

Il est bien établi que certains des enfants « souffrant de troubles du spectre autistique » [TSA] perdent leur étiquette de TSA en grandissant. Pour expliquer l’abandon du diagnostic de TSA chez ces enfants on invoque une guérison, spontanée ou grâce aux interventions dont ils ont bénéficié, ou une erreur de diagnostic. Une étude américaine, basée en population, a analysé les abandons du diagnostic de TSA chez des enfants d’âge scolaire.

En 2009-2010 une enquête randomisée, par téléphone, avait touché les enfants âgés de 0 à 17 ans ayant des besoins de santé spécifiques. En 2011, une 2e enquête a précisé les cheminements vers le diagnostic et les soins prodigués enfants de 6 à 17 ans inclus dans la 1ère enquête, qui présentaient des TSA, un retard mental ou un retard de développement.

Diagnostic abandonné dans 13 % des cas

Il a été estimé que le diagnostic de TSA avait été abandonné chez 13,1 % des enfants étiquetés TSA lors de la 1ère enquête (Intervalle de Confiance 95 % [IC95 %] : 8,9 %-18,7 %).

Les parents de 1 607 enfants étiquetés TSA, dont 187 pour lesquels le diagnostic n’avait pas été maintenu, ont accepté un entretien téléphonique.

Dans presque 75 % des cas, le diagnostic de TSA a été abandonné à la suite de nouvelles informations. Les autres raisons données par les parents sont que le diagnostic de TSA avait servi à obtenir une prise en charge chez des enfants souffrant d’autres troubles (24 %) ou encore que les interventions et/ou la maturation avaient entraîné la guérison des TSA (21 %). Les parents ne parlent d’erreur de diagnostic que dans 1,9 % des cas.

Le trouble de l’attention/hyperactivité est le premier diagnostic de remplacement de celui de TSA.

Des différences avec ceux pour lesquels le diagnostic a été conservé

Par comparaison avec les 1 420 enfants qui ont conservé le diagnostic de TSA, les 187 qui l’ont perdu se débrouillent mieux dans les activités de la vie quotidienne (toilette, alimentation ...), manifestent plus de curiosité, et posent moins de problèmes de comportement social (scores plus bas au CSBQ [Children’s Social Behavior Questionnaire]).

A posteriori, il s’avère qu’ils avaient aussi des particularités à l’époque où ils avaient reçu l’étiquette de TSA, par comparaison avec des enfants ayant conservé le diagnostic de TSA, appariés dans la proportion 2 : 1 (en tenant compte des scores de propension). Leurs parents avaient une plus faible probabilité de s’être inquiétés au sujet de leur langage, de leur communication non verbale, de leurs apprentissages ou de gestes inhabituels. Ils avaient deux fois moins de chances d’avoir été adressés à des spécialistes et que le diagnostic ait été posé par ceux-ci (Odds Ratio ajusté : 0,46 ; IC 95 % : 0,22-0,95). Enfin, ils avaient une plus faible probabilité d’avoir été pris pour un syndrome d’Asperger ou un autisme.

Cette étude suggère que le diagnostic de TSA, quel que soit le type des troubles, est difficile. Il doit être posé par des spécialistes s’appuyant sur un bilan spécifique. Il peut rester hésitant quelque temps ou être révisé secondairement, mais cela ne doit pas retarder les interventions.

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Plan Autisme : la raison n'est pas au rendez-vous, par le Pr Bernard Golse

Publié le 16 Septembre 2013 par Bernard Golse dans Autisme

Publié par le Pr Bernard Golse sur www.jim.fr

 Bernard Golse est Pédopsychiatre-Psychanalyste (Membre de l’Association Psychanalytique de France), Chef du   service de Pédopsychiatrie de l'Hôpital Necker-Enfants Malades (Paris), Professeur de Psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'Université René Descartes (Paris 5). 

 

Depuis la présentation au printemps dernier du troisième plan autisme par le ministre délégué aux personnes handicapées, la guerre a repris de plus belle entre ceux qui ne jurent que par les méthodes dites éducatives et ceux qui défendent l’utilité des approches psychanalytiques et psychothérapeutiques. Pour nous, le spécialiste de cette pathologie complexe, le professeur Bernard Golse revient sur cette occasion ratée pour le gouvernement de proposer un regard rénové et apaisé.

 

L’autisme a été déclaré grande cause nationale en 2012, et cela n’a rien donné de bon. Différents enjeux, politiques (l’année 2012 était une année d’élection présidentielle), commerciaux (certaines méthodes éducatives préfèrent bien sûr se vendre à une famille sur 150 plutôt qu’à une famille sur 3 ou 5000) et journalistiques (apparition d’une logique compassionnelle envahissante) ont fait de cette année 2012 une authentique catastrophe à l’égard de la psychanalyse (dans l’autisme, mais pas seulement), à l’égard du soin psychique et plus largement à l’égard des sciences humaines.

Nous attendions beaucoup de ce troisième plan autisme, en espérant qu’il jouerait comme le signal d’un retour à la raison, et à la possibilité de faire travailler ensemble les différents professionnels, d’horizons variés, qui se consacrent sans relâche à la prise en charge des enfants autistes, et ceci depuis longtemps.

 Le retour à la raison n’a, hélas, pas eu lieu !

 

Un vrai-faux changement

En allant présenter mon livre paru en janvier chez Odile Jacob (« Mon combat pour les enfants autistes », Paris, 2013) à différents interlocuteurs politiques et administratifs, j’avais pourtant eu la faiblesse de croire que le vent avait tourné, et que c’en était enfin fini des clivages interprofessionnels stériles et nuisibles qui ne font que redoubler, en miroir, les clivages sensoriels et autres, propres aux enfants autistes eux-mêmes.

Il faut croire que dans ce domaine particulier de l’autisme, le changement n’était pas pour maintenant...

Si on ne mélange pas dans le même sac tous les troubles envahissants du développement (typiques, atypiques et non spécifiés), l’autisme infantile, au sens de L. Kanner (1946), demeure une pathologie relativement rare, et la confusion ou la régression nosologiques ne peuvent que desservir les enfants et gêner les recherches qui ont besoin de se faire sur des groupes d’enfants les plus homogènes possible.

 

Des fonds supplémentaires, mais rien de nouveau sur le fond

Le gouvernement semble malheureusement avoir cédé aux imprécations des associations de parents les plus dures et les plus intransigeantes vis-à-vis du soin psychique.

C’est dommage, une occasion précieuse d’apaisement des conflits a ainsi été gâchée. Certes, ce troisième plan tant attendu, va voir une augmentation des crédits alloués à la question de l’autisme infantile (121 millions d’euros pour le premier plan, 187 pour le deuxième, et 205 pour celui-ci), mais ces dépenses (d’ailleurs dérisoires à l’échelle des problèmes posés) risquent d’être sans effet aucun. En effet, rien n’est dit de la causalité multifactorielle (et non pas seulement neurodéveloppementale) de l’autisme infantile (de nature génétique et épigénétique), rien n’est dit du traitement multidimensionnel obligé qui découle tout naturellement de cette causalité complexe, et parce que la place des psychothérapies (je ne dis même pas de la « psychanalyse ») ne se trouve pas une seule fois évoquée tout au long de ce rapport linéaire, fastidieux et finalement extrêmement plat, même si l’on tient compte des efforts consentis pour rendre plus applicable la loi de 2005 sur la scolarisation.

Les enfants autistes méritaient, et méritent mieux !

A l’heure ou un dialogue entre neurosciences et psychopathologie devient enfin possible autour des problématiques de l’accès à l’intersubjectivité et de la polysensorialité, c’était le moment ou jamais de produire un troisième plan fondé sur le respect et la tolérance.

 

Même les méthodes éducatives ont leurs limites !

Même en Amérique du Nord, les professionnels commencent à se défier du tout éducatif qui ne peut être qu’une impasse, au même titre que le tout-rééducatif ou le tout-psychothérapique.

Tous les jours, des parents viennent nous trouver en nous disant leurs déceptions face aux méthodes éducatives employées de manière forcenée et exclusive.

Quel gouvernement aura la force de ne pas céder aux séductions électorales, de résister à la tentation de choisir et d’imposer des modes de prise en charge des enfants autistes en s’en tenant à veiller à ce que les parents aient le choix partout en France des méthodes dont ils veulent faire bénéficier leur enfant (ce qui était pourtant la mission première des Centres Ressources Autisme créés par Simone Weil), et de s’en tenir à des acquis scientifiques sans plier l’échine devant certains lobbying associatifs ?

Nous avions espéré que ce serait ce gouvernement là.

Il nous faudra attendre encore, mais les enfants autistes, eux, ne peuvent pas attendre, et n’en peuvent plus d’attendre que les adultes deviennent raisonnables.

 

 

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La liberté de choisir

Publié le 13 Juin 2013 par Jean Mirguet dans Autisme

Des autistes, Jacques Lacan disait qu'ils ne nous entendent pas mais qu'il y a sûrement quelque chose à leur dire.

Cette lettre ouverte de Laurence Vollin, mère d'une jeune fille autiste, à Mme la ministre Carlotti devrait encourager celle-ci à prêter davantage l'oreille aux préoccupations des parents (de tous les parents) auxquels elle affirme vouloir montrer la plus grande attention.

On peut retrouver le contenu de cette lettre sur http://lamainaloreille.wordpress.com/2013/05/24/lettre-ouverte-de-laurence-vollin-mere-dune-jeune-fille-autiste/

 

Madame la Ministre,


Je suis la mère d’une jeune fille autiste de quinze ans. Les manifestations du syndrome autistique de ma fille sont diverses et à l’origine d’une situation de dépendance et d’un handicap sévère. Du premier choc volontaire de sa tête contre une armoire à l’âge de deux ans, à l’acquisition d’une capacité de communication avec les autres favorisant son bien être, notre fille est passée par des phases de violence éprouvantes (auto mutilation, défenestration). Si je me permets de vous écrire aujourd’hui, c’est qu’il apparaît que ce qui figure dans le troisième plan autisme nous menace gravement et est en totale contradiction avec tout ce que nous avons pu construire en famille et dans les différentes institutions où ma fille a été suivie.


Au cours de ces quinze années, nous avons constaté qu’il n’y avait aucune méthode type qui pouvait s’adapter à notre enfant. Grâce à la bienveillance des éducateurs qui assuraient sa prise en charge, nous avons exploré, transposé, bricolé les différents outils qui étaient à notre portée favorisant ainsi un dispositif sur mesure qui a permis à notre fille d’évoluer vers une relative sérénité.


Dans les périodes de grandes difficultés liées à des angoisses insurmontables, l’approche psychanalytique nous a encouragé à adopter une position particulière, à développer un autre langage laissant ainsi un espace sans contrainte aucune où nous ne lui avons rien imposé, demeurant uniquement à l’écoute de ce qu’elle nous proposait ; cette approche a favorisé un apaisement considérable. Dans les temps clairsemés de sa disponibilité, nous avons mis en place des procédés éducatifs visant à lui faire acquérir des apprentissages stimulant son autonomie en lien avec ses demandes. Ce sont toutes ces approches, toutes ces méthodes, la richesse d’un choix que nous souhaitons le plus varié qui dynamisent notre quotidien.


Rien n’est jamais complètement acquis, l’extrême complexité et la diversité des symptômes autistiques en lien avec la singularité de notre enfant font que ce qui s’applique avec bonheur aujourd’hui sera à reconsidérer dans un mois, dans un an,
comment savoir ? Nous devons être à l’écoute du surgissement de ces manifestations radicales, prêts à recueillir l’inattendu et l’inouï. Chaque démarche, chaque proposition de solution, chaque mise en place d’une nouvelle façon d’y faire avec ses symptômes est un pari, le pari d’une rencontre unique qui ne peut s’évaluer.


Vous comprendrez aisément que la rigidité d’une méthode, d’une prise en charge, d’une formation d’éducateurs imposée sans autre alternative nous projetterait dans une voie sans issue mettant instantanément en péril le fragile équilibre de notre enfant et de notre famille.


Cela fait quinze ans que ma fille décline sa différence. Mon travail psychanalytique m’a aidée à l’accepter, à me dégager de ce désir de normalité qui m’encombrait et à me réjouir de ses inventions, à l’écoute de ses propositions. Ce travail m’a permis de libérer un espace pour créer, inventer, ajuster ma position de mère, mère de ma fille autiste mais aussi de son frère et de sa sœur. Position d’une femme à part entière, qui me laisse aujourd’hui cette disponibilité pour m’adresser à vous.


Je ne revendique aucune méthode, aucune approche, je ne revendique que la liberté de choisir ce qui convient le mieux à mon enfant.

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La frénésie normative d’une ministre socialiste

Publié le 12 Juin 2013 par Jean Mirguet dans Autisme

Jean-Claude Maleval, souvent cité dans ce blog pour la qualité de ses travaux et de ses publications à propos du traitement de l’autisme, publie une lettre ouverte à Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé. On pourra en lire l’intégralité sur http://www.lacanquotidien.fr/blog/wp-content/uploads/2013/06/LQ-330.pdf

Cette lettre dénonce le mauvais ficelage du 3e plan autisme, concocté par Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée aux Personnes handicapées et à la Lutte contre l’exclusion, et par sa bureaucratie partisane.

La ministre et ses fonctionnaires s’emploient à vouloir exclure la psychanalyse du champ du traitement de l’autisme en imposant, sans débat et autoritairement, leur choix exclusif en faveur de stratégies éducatives reposant sur des bases prétendument scientifiques et incontestables, celles recueillies par le rapport de la Haute Autorité de Santé publié en 2012.

Pourtant, l’une des conclusions majeures de celui-ci stipule qu’il n’existe aucune preuve scientifique solide permettant de prôner quelque méthode que ce soit dans la prise en charge des autistes. Les conclusions de la HAS restent prudentes et incertaines, très éloignées des déclarations des auteurs du 3e plan, quand ils glorifient les méthodes « qui marchent ».

De surcroît, l’ANESM signale, dans ses recommandations de bonne pratique d’avril 2012, que du fait de l’hétérogénéité des profils cliniques, la diversité des professionnels et des structures est nécessaire pour répondre aux besoins spécifiques des enfants et adolescents ayant un trouble envahissant du développement.

Ceux qui, aujourd’hui, accompagnent quotidiennement les sujets autistes, savent bien que cette diversité, alliant stratégies éducatives et prise en compte de la subjectivité et de la singularité des autistes, est le gage d’une clinique pragmatique offrant aux autistes de sortir de leur monde immuable et sécurisé, et de leur ouvrir ainsi un accès à la vie sociale.

Dans le travail avec les enfants autistes, le thérapeutique, le pédagogique et l’éducatif, sont en permanence intriqués. Aussi, opposer l’orientation psychanalytique du traitement à une approche éducative constitue un non-sens dont les personnes autistes pourraient bien faire les frais dès la mise en application de ce plan.

C’est pourtant une telle absurdité qui anime la récente lettre des députés du groupe d’étude sur l’autisme, aimablement publiée par Médiapart et adressée au Président de la République. Celle-ci qualifie le 3e plan autisme de « plan ambitieux » qui « entend fermement tourner la page de la psychanalyse appliquée à l’Autisme » (sic !). Resic : « En ne donnant les moyens d’agir qu’aux seules structures utilisant les méthodes comportementales et éducatives, le Gouvernement a permis que les personnes avec autisme, leurs familles et les associations soient enfin reconnues et puissent enfin croire en l’avenir ». Car, bien sûr, auparavant, les familles étaient laissées sur le bord du chemin !

À la lecture de cette lettre, on se dit que, décidément, ces députés sont ignorants ou mal informés ou incultes. Toutefois, le paragraphe suivant ne laisse aucun doute sur les intentions partisanes de ses auteurs quand il affirme que, depuis l’annonce de ce plan, « le lobby de la psychanalyse », particulièrement ancré dans notre pays, conscient du risque de pertes financières en sa faveur, est particulièrement virulent à l’encontre de Marie-Arlette Carlotti et du Gouvernement, au point de demander le retrait de ce Plan largement concerté. Et de parler d’une « offensive inacceptable » face à laquelle ces députés réaffirment leur soutien aux engagements du 3e Plan Autisme et demandent à François Hollande de veiller à la bonne application de ce Plan en ne finançant que les structures basées sur une prise en charge adaptée.

La messe est dite. Fermez le ban ! Rentrez dans les rangs !

 

Il y a pourtant une approche  psychanalytique contemporaine de l’autisme dont les principes restent méconnus, non seulement par les responsables politiques mais également par de nombreux spécialistes. Elle met l’accent sur les inventions des autistes et sur leur « savoir implicite » pour lutter contre l’angoisse. JC Maleval précise, en outre, que l’approche psychanalytique de l’autisme à laquelle il est fait référence dans le courant lacanien trouve son fondement dans « la pratique à plusieurs », qui donne une fonction prépondérante au « savoir implicite » de l’autiste, à ses points forts et à ses inventions, en particulier celles qui sont construites à partir de son bord (objet autistique, double et îlot de compétence). Une position de non-savoir de la part des soignants est une condition nécessaire pour que les enfants sortent de leur repli et se risquent à inclure l’Autre dans leurs opérations.

 Pour être en mesure d’accueillir les inventions des autistes, l’inattendu doit pouvoir trouver place dans le fonctionnement institutionnel. 

 

En surplomb des indications techniques, la HAS insiste sur la dimension éthique de la prise en compte des autistes. Sa première recommandation consiste « à respecter la singularité de l’enfant /adolescent et de sa famille ». La recherche de l’adhésion de l’enfant est essentielle, il convient de le faire participer aux décisions, il faut prendre en compte ses goûts et ses intérêts. « Il doit être reconnu dans sa dignité, avec son histoire, sa personnalité, ses rythmes, ses désirs propres et ses goûts, ses capacités et ses limites». Toutes indications auxquelles les psychanalystes souscrivent depuis longtemps et s’efforcent, depuis toujours, d’appliquer.

 

Peut-être me reprochera-t-on de faire des amalgames, mais je ne peux m’empêcher de mettre en série :

- les méthodes des militants antipsychanalyse, répandant leurs certitudes dans les médias en évitant soigneusement tout débat contradictoire pendant que d’autres  établissent sur Internet une « liste noire » des formations sur l’autisme qui ne respecteraient pas les recommandations de la HAS ou protestent contre la tenue de colloques portant sur les approches psychanalytiques de l’autisme,

- les méthodes des opposants au mariage pour tous

- la recrudescence dans notre pays et en Europe de mouvements idéologiques qui, au siècle dernier, conduisirent au pire.

JC Maleval est donc fondé à poser cette question : que se passera-t-il si le gouvernement auquel appartient Madame Carlotti décide d’interdire les recherches universitaires sur les approches psychanalytiques de l’autisme?

Ne voit-elle pas, elle et les députés signataires de la lettre à F. Hollande, qu’en excluant la psychanalyse et ses praticiens, c’est à la liberté de penser qu’ils s’en prennent ?

La frénésie de la norme, telle que 3ème plan autisme la conforte, pourra-t-elle rester longtemps compatible avec ce qui, historiquement, différencie la gauche de la droite : son rapport au changement ?

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3éme plan autisme (suite) et clientélisme de la ministre

Publié le 15 Mai 2013 par Jean Mirguet dans Autisme

On lira avec intérêt cette lettre ouverte de Mireille Battut, présidente de l'association La main à l'oreille, à la ministre, dite de gauche, MA Carlotti, au sujet de la présentation du 3éme plan autisme et du clientélisme de cette ministre ...édifiant !

 

Madame la ministre,

 Je viens de recevoir votre appel à soutenir votre candidature à la mairie de Marseille, sur la boite mail de l’association que j’ai créée,  La main à l’oreille.

La main à l’oreille est née en 2012, année consacrée à l’autisme Grande cause nationale, pour porter une parole autre : nous refusons de réduire l’autisme à la seule dimension déficitaire et sa prise en charge à la seule approche rééducative, nous voulons promouvoir la place des personnes autistes dans la Cité, sans nous référer à une norme sociale ou comportementale.

C’est en 2012 que vous avez découvert l’autisme. Vous repartez maintenant vers d’autres aventures, mais vous nous laissez un 3ème Plan Autisme rapidement ficelé, accompagné de déclarations martiales : « En ouvrant ce dossier, j’ai trouvé une situation conflictuelle, un climat tendu, je n’en veux plus. » Vous avez, en effet, vécu des moments très chahutés. J’en ai été témoin lors d’un colloque au Sénat dédié à l’autisme, où un groupe de parents bien déterminés vous empêchait de parler. Le député Gwendal Rouillard, votre collègue, qui a choisi de soutenir les plus virulents, était à la tribune, les yeux mi-clos et le sourire aux lèvres. Comme vous étiez toujours coincée sur le premier paragraphe de votre discours, il a levé un bras et a demandé silence aux parents en les mettant en garde « ne prenez pas la ministre pour cible, n’oubliez pas que votre véritable ennemi, c’est la psychanalyse ». La salle s’est calmée et vous avez pu poursuivre votre propos, après avoir jeté un regard de remerciement à celui qui vous sauvait ostensiblement la mise. Vous avez retenu la leçon : vous ne voulez plus de parents chahuteurs dans vos meetings. Aussi, en partant, vous donnez des gages : « En France, depuis quarante ans, l’approche psychanalytique est partout, et aujourd’hui elle concentre tous les moyens ». Vous savez pourtant, en tant que Ministre, que depuis trente ans la psychanalyse n’est plus dominante en psychiatrie, que les établissements médico-sociaux ainsi que les hôpitaux de jour ont intégré des méthodes comportementales ou développementales dans leurs pratiques et que le problème majeur, c’est le manque de place et de moyens. Est-ce à cause de la psychanalyse que les enfants autistes restent à la porte de l’Ecole républicaine ? C’est donc en toute connaissance de cause que vous vous faites le relai d’une fable grossière, dictée à la puissance publique par quelques associations extrémistes.

Dès votre arrivée, vous avez annoncé que vous seriez très à l’écoute des parents. Il eut été plus conforme à la démocratie d’être à l’écoute des différents mouvements de pensée. « Les » parents, ce n’est ni une catégorie, ni une classe sociale. Il y a abus de généralisation dans la prétention du « collectif autisme » à s’arroger la parole de tous « les » parents. Vous ne pouvez pas ignorer qu’il y a d’autres associations représentant d’autres courants de pensée puisque nous avons été reçus par votre cabinet où nos propositions ouvertes et constructives ont été appréciées, et où l’on nous a assurés que le ministère n’avait pas vocation à prendre parti quant aux choix des méthodes. C’était le moins que nous demandions. Nous ne cherchons à interdire ou à bannir quiconque, et surtout pas qui pense différemment. Nous sommes trop attachés à la singularité, qui est l’agalma de ce que nous enseignent nos enfants.

 « Il est temps de laisser la place à d’autres méthodes pour une raison simple : ce sont celles qui marchent,… Permettez-moi de m’étonner que vous n’ayez pas attendu pour affirmer cela que les 27 projets expérimentaux, tous attribués unilatéralement à des tenants de l’ABA par le précédent gouvernement, et jugés sévèrement par vos services comme trop chers, aient été évalués. La diversité et la complexité du spectre autistique peuvent justifier différentes approches, en tout cas, vous n’avez rien de concret permettant d’étayer le slogan de l’efficacité-à-moindres-couts-d’une-méthode-scientifique-reconnue-dans-le-monde-entier- sauf-en-France. En Amérique, le conditionnement comportementaliste est fortement critiqué, notamment par des personnes se revendiquant autistes, aussi bien pour son manque d’éthique, que pour ses résultats en fin de compte peu probants, conduisant parfois à de graves impasses thérapeutiques.

…et qui sont recommandées par la Haute Autorité de Santé. ». Si, en privé, vos services reconnaissent que le ministère a choisi de s’appuyer sur ces recommandations, en l’absence d’autres bases, encore faut-il ne pas en faire une lecture outrageusement simpliste se résumant à « une méthode ». La HAS s’efforçait tout de même de maintenir l’intégration des différentes dimensions de l’être humain, sous la forme d’un triptyque "Thérapeutique/pédagogique/éducatif". Dans le 3ème plan autisme que vous venez de présenter, seul l’éducatif est maintenu. Le mot "thérapeutique" est employé une seule fois, de façon surprenante pour qualifier « la » classe de maternelle spécialisée pour les autistes, une par académie !

« Que les choses soient claires, n’auront les moyens pour agir que les établissements qui travailleront dans le sens où nous leur demanderons de travailler ». L’écrasante majorité des établissements a déjà prudemment annoncé être en conformité avec les recommandations de la HAS. Il faut donc entendre que vous souhaitez aller au-delà ? Votre volonté est clairement d’intimider tous ceux qui s’efforcent de mener une démarche au un-par-un et qui ne calent pas leur pratique exclusivement sur des protocoles dépersonnalisés. En faisant cela, vous transformez les intervenants en exécutants serviles, vous réduisez à néant l’apport pacificateur de la dimension thérapeutique face à la violence potentielle de la sur-stimulation, du dressage et de la volonté de toute-puissance. En procédant ainsi vous menacez directement tout le secteur médico-social au profit d’un système de services à la personne et de privatisation du soin, avec formation minimale des intervenants. D’autant que vous n’annoncez pas la création de nouvelles structures avant 2016.

La fédération ABA France revendique sans ambages « une approche  scientifique qui a pour objectif la modification du comportement par la manipulation » destinée à tous les domaines, bien au-delà de l’autisme, de la psychiatrie à l’éducation en passant par la communication. On trouve dans leur programme les ingrédients du traitement qui vous a été réservé : définition externe d’un objectif cible, mise sous situation de contrainte du sujet, au cours de laquelle il sera exposé à la demande de l’autre de façon intensive et répétitive, la seule échappatoire étant de consentir à ce qui est exigé de lui. On comprend que vous soyez soulagée d’en finir. Si je tiens personnellement à éviter que mon enfant subisse ce type de traitement, j’attends aussi d’un ministre de la République qu’il sache y résister.

Madame la Ministre, si vous voulez mettre vos actes en accord avec les annonces de votre candidature à la mairie de Marseille «  pouvoir rassembler les forces de progrès … et tourner la page du clientélisme… », il est encore temps pour vous de le faire, j’y serai attentive.

Mireille Battut

Présidente de La main à l’oreille

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Le 3e plan autisme

Publié le 7 Mai 2013 par Jean Mirguet dans Autisme

Le libérateurLors de la présentation du 3e Plan autisme, jeudi 2 mai, la ministre déléguée aux Personnes handicapées, Marie-Arlette Carlotti, a fait montre d’un manichéisme confondant, en opposant le traitement de ceux dont le travail clinique s’appuie sur les hypothèses de la psychanalyse à celui qui «utilise d’autres méthodes». Madame Carlotti affirme que ces dernières sont «celles qui marchent», laissant sous-entendre que celles de la psychanalyse sont nulles et non avenues.

Le même jour, la ministre a déclaré que depuis quarante ans l’approche psychanalytique est partout» et «concentre tous les moyens». Des commentaires qui laissent un goût particulièrement amer pour les soignants qui, quotidiennement, accompagnent les autistes et leurs familles.

Désormais, seules les institutions utilisant «les méthodes qui marchent» se verront dotées de budgets de fonctionnement. Les autres sont sommées de se mettre au pas, d’adopter les « bonnes pratiques » édictées par la Haute Autorité de Santé et priées sans ménagement de mettre leur savoir-faire forgé depuis des années au rebut: la chasse aux sorcières a commencé.

Sont mis au rencart les travaux et les recherches de psychanalystes comme, par exemple, ceux de Jean-Claude Maleval pour qui il est essentiel de ne pas sacrifier l’individualité et la liberté du sujet, en prenant appui sur les inventions des autistes et leurs îlots de compétence. Sont rayés des dispositifs de soin les modalités de travail à plusieurs inventées dans les unités de pédopsychiatrie accueillant des sujets autistes.

Si certains psychanalystes ont pu dans le passé être dogmatiques et culpabilisants à l’endroit des mères d’enfants autistes, la majorité d’entre eux ne tiennent plus aujourd’hui ce discours passé d’âge et maintiennent comme nécessaire une approche plurielle de l’autisme alliant méthodes psychanalytiques, cognitives et éducatives.

Il est déplorable qu’une ministre « progressiste », manifestement peu au fait du traitement de l’autisme et reprenant à son compte les rengaines réactionnaires contre la psychanalyse, participe à cette mise en coupe réglée du traitement de l’autisme.

Donna Williams, autiste de haut niveau, écrivait que « la meilleure approche serait celle qui ne sacrifierait pas l’individualité et la liberté de l’enfant à l’idée que se font de la respectabilité et de leurs propres valeurs les parents, les professeurs comme leurs conseillers ».

Quand cette indication est suivie, plaide Jean-Claude Maleval dans sa conclusion de L’autiste et sa voix (Seuil, 2009), « quand le sujet autiste est placé dans des conditions où ses inventions et ses îlots de compétence sont valorisés, et non tenus pour des obstacles à son développement, quand le choix de ses doubles et de ses objets est respecté, il s’avère possible pour lui, non pas de sortir de l’autisme, mais de son monde immuable et sécurisé, ce qui lui ouvre un accès à la vie sociale. Alors seulement peut advenir une mutation faisant de l’autiste un sujet responsable et assumant son devenir ».

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L'approche éducative dans l'autisme

Publié le 15 Mars 2012 par Jean Mirguet dans Autisme

Dans son édition du 15 mars, Le Monde publie une mise en garde doublée d’une mise au point  de Laurent Mottron contre la méthode ABA.

Le Dr Mottron est psychiatre et chercheur en neurosciences cognitives résidant au Québec, directeur scientifique du Centre d'excellence en troubles envahissants du développement de l'Université de Montréal (Cetedum). Les recherches de son équipe, qui a publié plusieurs dizaines d'articles dans les meilleures revues scientifiques, permettent d'affirmer que les autistes pensent, retiennent, s'émeuvent, et surtout perçoivent différemment des non-autistes. Ce groupe défend l'idée que la science, en considérant l'autisme comme une maladie à guérir, passe à côté de sa contribution intellectuelle et sociale.

 

Je rappelle que Jean-Claude Maleval, psychanalyste, considère pour sa part que, parmi les méthodes d'apprentissage, la méthode TEACCH est à mettre à part, car elle s'appuie sur une connaissance du fonctionnement cognitif de l'autisme souvent intéressante. Cependant elle ne prend pas en compte l'angoisse. Il souligne que toutes les méthodes qui privilégient le un par un, et donc une implication forte du soignant, obtiennent des résultats (améliorations du comportement) parce que les autistes se dynamisent en se branchant sur un bord et affirment eux-mêmes être en attente d'une stimulation externe.

JC Maleval partage l'approche de  L. Mottron qui donne à l'autisme un statut de "variant" humain plutôt que de trouble, traduction du terme anglais consacré autistic disorder. Appréhendé sous cet angle, l’autisme serait une structure subjective spécifique n’évoluant pas vers la psychose sauf dans de rares passages (qui ne seraient qu’apparents) vers la schizophrénie quand les défenses ont été trop dérangées. JC Maleval ajoute qu’il n’y a dans l’autisme ni hallucinations verbales authentiques ni délire et que les écrits des sujets autistes sont nettement différenciables de ceux des psychotiques.

 

À propos des recommandations récemment publiées par la Haute Autorité de Santé (HAS) en matière de prise en charge de l'autisme, notamment celles qui concernent l'approche comportementaliste ABA (Applied Behavioral Analysis ou Analyse appliquée du comportement), le docteur Mottron a adressé la réaction suivante au Monde :

Le rapport argumentaire de la HAS et ses recommandations sont dans leur quasi totalité un travail remarquable. Je soutiens sans réserve l'approche éducative, –  tous les autistes doivent aller à l'école régulière par défaut, avec accompagnent si nécessaire – comme je soutiens les thérapies cognitivo-comportementales pour les autistes verbaux. Ces dernières n'ont rien à voir avec les interventions comportementales précoces ou ABA, qui s'adressent aux enfants d'âge préscolaire, et que je désapprouve – mais les Français mélangent tout dans le domaine, ils n'y connaissent rien faute d'y avoir été exposé à cause de la psychanalyse, et ne font aucune nuance entre des techniques qui n'ont à peu près rien à voir entre elles.

Quand je vois "techniques éducatives et comportementales", dans la même phrase, je mesure à quel point en France actuellement on pense que les ennemis de mes ennemis sont forcément mes amis. J'ai même ma photo chez les lacaniens, avec cette logique! Alors que pour moi la psychanalyse n'a rien à dire ni à faire avec l'autisme. La psychanalyse est une croyance, une pratique qui doit rester limitée à un rapport entre adultes consentants. On doit la sortir du soin, des enfants en particulier (et pas seulement de l'autisme). Je suis parti au Canada pour fuir cela il y a vingt ans.

La seule chose que je critique dans le rapport de la HAS, comme scientifique et clinicien de l'autisme  et j'ai le droit de le faire, parce que cette technique a été rendue obligatoire au Québec en 2003, avec pour effet de monopoliser tous les budgets, avec des résultats non démontrés, et la conséquence de laisser les adultes autistes sans ressource, c'est la place qu'il fait à l'ABA. Le rapport évalue mal les données sur lesquelles il se base pour lui donner la cote B. Les résultats de l'ABA sont gonflés, cette technique pose de gros problèmes éthiques, elle se fonde sur une science périmée. L'HAS a pris sur ce point une position plus généreuse que le rapport Warren (2011) de l'académie de pédiatrie américaine, qui lui donne une cote moins bonne de C, selon une échelle comparable. Mais qu'on ne me fasse pas dire que je soutiens la psychanalyse parce que je critique l'ABA. 

 

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La psychanalyse aujourd'hui (VII) : l'autisme, encore

Publié le 29 Février 2012 par Jean Mirguet dans Autisme

AutismeDe la même façon qu’il n’est pas acceptable que l’autisme devienne l’arme favorite des comportementalistes livrant bataille à la psychanalyse et aux psychanalystes, il n’est pas davantage soutenable que des psychanalystes réduisent l’autisme au statut de symptôme du malaise actuel dans notre société, faisant de l’autisme la cause d’un combat politique d’affrontement à l’ordre social normatif. .

On ne devrait pas prendre prétexte de la manière très particulière dont fonctionnent les sujets autistes pour alimenter l’opposition sommaire du soin et de l’éducatif « pur et simple » (sic).

Dans les institutions accueillant des autistes, y compris dans celles tenant compte de leur fonctionnement subjectif et organisées en fonction de celui-ci, les choses ne sont pas si simples et les frontières entre soin et éducation ne sont pas délimitées de manière aussi grossière.

Dénoncer et caricaturer le comportementalisme ou la psychanalyse comme l’incarnation de l’Autre méchant est vain et infructueux.

Avertis des écueils auxquels expose le caractère imaginaire des relations en miroir, les psychanalystes devraient s’abstenir d’employer les procédés des comportementalistes et y réfléchir à deux fois avant de lancer leurs oukases.

 

Je reviens à ce qui est souvent présenté comme une incompatibilité entre méthodes éducatives et traitement psychanalytique de l’autisme, les premières étant identifiées par les psychanalystes comme n’admettant pas la subjectivité des autistes.

Si la première tâche d’une méthode éducative (et dans le traitement comportementaliste de l’autisme, il s’agit de méthodes d’apprentissage) consiste à aider un enfant à être peu ou prou comme les autres, si, de ce fait même, elle ne prend pas en compte la manière singulière qui affecte sa subjectivité, la boussole éducative n’indique pas, en effet, la même direction que celle de la psychanalyse.

Mais, il n’y a pas qu’une seule façon d’éduquer et d’apprendre ; toutes les méthodes d’apprentissage n’écartent pas, par principe, la prise en compte de la subjectivité, elles ne font pas toutes appel aux sanctions récompense-punition. Donc, l’incompatibilité supposée n’implique pas, ipso facto, l’impossibilité de coexistence.

 

J’ai déjà indiqué, dans ce blog, comment, dans l’accueil d’autres sujets, les ITEP (Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique) s’efforçaient justement de conjuguer thérapeutique, éducatif et pédagogique. Pourquoi ce nouage entre des champs d’intervention différents, s’il est au principe des ITEP, ne pourrait-il pas l’être dans le traitement institutionnel de l’autisme ? Nombreux sont les ITEP qui, tout en étant orientés par les hypothèses de la psychanalyse, réussissent cette synergie entre les trois champs.

 

Dans son remarquable livre consacré aux autistes (L’autiste et sa voix, Seuil, 2009) et souvent cité dans ce blog, Jean-Claude Maleval indique que la pente de l’éducateur ne le conduit pas à s’effacer et qu’elle peut l’amener, avec les meilleures intentions du monde, à trop vouloir s’occuper d’eux, en commettant, en particulier, la pire des erreurs qu’un thérapeute d’autiste devrait éviter, à savoir lui demander avec insistance de prendre une position d’énonciation et d’animer sa parole. Puisque, dans l’hypothèse de Maleval, rien ne saurait être plus angoissant pour un autiste que l’expression du vivant.

Il faut donc s’interroger sur ce que recouvre, sur ce que signifie le fait de s’employer à traiter un autiste, psychanalytiquement ou pas. L’indication donnée par Lacan est à cet égard particulièrement précieuse quand il indique que c’est en tant que nous nous occupons d’eux qu’ils n’arrivent pas à entendre ce que nous avons à leur dire.

Autrement dit, le traitement de l’autiste en passe par le traitement de celui qui s’occupe de lui, ce qui constitue un renversement de l’opinion courante en matière de traitement où le soignant est celui qui traite et le malade celui qui est traité.

Ce traitement singulier est celui que propose la pratique à plusieurs. Il s’agit d’un traitement en institution dans lequel la méthode éducative n’est pas exclue mais est qualifiée de « quelconque », selon le terme inventé par Virginio Baio.  Un éducateur quelconque est quelqu’un qui est moins occupé par des idéaux éducatifs, pédagogiques ou thérapeutiques que par le souci de faire place aux trouvailles et aux inventions de l’enfant.

À trop vouloir s’occuper des enfants autistes, le risque est en effet réel d’acculer certains d’entre eux  à devoir se défendre contre ce qui, pour eux, constitue un danger réel : « On s’est défendu parce qu’on avait tellement si peur, Madame », dit Orion, L’enfant bleu de Henri Bauchau.

Il s’agit donc d’incarner la fonction d’un partenaire qui laisse une place au travail de l’enfant, ce travail consistant à trouver des moyens de se protéger contre l’angoisse.

Le positionnement éthique de l’éducation consiste ici à accompagner l’enfant dans un processus de changement dont il est le sujet singulier et non l’objet à normaliser.

 

C’est une pratique de psychanalyse appliquée c’est-à-dire une pratique de psychanalyse ouverte, métissée, mêlant, pourquoi pas, l’or pur au plomb...

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Autisme : c'est la psychiatrie qu'on attaque, par Jean-François Rey

Publié le 22 Février 2012 par Jean-François Rey dans Autisme

Je propose à la lecture de ceux d'entre vous qui n'auront pas lu Le Monde du 23 février cet article de Jean-François Rey, philosophe, auteur de "La Mesure de l'homme : l'idée d'humanité dans la philosophie d'Emmanuel Levinas" (Michalon, 2001) et d'"Autour de l'enfant : questions aux professionnels" (L'Harmattan).

 

Un rapport de la Haute Autorité de santé (HAS) qui doit être rendu public le 6 mars dénonce, dans sa conclusion, la non-pertinence de l'approche psychanalytique et de la psychothérapie institutionnelle dans le traitement de l'autisme, certes, et on risque de ne pas en rester là. C'est l'humanité même de la psychiatrie qui est condamnée. La pratique du "packing", longtemps utilisée dans le traitement des psychoses de l'adulte, repose sur l'enveloppement humide qui permet au patient souffrant d'un morcellement du corps propre de retrouver de l'intérieur son enveloppe corporelle.

Est-ce bien cette pratique qui suscite les cris de haine de la part des associations de parents d'enfants autistes ? Les témoignages de ceux qui en auraient été les bénéficiaires ne seront même pas entendus. Le pédopsychiatre Pierre Delion, dont on ne dira jamais assez la gentillesse et l'esprit d'ouverture, est la victime d'une véritable persécution ; cette campagne de haine n'a cessé de gonfler jusqu'à sa convocation devant le Conseil de l'ordre. Cette douloureuse affaire ne fait qu'augmenter le niveau d'angoisse où nous jette déjà une crise sociale et morale alimentée de toutes parts : si le scientisme gagne à l'aide d'arguments et de pressions non scientifiques, alors le désert croît. Si la psychiatrie n'est plus dans l'homme, on assistera à des pratiques de contention et de répression que l'on signale déjà ici ou là.

La désolation caractéristique du vécu de la psychose est aussi une expérience qui nous guette tous : en allemand, la désolation (Verwüstung) se souvient du désert (Wüste) qu'elle traverse. Aujourd'hui, si on ne pense pas en même temps la psychiatrie et la culture, on accroît la désertification. Ce qui est inédit dans cette affaire, c'est que, pour la première fois, on voit qu'un procès fait à la psychanalyse, discipline qui ne s'est jamais dérobée à la critique, débouche non pas sur une controverse scientifique argumentée mais sur une interdiction disciplinaire réclamée par des lobbies.

Encore une fois, on peut contester la prétention de la psychanalyse à la scientificité, comme l'ont fait au siècle dernier les arguments de Karl Popper, ceux de Georges Politzer ou, plus près de nous, ceux de Gilles Deleuze. Il faut insister là-dessus : la psychanalyse, discipline libérale, ne s'autorisant que d'elle-même, selon les termes de Lacan, indépendante du discours universitaire mais mobilisant toutes les ressources de la science et de la culture, n'a jamais prétendu se dérober au débat scientifique. Cette pression de l'opinion intéressée et pleine de ressentiment est une insulte à la liberté de penser et une menace pour les autres disciplines de la science et de la culture.

A côté des vociférations d'aujourd'hui, la première vague de l'antipsychiatrie des années 1970, qui charriait beaucoup de préjugés et d'analyses sommaires, n'avait pourtant pas la même tonalité de haine et de bêtise. Or, cette haine risque de parvenir à ses fins.

Certes, elle est nourrie de la souffrance de parents d'enfants autistes qui ont le sentiment d'avoir été culpabilisés par des discours peu nuancés. Menée à son paroxysme, la haine vise à soustraire l'enfant souffrant à une pratique qui vise pourtant à le soulager. L'autiste n'est pas un malade, dit la nouvelle antipsychiatrie. La maladie mentale n'existe pas, disait la première antipsychiatrie. De telles affirmations massives résonnent comme un déni de la souffrance et plus encore de l'humanité qui est ou devrait être au coeur de la clinique, si toutefois le mot même de clinique a encore un sens pour les censeurs.

Mais les arguments ont entraîné, cette fois-ci, un recours à l'appareil judiciaire et à un traitement disciplinaire là où un débat argumenté et scientifique fait défaut. Il convient donc d'informer : il existe des lieux de soin, des praticiens, qui résistent à cette dérive. Ils y résistent d'autant mieux qu'ils savent dénouer l'intrigue du scientisme et du judiciaire bâtie autour de l'autisme, mais dépassant de loin la seule question de l'autisme. Il est urgent d'avoir recours à une défense et illustration d'une psychiatrie née pendant et après la guerre qui visait à supprimer l'enfermement asilaire : soigner l'hôpital avant de soigner les malades, selon la formule du psychiatre allemand Hermann Simon, reprise par François Tosquelles.

Quand l'hôpital va mieux, certains troubles disparaissent. La psychothérapie institutionnelle qu'on dénonce aujourd'hui a une histoire à faire valoir. Je me contenterai d'en rappeler quelques principes simples. L'institution doit faire du sur-mesure : ce n'est pas au patient de s'adapter au milieu. Pour cela, le concept analytique de "transfert" est précieux. Le transfert d'un patient, schizophrène ou non, sur l'institution, que Jean Oury appelle "transfert dissocié", consiste à organiser la "rencontre" entre le patient et d'autres personnes évoluant dans les mêmes lieux : soignants, personnels de service, autres patients. Le mot même de "rencontre" est la clé de cette pratique. Pour qu'il y ait rencontre, il faut qu'il y ait liberté de circuler. Mais davantage encore, il faut que les lieux et les personnes soient assez distincts : distinguer les sujets, distinguer les lieux pour qu'ils deviennent des sites de parole, distinguer les moments contre un temps homogène et vide, distinguer des groupes et des sous-groupes dans un réseau d'activités. En un mot, résister à la tyrannie de l'homogène, face lisse du "monde administré", selon la formule de Theodor W. Adorno.

Une telle pratique de soin de l'esprit humain s'est nourrie de l'apport de la psychanalyse, sans exclusive. Mais surtout, hors du débat scientifique dont pourtant on nous prive, il faut dire l'ancrage de ce traitement. "L'homme est en situation dans la psychiatrie comme la psychiatrie est en situation dans l'homme." Ces mots du philosophe Henri Maldiney ont été illustrés dans des lieux aussi divers que la clinique de Ludwig Binswanger à Zurich, l'hôpital de Saint-Alban (Lozère) pendant la guerre ou, aujourd'hui encore, à la clinique de La Borde (Loir-et-Cher).

Va-t-on assécher l'élément humain dans lequel ces institutions baignent ? L'obsession sécuritaire présentant le patient schizophrène comme un danger, jointe au recours à la justice, va-t-elle avoir raison de ces pratiques toujours en recherche ? Nous ne pouvons nous y résoudre. Le désert croît et pourtant rien n'est joué.

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La psychanalyse aujourd’hui (III). L'autisme : à quand une conjugaison des approches ?

Publié le 11 Décembre 2011 par Jean Mirguet dans Autisme

Le film de Sophie Robert, Le Mur, la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme, s’attache à caricaturer la prise en charge psychanalytique de l’autisme. En manipulant les témoignages des psychanalystes interrogés, en tronquant des phrases sorties de leur contexte, la réalisatrice  conforte ceux qui veulent éliminer la psychanalyse du travail thérapeutique avec les autistes.

Comme Caroline Eliacheff l’indiquait sur France Culture cette semaine, ce film est un abus de confiance et une escroquerie, au service de Vaincre l’autisme, l’association qui, depuis des années, mène la croisade contre les psychanalystes et milite en faveur des thèses neurologiques (génétiques) et des programmes de rééducation d’inspiration neuro-cognitiviste (méthode ABA).

Le film de Sophie Robert reprend la thèse éculée de la culpabilité de la mère dans la genèse de l’autisme et entretient l’idée que les psychanalystes culpabiliseraient les parents, avec la certitude que, seules, les méthodes éducatives seraient efficaces.

Or, la culpabilité portant sur les parents d’enfants autistes vient de l’idée psychologique simpliste que ce qui arrive à l’enfant vient des parents. Les psychanalystes ne partagent pas cette conception et c’est procéder à un mauvais procès que d’en faire des accusateurs des parents. Mais, on ne peut nier que ce type d’opinion rudimentaire a cours chez un certain nombre de professionnels candides et inexpérimentés, peu formés, se réclamant gauchement d’une psychanalyse psychologisée. « L’inconscient des psychologues est débilitant pour la pensée », note Lacan...

 

Cette semaine, lors de l’audience du procès contre le film, l’avocat des plaignants a déclaré qu’on ne pouvait pas faire dire à quelqu’un le contraire de ce qu’il n’avait pas dit, de ce qu’il pensait et de ce qu’il écrivait dans ses articles (rappelons que trois des psychanalystes interviewés demandent  le retrait de leurs interviews ou, à défaut, l’interdiction du film, estimant  que leurs propos ont été "défigurés" au montage).

C’est particulièrement vrai pour Alexandre Stevens, psychiatre et psychanalyste, fondateur en 1982 du Courtil, une institution belge accueillant des enfants et jeunes adultes psychotiques et névrosés graves. Dans un article paru dans les Feuillets du Courtil (n° 29, janvier 2008), intitulé « Aux limites du social : les autismes », il rappelle que le tableau clinique de l’autisme est fait d’une prévalence du repliement sur soi. Le sujet se ferme à ses proches ressentis comme l’envahissant. Cet envahissement peut se manifester par ce qui est éprouvé comme un excès de demandes ou de désir de la part de ceux qui s’adressent à lui d’une façon reçue comme intrusive. C’est la présence qui est excessive, surtout quand se fait sentir un trop-plein du regard ou de la voix. S’impose alors au sujet autiste la nécessité de se retirer ou de se mettre à l’abri pour mettre l’Autre à distance.

Cette mise à distance peut prendre différentes formes, comme par exemple une attaque contre l’Autre. Récemment, au cours d’une séance de supervision, des éducateurs d’ITEP me parlaient d’un jeune adolescent qui, faisant le chien alors que la psychologue venait le chercher pour un entretien, l’avait sévèrement mordue à la jambe.

Compte tenu des diverses formes prises par l’autisme, Alexandre Stevens demande s’il convient de parler de l’autisme ou des autismes. S’agit-il d’une maladie ou d’un style de vie singulier ? S’agit-il d’une psychose ou est-ce un handicap ? La cause est-elle organique, génétique ou à rechercher dans la façon dont un sujet accède à la parole, s’inscrit dans le lien social ? Est-ce la « réponse » d’un sujet à des difficultés ?

En parler comme d’une maladie implique l’existence d’une cause extérieure : cause physique, organique, génétique. Une telle cause existe peut-être, mais, jusqu’ici, la preuve n’en a pas été apportée.

Faire de l’autisme un handicap suppose une déficience provoquant une incapacité avec un accent porté sur le comportement, susceptible d’être rééduqué.

Puisqu’il a été observé, dans l’autisme, une séparation radicale des affects et de l’intellect, puisqu’ils parlent sans être impliqués dans ce qu’ils énoncent et sans que des émotions accompagnent leurs paroles, il y a une difficulté du travail concernant comment être présent pour eux ? Leur côté plutôt verbeux fait de leur parole une parole déconnectée de celui qui parle, une parole sans énonciation qui rend l’Autre absent. C’est ce qui fait dire à Lacan que les autistes n’arrivent pas à entendre ce que nous leur disons en tant que, justement, nous nous en occupons : c’est parce que nous nous en occupons qu’ils ne nous entendent pas donc qu’ils nous rendent inexistants. Il s’agit d’être présent sans trop l’être.

 

Sophie Robert s’est bien gardé de reprendre ces éléments pour ne retenir qu’une charge contre la psychanalyse et il est heureux qu’Arte ait refusé de diffuser son documentaire.

Mais il est tout aussi inutile de vouloir s’engager dans une bataille frontale avec les tenants des méthodes éducatives comportementales. Ce combat débouche inévitablement sur un « ou toi ou moi », à terme mortifère.

Une autre voie est proposée par la Coordination Internationale entre Psychothérapeutes psychanalystes s’occupant de Personnes avec Autisme (CIPPA) : http://old.psynem.org/Cippa/ .Cette association s’inscrit dans un esprit de constante articulation avec les autres approches et dans une démarche toujours intégrative et jamais exclusive des autres apports : stratégies éducatives, scolarité et approches rééducatives comme l'orthophonie, la psychomotricité, l'ergothérapie, etc... Elle insiste sur le travail de jonction effectué entre ses propres recherches, celles des sciences cognitives, des neurosciences et de la génétique.

N’est-il pas urgent que les psychanalystes inscrivent leur place dans cette conjugaison des approches ?

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