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QUE PUIS-JE SAVOIR ?

Tenter de percevoir les mouvements profonds qui décident de la marche de l’histoire.

Johnnylâtrie

Publié le 9 Décembre 2017 par Jacques Rimbert dans Le malaise

     Oui, bien sûr, la peur du vide pour beaucoup. Et la nausée du trop plein pour d'autres, dont je suis. La johnnylâtrie n'en est que l'acmé. C'est le trop qui est trop. Il faudrait faire un peu de vide pour voir.

         Sans doute y a-t-il, si l'on arrivait à le débarrasser de toute cette opération médiatique, (qui crée la bulle autant qu'elle gonfle avec)  un véritable sentiment populaire lié à Johnny Halliday; sentiment que je ne méprise pas. Pas plus que je ne méprise le parcours d'un Zidane par exemple (même si je sais à quel point ces carrières sont médiatiquement fabriquées).

         Une partie de ces deux mythes offre au peuple un rêve de réussite et d'ascension sociale et lui donne l'occasion de communier dans ce qui est après tout, une pop culture. On voudrait bien sûr que le partage ne se limite pas à ça. 

         Ce qui se précipite (au sens chimique) avec les morts concomitantes de Jojo et de Jeannot, c'est la fracture des deux France qui traverse la politique et la "culture" au sens très large.   L'ambiguïté de l'hommage que rendent les politiques à Jojo (et évidemment au premier chef, le chef), c'est que leur intention peut être double. D'un côté surfer avec démagogie sur un mythe populaire. De l'autre, faire attention à ne pas opposer ces deux France en en "humiliant" une partie. Je veux croire que c'est ce qui anime Macron.

PS : sur France Culture, les commentaires ont été beaucoup plus variés, sceptiques, voire ricanant.

 

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L’idole, suite .... Remettre l’église au centre du village

Publié le 9 Décembre 2017 par François Pierret dans Le malaise

                  Je voulais justement échanger avec toi sur l'affaire Johnny, mais tu as bien justement remis l'église au centre du village.

 

                  Car moi aussi j'ai bondi l'autre soir devant ma télé quand la déferlante d'idioties s'est abattue sur les foules. Oh, au début ce fut tentant, on nous a attendrit le cuir avec « Retient la nuit » et « Que je t'aime » (mon dieu je t'aime), on a failli pleurer. Mais au bout d'un moment, Christine a lâché une vérité, c'est pas sur lui qu'on pleure, c'est sur nous, parce que c'est une partie de notre enfance qui s'efface, cela nous ramène à notre précarité.

 

                  Bien. Après ça se gâte. Un spécialiste de la voix déclare que Johnny est un chanteur de blues. J'ai failli m'étouffer avec mon yaourt. Il aurait une voix de ténor, ok le Pavarotti du blues donc, défoncé au whisky, les jambes bien écartée, la bite à la main, parce que la guitare, quand on sait pas en jouer, on a l'air bête de la secouer comme des maracas. Et puis les gars qui jouent derrière, ils savent jouer mais ils sont dans le noir, eux. Noir c'est noir...

 

                  Encore plus fort, son producteur tente de démontrer que Johnny est un homme de gauche... là j'ai failli me renverser la tasse à café sur les genoux. Ah ben oui que j'suis bête, il a soutenu Sarko dans sa campagne alors qu'il était ministre de l'intérieur et s'attaquait au droit des avocats et des juges d'instruction, qui ralentissent l'application du droit (?!?). 

 

                  Et puis, alors qu'on se détendait avec un carré de chocolat, un drapeau des confédérés apparait soudainement derrière une photo de Johnny prise chez lui (home sweet home, I love America), on est plus à une contre-vérité près, si Johnny soutient l'esclavage, après tout c'est pas grave, c'est un bluesman, c'est logique. Il y aura des bikers couverts de tatouages et de croix de malte, l'emblème du blues c'est bien connu, pour l'accompagner jusqu'à son mausolée. Un hommage national s'impose. Il parait que Nadine Morano a pleuré à chaudes larmes à la télé, tout se tient. Et Marine Le Pen, elle sera en tête du cortège, avec les ouvriers derrière qui viennent d'être licenciés. Logique.

 

                  Mais apprend-on enfin, car la minute culturelle de France Télévision n'est jamais très loin derrière chaque tableau larmoyant, Johnny c'est LA voix. Certes, sans ça, pas de Johnny. Sauf que même Howling Wolf sait chanter sans brailler. Et puis les bluesmen chantent leurs peines, pas leurs orgasmes. 

 

                  Mais je ne vois même pas pourquoi je m'énerve, il suffit d'éteindre la télévision et de reprendre une vie normale. Et ben non, le lendemain matin, rebelote, au p’tit dèj, les céréales dans une main, le yaourt dans l'autre (encore un yaourt, faut faire glisser la pilule) sur les radios, impossible d'y échapper, je tourne le bouton du poste et enfin j'arrive sur BFM Business où un startupeur veut nous vendre des croissants chauds en ligne. C'est ça ou le retour aux vapeurs de la veille, c'est comme une biture la mort de Johnny, pas facile d'en sortir sans la migraine.

 

                  Bon allez, repose en paix, je dis ça pour nous.

 

 

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L’idole ... ou pire

Publié le 8 Décembre 2017 par Jean Mirguet dans Le malaise

            

Jean-Michel Basquiat « Untitled"

            A l’occasion du décès de celui qui n’avait pas craint de s’autoproclamer "idole des jeunes", la saturation et l’indigestion me gagnent en lisant, voyant, entendant le déferlement, à longueur de journées, de ce qu’il faut bien appeler une jouissance.

            Cette overdose d’idolâtrie, étonnamment soutenue par le Président de la République, n’est-elle pas mortifère pour ceux qui se prosternent devant l’idole disparue. Pourquoi mortifère ? Parce qu’elle les enferme, les emprisonne dans un système, voisin de l’intégrisme, dans lequel dominent l’unanimité, le tout, le Un et le fait que tous s’accorderaient sur l’évidence que cet artiste serait un héros … mort au Champ d’Honneur ?

           

            Ce supposé accord général est totalitaire puisqu’il exclut tout point de vue qui s’écarterait de l’avis de tous. A-t-on, par exemple lu, vu ou entendu s’exprimer des désaccords concernant ce bourrage de crâne ? J’ai cherché et n’en ai trouvé aucun. Du Monde à BFMTV en passant par France Inter, ce ne sont que communion en faveur du même,  ferveur quasi-religieuse bien-pensante, tartuferies flatteuses des bigots, soumission à la pensée unique.

           

            A qui s’adresse cette dévotion idolâtre, résidu de la généralisation de l’individualisme à l’ensemble de la vie sociale et dans lequel nous baignons depuis quelques décennies ? A l’idole ? Rien n’est moins sûr.

            Comme dans un miroir, elle s’adresse surtout au dévot lui-même qui, par une espèce de besoin d’être comblé, ne trouve rien de mieux que de se fabriquer un dieu à soi.

            On en déduira que devenir un fabriquant de dieux exige une grande surestimation de soi et que la fétichisation de l’idole est à ranger parmi les symptômes des malades du narcissisme que rencontrent aujourd’hui maints psychanalystes.

            Comme le souligne le sociologue Alain Ehrenberg, le lien social s’affaiblit et, en conséquence, l’individu doit de plus en plus s’appuyer sur lui-même, sur ses capacités personnelles. Pas étonnant alors qu’il en vienne à se doter du pouvoir de se confectionner  son dieu ou de se proclamer idole. C’est ainsi que Dieu devient une créature de l’Homme. 

           

            Se bricoler son propre dieu ne revient-il pas à combler la faille native qui habite chacun de nous? Or, cette faille est obturée dès lors qu’un Autre, qu’on s’est choisi, vient – en apparence - la colmater.

          Dans son  livre publié en 2012 aux éditions Liber, Dieu, encore ?, le psychanalyste Michel Brun considère que « fonctionnant en permanence dans l’excès et le trop-plein, l’Occident est devenu dramatiquement incapable de ménager une place au vide comme a su par exemple nous y inviter le taoïsme ».

            La faille inscrite au cœur de chaque sujet humain et que l’idolâtrie adressée au rocker vient suturer en constitue une manifestation criante.

            J’adresse aux thuriféraires de Johny, ce poème de Jean-Marc Undriener, extrait de pas trace (éd. Faï fioc), judicieusement déniché par Marie-Ange Mirguet :

« Quand même -
le pire reste encore ce trop
ce trop-plein ce remplissage
jusque-là
ce plein permanent
partout
où qu'on se tourne dans
cet espace plein de l'autre
où manque toujours
entre les vides
un vide plus grand »

 

           

 

 

 

 

 

 

           

 

 

 

 

 

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