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QUE PUIS-JE SAVOIR ?

Tenter de percevoir les mouvements profonds qui décident de la marche de l’histoire.

Dégagement

Publié le 19 Octobre 2017 par Jean Mirguet dans Philosophie

Dans Une seconde vie (Grasset, 2017), François Jullien distingue la « connaissance dégagée » et la « connaissance décochante »

Cette dernière déclenche des jugements pour ou contre « comme le ressort d’une arbalète ». Son souci majeur réside dans la jouissance de la riposte quand, faute d’arguments, ne restent que l’anathème et l’insulte (cf. la capitulation intellectuelle à l’œuvre  dans le discours de certains hommes politiques), témoins d’une pensée bavarde, étriquée, vétilleuse dans laquelle « l’esprit se retrouve aux portes de la mort » et où « plus rien ne lui laisse recouvrer la lumière » … « et l’on reste dans l’incompréhension du monde qui se produit inépuisablement sous nos yeux ».

La « connaissance dégagée » fait voir, quant à elle, « non pas autre chose, mais autrement les choses ». Elle fait exister autrement les choses. François Jullien souligne que dégager ne signifie pas seulement délivrer de ce qui fait obstacle mais dit aussi ce qui permet de mettre en valeur, en l’extrayant, ce qui a été enfoui. « Dégager n’invente ni ne requiert autre chose, n’est en attente de rien d’extérieur, mais déploie la ressource contenue, par retrait de ce qui la renfermait ».

Ce dégagement n’est pas un désengagement ; en lui se « libère une capacité, et ce seulement par désadhérence et dilution du compact et de l’opacité ». C’est ainsi que, comme il l’écrit dans Dé-coïncidence (Grasset, 2017), « quelque chose d’inouï, d’inédit, subrepticement émerge : quelque chose qui n’a pas encore de nom peut commencer de se détacher, peut commencer de s’extraire de l’indéfini des possibles, de prendre pied dans l’effectif et d’exister (…) C’est par dé-coïncidence qu’advient l’essor ».

« Le dégagement ne débouche pas sur une vérité émanant d’un autre monde », en quoi il n’a rien à voir avec la catégorie si commode (et paresseuse) du dégagisme. « Il produit un affranchissement du monde-se-bornant-au-monde, du monde se bordant en monde, qui permet d’évoquer ce monde – le seul -  en le lavant de son opacité, à son stade suprême d’essor et de limpidité ».

 

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