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QUE PUIS-JE SAVOIR ?

Tenter de percevoir les mouvements profonds qui décident de la marche de l’histoire.

politique

Un bruit de casseroles

Publié le 9 Mai 2023 par Jean Mirguet dans Politique

Peut-être déplorez-vous comme moi la manière dont une majorité de médias relaie sans vergogne les slogans de l’opposition, que ce soit celle de la gauche radicale ou celle de la droite populiste et réactionnaire : les Français sont « en colère », « révoltés » par un « déni de démocratie ». La légitimité des élus est opposée à celle de la foule, de la « rue », du « peuple », pendant que des manifestants font du bruit en tapant sur du vide, avec le soutien de casseroles devenues l’emblème de la gauche. A la radio, à la télévision sont privilégiés les témoignages de personnes hostiles à la réforme. Quant aux violences en marge des manifs, elles sont essentiellement policières.

Il devient très compliqué de dénicher une presse qui sache résister aux sirènes et aux délires idéologiques. Depuis maintenant plusieurs années, Le Monde a abandonné son exigence éditoriale de centre gauche ; quant au service public, il est bien en peine de proposer une information sans filtre idéologique. À l’objectif d’informer s’est substitué celui de racoler et de faire le buzz.    

Pourtant, nombreux sont les citoyens qui aspirent à une information les éclairant sans les manipuler, qui attendent des réflexions croisées, plurielles, rendant compte de la complexité du monde, qui souhaitent des politiques éditoriales respectueuses des grands principes de la démocratie, de la République, du processus européen.

Plutôt que d’évoquer la « crise de la démocratie », expression devenue en quelques semaines le poncif le mieux partagé dans notre pays, ne serait-il pas plus juste d’invoquer une crise de la médiacratie donnant naissance à son rejeton, la médiocratie ?

Infantilisée par les radicalités, l’opinion se laisse de plus en plus contaminée par ce que l’écrivain et journaliste Kamel Daoud appelle la « puérilocratie », « ce jeu dangereux des médias se cherchant une parenté amoureuse avec la casserolade »

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A rebours du bavardage de maints commentateurs reconvertis en directeurs de conscience, je propose à votre lecture cet éditorial de Luc de Barochez, rédacteur en chef du service Monde du Point. Il l’a intitulé « Le misérabilisme performatif français ».

La performativité, c’est quand dire, c’est faire, sport auquel se livrent les grognons et les défaitistes qui, joignant le geste à la parole, décrédibilisent toute action réformatrice en s’évertuant à tenir des discours catastrophistes sur le pays.

 

Le « misérabilisme performatif » français

Par Luc de Barochez

Le Point 09/05/2023

 Le peuple le plus pessimiste au monde s’abuse sur l’état réel du pays. La fin officielle du Covid vient d’en donner un nouvel exemple.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) vient de proclamer, le 5 mai, la fin de l'état d'urgence sanitaire liée au Covid-19. Mesure-t-on bien la rapidité avec laquelle la pandémie, grâce au vaccin, a été endiguée ? Les Français reviennent de loin. En 2020, ils étaient le peuple le plus pessimiste au monde sur l'efficacité attendue du sérum, selon une étude internationale alors réalisée par Ipsos. Seule une minorité (48 %) pensait qu'il finirait par vaincre le virus. Ils n'étaient même que 16 % à juger probable un retour à la normale après le Covid !

Il faut se souvenir de ces données pour mesurer la profondeur de la dépression française, ce mélange de mélancolie et d'autodénigrement identifié de longue date mais qui ne cesse de s'aggraver. Ce printemps, quelque 72 % des personnes interrogées par l'Ifop pour le JDD se disent pessimistes sur l'avenir de la France, un taux en progression spectaculaire de 16 points par rapport à 2021.

Un maître de conférences à Sciences Po Paris, Alexander Hurst, vient de raconter dans The Guardian une expérience éclairante à laquelle il s'est livré avec ses étudiants. Il leur a présenté un graphique indiquant le niveau d'inégalités des pays développés, en omettant leurs noms. Les élèves ont identifié sans difficulté les Etats-Unis, en tête des riches démocraties les plus inégalitaires. Ils se sont en revanche trompés sur la France, qu'ils ont positionnée près de l'Amérique alors qu'elle figure en réalité dans le bas du tableau, non loin des pays scandinaves.

De fait, l'Hexagone est plus égalitaire que l'Allemagne, la Suisse ou l'Italie. Le coefficient de Gini, qui mesure le taux d'inégalité, en fait foi. Il est même meilleur aujourd'hui en France qu'il ne l'était pendant les Trente Glorieuses, cette période à croissance économique forte (1945-1973) pendant laquelle le pays était plus sûr de lui, mais moins bien loti et plus inégalitaire qu'aujourd'hui. L'enseignant de Sciences Po en tire une leçon capitale : un « incroyable décalage » sépare la réalité du discours hyperbolique et catastrophiste que la France tient sur elle-même. Ce « misérabilisme performatif », selon son expression, alimente la nostalgie du « c'était mieux avant » qui fait le jeu des extrêmes à droite comme à gauche et décrédibilise l'action réformatrice du politique.

Performance environnementale

La France n'est certes pas un paradis ! Sa dette publique, qui ne cesse de grossir malgré les prélèvements obligatoires les plus lourds d'Europe, en témoigne. L'état de son système éducatif, aussi. Mais elle n'est pas non plus l'enfer que beaucoup de ses habitants imaginent. Septième puissance économique mondiale, elle est un pays où, même après la réforme, les travailleurs pourront partir à la retraite plus tôt que n'importe où ailleurs en Europe, où le taux de fécondité est le plus élevé du continent, où l'espérance de vie à la naissance figure parmi les meilleures, où le chômage structurel qui perdure depuis un demi-siècle est en voie d'être vaincu, où l'écart des salaires entre hommes et femmes est parmi les plus bas et continue à diminuer.

La performance environnementale de la France, selon l'indice calculé par l'université américaine Yale, la place au 12e rang mondial, devant – excusez du peu – le Japon, l'Italie, l'Allemagne ou les Etats-Unis. Elle est l'un des pays qui ont le mieux négocié leur transition numérique et où le coût de l'Internet mobile est le plus bas. Elle est, pour la troisième année consécutive, le pays européen qui attire le plus d'investissements étrangers. Elle est même, selon le blog spécialisé Fipaddict, le seul grand pays européen où le pouvoir d'achat a augmenté pendant la crise sanitaire, pour s'établir fin 2022 à 1,5 % au-dessus de son niveau de 2019. Bref, une puissance moyenne qui n'a pas à rougir.

D'où vient alors ce déficit de bonheur qui ne cesse d'assombrir le moral des Gaulois réfractaires ? Il y a quarante-cinq ans, l'économiste Jean Fourastié, l'auteur des Trente Glorieuses (Fayard, 1979), pointait déjà les dépenses sociales élevées mais inefficaces, l'incapacité à organiser un dialogue social digne de ce nom, la rigidité du droit du travail, la grande fragilité du commerce extérieur. Le jugement reste valable. On pourrait y ajouter l'angoisse devant une mondialisation qu'on peine à appréhender, la frustration devant un État nounou de plus en plus impotent, et surtout la crainte du déclassement, qui se nourrit justement de la conscience de sa situation privilégiée. C'est quand on est nanti qu'on a le plus а perdre.

 

 

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Une presse allumeuse

Publié le 12 Avril 2023 par Jean Mirguet dans Politique

« Constituée pour soutenir la défense d'Alfred Dreyfus, la Ligue des droits de l'homme a été de tous les combats du XXe siècle. Elle peut s'enorgueillir d'avoir porté haut les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité pendant plus de cent ans.

Plusieurs événements récents obligent, hélas, à constater que la Ligue a aujourd'hui bradé cet héritage (…) La LDH a cru pouvoir répondre au racisme dont sont victimes les jeunes issus de l'immigration en faisant preuve de complaisance à l'égard des organisations religieuses qui prétendent les représenter ». 

C’est ainsi que s’exprimaient en 2006, le journaliste Antoine Spire et l’avocat Cédric Porin, après avoir décidé de quitter la LDH.

Lors de l’affaire Redecker, ce philosophe menacé de mort pour avoir critiqué l’Islam radical, la LDH avait d'abord fait état de son rejet d' « idées nauséabondes », avant de concéder : « Quoi que l'on pense des écrits de M. Redeker, rien ne justifie qu'il subisse un tel traitement... ». « Mais l'ambiguïté et la timidité de ce soutien s'accommodent mal avec l'intransigeance qu'exige le combat pour la liberté d'expression », poursuivaient les deux démissionnaires qui concluaient ainsi : « Sans distance à l'égard du mouvement social, trop souvent ambiguë ou même compromise à l'égard d'un intégrisme islamiste dangereux, et en recul sur la lutte contre l'antisémitisme ou la défense de la liberté d'expression, la Ligue a perdu sa légitimité d'autorité morale de la République. Depuis longtemps, elle n'est plus l'organisation conçue pour défendre Dreyfus. Jusqu'à aujourd'hui, nous pensions que, association pluraliste, elle pourrait, malgré sa dérive, entendre une minorité à laquelle nous participions depuis des années. Mais cette dérive continue sans garde-fous. Il ne nous reste plus qu'à la quitter ».

 

Quid aujourd’hui de l’engagement de la Ligue des Droits de l’Homme pour la défense des droits et des libertés ? Quid de son autorité morale quand sa désinformation sur Sainte-Soline (cf. l’article du Point ci-dessous) s’inscrit dans la suite logique d’une dérive que nombre d’organes de presse, tels Le Monde, Télérama, n’hésitent pas à emprunter pressés qu’ils sont de dénoncer « les graves menaces que fait peser le gouvernement sur certains des garants des droits fondamentaux de notre pays » (sic !).

 

L’intox de la LDH sur Sainte-Soline fissure la Commission des droits de l’homme

Le Point 12/04/2023

La Licra, membre de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), se désolidarise publiquement d’un courrier « à la rhétorique radicale » envoyé notamment en son nom.

La Ligue des droits de l’homme (LDH) a accusé l’État d’avoir délibérément empêché les secours d’accéder aux blessés lors de la manifestation de Ste Soline.

Dans un enregistrement audio publié et relayé par de nombreux médias, la Ligue des droits de l'homme (LDH) a accusél'État d'avoir délibérément empêché les secours d'accéder aux blessés lors de la manifestation qui a dégénéré а Sainte-Soline le 25 mars. De nombreux témoignages ont démontré qu'il n'en était rien et que, jamais, le Samu n'avait étéinterdit d'accéder aux blessés par les forces de l'ordre.

En dépit de ces témoignages qui interrogent sur le rôle joué par la LDH dans le débat public, le président de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) Jean-Marie Burguburu a adressé le 7 avril un courrier courroucé à la Première ministre pour défendre l'association. Dans cette missive, Jean-Marie Burguburu prend la défense de la LDH, dans des termes proches de ceux utilisés par l'association.

« La Commission observe une tendance devenue systématique dans la rhétorique du ministre de l'Intérieur à dénigrer les défenseurs des droits humains et les organisations de la société civile, et à menacer de toucher à leurs subventions. Le ministre les présente comme des agitateurs, des délinquants, voire des terroristes. Ce discours, qui n'est pas sans rappeler celui largement utilisé par les autocraties à l'égard des défenseurs des droits de l'homme, conduit à une dangereuse remise en cause de l'utilité et de la valeur des actions de ces personnes engagées dans la défense des droits humains. Ce risque est d'autant plus grand que les associations de défense des droits de l'homme, comme les citoyens ordinaires, font le constat de nombreuses difficultés dans l'exercice des libertés fondamentales : liberté de manifestation, liberté d'expression, libertéd'information, liberté d'association, droit а la sûreté face à des arrestations sommaires, voire arbitraires, et droit au respect de l'intégrité physique face aux violences policières illégitimes », s'agace le président de la CNCDH dans ce courrier particulièrement véhément.

La Licra évoque un « dérapage alarmant »

Cette lettre et plus largement l'attitude de la LDH, ne fait cependant pas consensus au sein de la CNCDH. La Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme), qui siège aussi à la CNCDH, a fait savoir qu'elle se désolidarisait fermement de l'initiative du président de la commission, et plus largement de l'attitude de la Ligue des droits de l'homme avec laquelle elle entretient des relations plutôt fraîches. « А l'occasion des incidents survenus аSainte-Soline, cette association n'a en effet pas craint de laisser croire à une accusation mensongère en parlant d'entrave délibérée des secours aux manifestants. Ce comportement, loin d'être anodin, nous semble révélateur d'une dérive supplémentaire de cette association. La cautionner est une faute », s'alarme la Licra, qui s'agace aussi que le président de la CNCDH reprenne sous sa plume les termes particulièrement vifs de la LDH en faisant état d'un « caractère structurel des violences policières illégitimes », de « phénomènes institutionnels », « d'exactions » des forces de l'ordre, d'un discours du ministre « largement utilisé par les autocraties à l'égard des défenseurs des droits de l'homme », « d'arrestations sommaires, voire arbitraires », ou encore de « violences policières illégitimes ».

Ces termes, « inappropriés » d'après la Licra, « valident la thèse de la violence d'État [et accordent] un blanc-seing à ceux qui, aujourd'hui, désignent les pouvoirs publics comme l'ennemi public numéro un. La CNCDH n'est pas le porte-voix de la Ligue des droits de l'homme. Ce dérapage est alarmant », s'agace l'association, qui poursuit : « La CNCDH doit être capable de nommer sans outrances des situations conflictuelles, sans reprendre, mot pour mot, la rhétorique radicale qui enflamme aujourd'hui notre pays. » Mario Stasi, le président de la Licra, conclut que la CNCDH « ne peut, sans faillir àses fondamentaux, concourir а accréditer l'idée que la violence puisse connaître un début de légitimité, dés lors qu'elle est orientée vers des représentants de l'État », et évoque carrément l'idée d'une « entreprise de déstabilisation » pilotée par la LDH. Contactée par Le Point, la CNCDH n'a, pour l'heure, pas réagi.

Un membre de la Commission s'étonne de la démarche de la Licra et parle même de bombe à fragmentation : « C'est un courrier ultra politique fait pour fissurer le front uni des associations contre les propos de Darmanin qui attaque les associations de défense des droits humains. » Puis d'ajouter : « Cette association est clairement dans une démarche de GONGO [une organisation non gouvernementale parrainée par un gouvernement pour promouvoir ses intérêts politiques, NDLR), ils bénéficient de subventions énormes de la part de l'État. » La prochaine session plénière de la CNCDH promet d'être agitée.

 

Récemment, un post du site @medias_citoyens soulignait la « bonne santé » de la presse d’opinion en France, celle qui penche de plus en plus ouvertement vers la gauche mélanchonisée (Mediapart, Libération, France Info, Le Monde) ou celle qui lui fait face, animée par une ligne droitière, populiste ou réactionnaire comme Le Figaro, BFM TV, CNews, Marianne.

Au Monde, l’époque des réflexions exigeantes et d’un positionnement de centre gauche appartient au passé ; le service public, quant à lui, ne propose plus d’information suffisamment neutre et dépourvue de filtre idéologique. Aujourd’hui, le racolage est préféré à l’information … bien qu’il existe des millions de Français, composants les électorats modérés de la gauche, du centre et de la droite, qui aspirent à une information qui les éclaire, à des réflexions croisées et plurielles qui nourrissent leur pensée.

A force d’informations aguicheuses, de recherche du buzz, de propagande à peine déguisée, de propos orientés, les jugements se radicalisent en oppositions binaires et la nuance disparaît petit à petit, ce schématisme conduisant notre pays vers une radicalité et une rigidité critique propice au populisme et aux extrémismes.

 

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Coup de gueule

Publié le 30 Mars 2023 par Jean Mirguet dans Politique

Avertissement aux lecteurs pressés  et dont l’attention faiblit après la lecture d’une dizaine de lignes : ce texte est inhabituellement long, il leur faudra donc faire un petit effort s’ils veulent bien se donner la peine d’en lire l’intégralité !

 

Aujourd’hui, ce propos fait suite à mon précédent article relatif à la maltraitance dont le langage est quotidiennement la victime dans l’univers politico-médiatique.

La relation, par une grande partie des médias, des violences récentes, consécutives aux manifestations d’opposition aux projets de réforme des retraites et à la construction des bassines fait l’objet, pour le moins, d’une grande désinvolture de la part de maints journalistes. Le niveau d’informations véhiculées est consternant d’inexactitudes quand il n’est pas purement et simplement délirant !

A propos de Sainte-Soline où, samedi dernier, l’action des services de secours auraient été entravés par les forces de l’ordre (alerte de la Ligue des Droits de l’Homme que Le Monde s’est précipité de relayer), on découvre grâce à l’éditorial de Patrick Cohen dans C à vous (https://www.youtube.com/watch?v=LrhlBTbdZ74) et à un article du Point (ci-après), que la réalité de l’événement est beaucoup moins claire que les commentaires journalistiques tentent de nous le faire croire. Je pense, en particulier, à l’article du Mondeprenant le relai de la Ligue des Droits de l’Homme, sans prise de distance, sans vérification et faisant preuve, pour le moins, d’une grande légèreté !

A cela, j’ajouterai ma stupéfaction à entendre des commentateurs, experts autoproclamés de l’agriculture, de l’agronomie, de la gestion des eaux, dérouler leurs discours théoriques et idéologiques, dénoncer les méfaits de l’agriculture productiviste (qui existent, c’est vrai et qu’il faut combattre) alors que, manifestement, leur connaissance du monde agricole est dérisoire. Dans le cas de la gestion de l’eau, on sera plus inspiré de consulter, par exemple, le site coordinationrurale.fr, un syndicat agricole qui, régulièrement,  tire la sonnette d'alarme sur l’état de l’agriculture et la mise en danger de la souveraineté alimentaire de la France.

Quant à la question des retraites, je suis consterné par le lot d’inepties, d’inexactitudes, d’arguments de mauvaise foi, de raccourcis proférés ici et là. Certes, nos dirigeants n’ont pas fait montre d’une grande habilité dans la présentation du projet mais présenter celui-ci comme un cauchemar absolu est stupéfiant !

Enfin, il y a l'irresponsabilité totale dans laquelle une partie de la gauche politique se vautre quand elle encourage les groupes violents alors que ceux-ci devraient être isolés et combattus.

En démocratie, aucune colère ne peut justifier quelque exaction que ce soit sur les personnes ou sur les biens privés ou publics. Absolument aucune. Dans la constitution et le droit, il y a le droit de manifester et celui de faire grève. Mais il n’est inscrit nulle part que le droit de s'en prendre aux personnes et aux biens est légitime.

N’ayant rien à voir ni avec la question de l’eau ni avec celle des retraites, les partisans de la culture de la haine et de la conflictualité dénaturent, à l’évidence, les combats écologiques et sociaux.

Mais, force est de constater que ces activistes étant encouragés par une partie de la gauche politique, elle conduit celle-ci et ses soutiens (qui ne sont en mesure de proposer aucune alternative ou alternance) à se métamorphoser en marchepied pour l’extrême-droite. Nul n’a besoin de grandes démonstrations pour deviner les dangers d’un tel scénario.

 

 

Sainte-Soline : l’enregistrement de la LDH qui ne prouve rien

Le Point 29/03/2023

Par Clément Pétreault, Erwan Seznec et Géraldine Woessner

 

Un enregistrement rendu public par la LDH affirme qu’il aurait été interdit au Samu d’intervenir auprès du manifestant aujourd’hui dans le coma. La réalité semble beaucoup moins claire.

 

Un manifestant âgé de 32 ans se trouverait toujours entre la vie et la mort au CHU de Niort. Selon la LDH (Ligue des droits de l'homme, cosignataire de l'appel à manifester), qui a produit un enregistrement, les secours auraient reçu l'ordre de ne pas intervenir alors que son état était préoccupant (pouls а 160, tension artérielle systolique а 85). La publication de cet enregistrement sème le trouble. L'appel des avocats et du médecin de la LDH au Samu a lieu а 14 h 50.

Il est important de le préciser : ces personnes ne sont pas sur place, mais à 16 kilomètres du lieu de la manifestation, àMelle, d'où elles centralisent les informations qui leur parviennent du « front ». C'est donc depuis cette salle de Melle que le médecin généraliste rappelle les pompiers, puis est mis en liaison avec un opérateur du Samu. « Le problème, c'est que vous n'êtes pas sur place. On a eu un médecin sur place et on lui a expliqué la situation : on n'enverra pas d'hélico ou de moyens Smur sur place parce qu'on a ordre de ne pas en envoyer par les forces de l'ordre », lui explique l'opérateur.

« Des observateurs sur place disent que c'est calme depuis trente minutes et qu'il est possible d'intervenir », répond le médecin. « Je suis d'accord avec vous, vous n'êtes pas le premier à nous le dire. Le problème, c'est que c'est àl'appréciation des forces de l'ordre et qu'on est sous leur commandement », explique le Samu. Les avocats insistent : « Vous confirmez que vous avez interdiction d'intervenir ? » « Nous n'avons pas l'autorisation d'envoyer des secours parce que c'est considéré comme dangereux sur place », précise l'opérateur du Samu. Les avocats insistent : « C'est de la non-assistance à personne en danger. […] Qui interdit l'accès à cette personne en danger, grave, vital ? […] Vous êtes empêchés de travailler… » « On monopolise la ligne d'urgence, là », élude l'opérateur, avant de raccrocher.

La préfète des Deux-Sèvres apportera un droit de réponse dans un long communiqué qui vient préciser ces propos. « Le principe fondamental d'intervention des secours dans un contexte hostile est de garantir au premier chef la sécurité des personnels des sapeurs-pompiers ou du Samu. Pour ce faire, il appartient aux forces de l'ordre, informées en temps réel de la situation, de définir si l'arrivée d'un véhicule de secours à un certain point est possible ou non de façon sûre pour lui. » « Nous n'intervenons pas en zone d'exclusion. Il n'y a pas de débat », confirme de son côté le Samu sur les réseaux sociaux, démentant fermement avoir été empêché dans ses fonctions.

Pas de dispositif partagé

L'organisation des secours aurait-elle pu être plus efficace ? Sans doute, si les organisateurs de la manifestation avaient accepté de se coordonner avec les services de secours… Mais ils ont refusé, révèle un rapport de la préfecture des Deux-Sèvres sur les manifestations du week-end, rendu public mardi soir. Les témoignages de terrain démontrent que, dès que les gendarmes ont été mis au courant de l'existence d'un blessé grave par les manifestants, ils se sont portés а son secours.

Si une heure peut-être critique a été perdue, c'est en amont de la manifestation qu'il faut en chercher la cause. « Les organisateurs ont refusé tout échange avec la préfecture, le Sdis et le Samu pour mettre en place un dispositif professionnel, partagé et fiable de prise en charge des blessés », écrit la préfète. Il n'a donc pas été possible de « préparer conjointement un dispositif prévisionnel de secours partagé avec les organisateurs, ni de convenir des modalités sécurisées d'évacuation des blessés, ni de définir des éléments de cartographie » pour les localiser plus rapidement.

« Inversion complète de la charge »

Dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, on précise : « La chronologie des faits est rappelée dans le rapport de la préfète. C'est au PC de sécurité de déterminer si, oui ou non, il était possible de se déplacer. La preuve que c'était violent : le médecin de la gendarmerie, qui est allé sur place porter les premiers secours à un homme en situation d'urgence absolue, s'est fait caillasser ! Cet enregistrement prouve juste que la situation là-bas était très complexe. Que n'aurait-on dit si on avait engagé des secours qui eux-mêmes auraient été attaqués ? »

Sous-entendre que l'Etat interdirait aux forces de secours d'accéder а des victimes, « c'est de la désinvolture journalistique, s'agace un haut fonctionnaire habitué des opérations de maintien de l'ordre. Le verbatim publié ne dit rien de ce qui se passe avant et ne permet pas d'apprécier la situation. » Ce dernier confirme qu'il est d'usage de ne pas envoyer les secours dans la zone d'exclusion tant que les affrontements sont en cours, car « faire intervenir du personnel avec des bombonnes d'oxygène sous une pluie d'engins incendiaires, c'est forcément très dangereux », mais il précise que, « si une alerte est donnée sur un blessé en urgence absolue, on réévalue évidemment la situation ».

Le spécialiste rappelle que les témoignages évoquent dans un premier temps « une victime consciente » et souligne le climat de confusion générale qui peut régner sur de telles opérations. Lors de la manifestation de Sainte-Soline, les services de l'Etat ont ainsi assisté а une multiplication de faux appels d'urgence, ainsi qu'а la communication d'informations contradictoires ou parcellaires, et au caillassage de secouristes. Quoi qu'il arrive, « il faudra éclaircir les conditions du tir, а supposer qu'il s'agisse effectivement d'un tir des forces de l'ordre. Le retex [NDLR, retour d'expérience] permettra de déterminer si ces conditions de tir étaient réglementaires. Il est possible qu'elles l'aient été, ce qui ne suffira sans doute pas à calmer les polémiques », analyse le praticien du maintien de l'ordre.

Témoignage direct

Notre journaliste présent sur place, Alix Vermande, raconte les faits qu'il a pu constater а partir de 14 h 55. « J'ai vu un attroupement d'environ 15 personnes, dont 3 observateurs de la LDH, autour d'un fourgon privé dans lequel était allongé un homme sous une couverture de survie. Un manifestant s'occupait du blessé, qui était conscient, et répétait “reste avec nous, reste avec nous”. On me parle alors dans l'entourage du blessé d'un “traumatisme crânien important”.

Une manifestante a déclaré : “Il fait des crises d'angoisse а cause des explosions, il faut qu'il parte.” Cela m'a laisséentendre qu'il était alors conscient. Peu avant 15 heures, un porte-parole de la Confédération paysanne, Benoît Jaunet, est parti à la rencontre des forces de l'ordre positionnées à environ 100 mètres du blessé, là où les heurts ont été les plus violents et s'étaient calmés depuis 14 h 20, en agitant son drapeau jaune de la Confédération et en levant les mains. Les forces de l'ordre ont échangé avec lui puis se sont rapprochées des manifestants autour du véhicule pour discuter de la prise en charge du blessé. J'ai une photo qui atteste de cette scène. Plusieurs hommes des forces de l'ordre sont alors retournés en direction de leur poste, moment choisi par le porte-parole de la Confédération paysanne pour les rattraper et discuter avec eux à mi-chemin entre le manifestant blessé et la position d'origine des gendarmes. C'est à ce moment-làque des black blocs ont lancé des projectiles sur le groupe à environ 50 mètres du blessé, composé des forces de l'ordre et du porte-parole de la Confédération paysanne. Une des manifestantes a alors crié “arrêtez ! Il est des nôtres ! ça devient n'importe quoi”. Quelques minutes plus tard, une ambulance est arrivée via la petite route où était positionné le véhicule. »

Nous avons tenté, sans succès, de contacter Benoît Jaunet, le porte-parole de la Confédération paysanne, dont le témoignage sera clé. Contactés également, le secrétaire général adjoint de la LDH, Lionel Brun-Valicon, ainsi qu'un des avocats envoyés à Melle, Me Pierre-Antoine Cazaux, se refusent а tout commentaire. Nous n'avons donc pas pu savoir pourquoi un appel aux services de secours était passé par des avocats, se préoccupant explicitement d'établir des responsabilités en cas d'éventuel décès.

 

 

 

 

 

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UNE NÉCESSAIRE RÉFORME DES RETRAITES

Publié le 23 Janvier 2023 par Jean Mirguet dans Politique

Je l’avoue volontiers : le coup de gueule de Franz-Olivier Giesbert, à propos de la contestation du projet de réforme des retraites, dans le dernier numéro du Point, est jubilatoire !

Les voilà tous ressortis de leur boîte, les croquemitaines du grand soir, les professionnels de la gréviculture, fulmine-t-il. Il cible les responsables syndicaux de la SNCF ou de la RATP discourant sur la pénibilité au travail alors que certains d’entre eux, bénéficiant de régimes spéciaux, comme les conducteurs de bus peuvent, pour compenser la pénibilité, faire valoir leur droit à la retraite à 52 ans s’ils ont 27 ans de service. A la SNCF, l’âge minimal de départ à la retraite est situé entre 55 et 57 ans pour les agents sédentaires, entre 50 et 52 ans pour les conducteurs de train.

Chacun défendant son pré carré, ils n’expriment que peu de compassion pour les agriculteurs ou pour tous ceux dont le métier transforme leur colonne vertébrale en marmelade.

De là à penser que, dans notre pays, la parole sociale est confisquée, avec la complicité de nombreux médias, de la CGT, de Sud Rail, de LFI et de tous ceux qui leur emboîtent le pas, il n’y a pas loin.

 

Je fais partie de ceux qui considèrent que la réforme du système de retraite est une nécessité et que différer sa mise en application est un mauvais calcul. Cette réforme, décrite par ses opposants comme un sommet de brutalité, est un minimum et s‘y atteler sans tarder est un impératif si l’on considère l’état de nos finances publiques. C’est parce que l’Italie, argumente F.O Giesbert, était dans une situation financière pire que la nôtre aujourd’hui que le gouvernement Monti procéda à la réforme radicale de 2011, en portant l’âge de la retraite à 67 ans.

 

Comment financer une baisse de la durée du travail alors que les projections démographiques font état d’un déséquilibre structurel du système que l’État aura de plus en plus en peine à compenser ? Mystère … puisque pour les opposants, ce n’est pas parce qu’on vit plus longtemps qu’on devrait travailler plus longtemps. Pourtant, l’évolution de la démographie prouve la nécessité d’une réforme compte-tenu du déséquilibre implacable de la pyramide des âges : c’est ainsi que pour l’Insee, la fécondité a été revue à la baisse à 1,8 enfants par femme contre 1,95 dans les précédentes projections. L’Insee a également revu à la baisse l’augmentation de l’espérance de vie, et ajusté son estimation de l’impact du solde migratoire.

Au terme de cette nouvelle analyse, la population française augmenterait jusqu’en 2044 pour atteindre 69,3 millions avant de refluer à 68,1 millions en 2070. Soit à peine plus qu’aujourd’hui… mais avec une composition radicalement différente : 5 millions de plus de personnes âgées de plus de 70 ans, et 5 millions de moins pour les personnes de moins de 60 ans.

La nouvelle projection aboutit ainsi à une révision importante de la population active à l’horizon 2070. Elle devrait être inférieure de 750.000 à ce qu’elle est aujourd’hui tandis que la précédente projection la voyait progresser de 2 millions (source le Gerep).

 

Comme le démontre l’analyse des Gracques, le think tank social-libéral, paru dans le dernier numéro du Pointnotre système de retraite fait aujourd’hui reposer la charge des ajustements à venir sur les prochaines générations.

Ce que les jeunes qui défilent contre la réforme n’ont pas compris, c’est que plus le système est déséquilibré, plus ils seront mis à contribution en tant qu’actifs – et ensuite pénalisés en tant que retraités.

Sans réforme générant des recettes, c’est la dette qui financera le niveau de vie élevé des retraités actuels, alors que s’organise déjà le décrochage de la retraire future des cotisants d’aujourd’hui.

Sans réforme, les jeunes générations seront donc doublement perdantes : parce qu’elles auront à payer la dette à venir en tant qu’actifs et contribuables ; et parce que leurs retraites, quand elles cesseront de travailler, auront décroché.

Il y a donc un réel incontournable contre lequel le déni des opposants, vent debout contre la réforme, ne peut venir que se briser.

 

Mais, on ne le sait que trop, la France reste une exception européenne, un village gaulois pas concerné par les lois de la démographie. L’ignorance fait notre tranquillité, le mensonge notre félicité, écrivait autrefois Anatole France.

N’est-il pas temps de mettre un terme aux affrontements stériles, à la démagogie et à l’immobilisme ?

 

 

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Mes voeux pour 2023

Publié le 4 Janvier 2023 par Jean Mirguet dans Politique

Victoire pour l’Ukraine

Poutine et son comparse Prigojine jugés devant un Tribunal Pénal International

Renversement du pouvoir islamiste en Iran et liberté retrouvée pour les Iraniennes et les Iraniens

Chute des dictatures comme celles de Kim Jong-un et Bachar al-Assad

Victoire de l’opposition en Turquie

Que les woke, les néoféministes, les transactivistes, les islamistes, les insoumis et l’extrême-droite s’autoéliminent

Que vous soyez tous en bonne santé.

Croyez en vous, faites confiance aux autres, ne soyez pas défaitistes et ne vous résignez pas : le pire n’est jamais certain !

 

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Une responsabilité historique

Publié le 13 Avril 2022 par Jean Mirguet dans Politique

« Une responsabilité historique » : c’est sous ce titre que Jérôme Fenoglio, directeur du Monde, signe l’éditorial de l’édition du mardi 12 avril.

Pour la troisième fois en l’espace de 20 ans, l’extrême-droite sera présente, le dimanche 24 avril, au second tour de l’élection présidentielle. C’est une répétition à laquelle il ne saurait être question de s’habituer et qui ne doit pas être sous-estimée puisque, écrit-il, « la marge qui protège notre démocratie du pire ne cesse de s’amenuiser ».

« Pour l’heure, il convient de parer au plus urgent et d’afficher un refus sans faille à la menace qui grandit. Nombre de candidats défaits ont usé, dimanche soir, de termes variés pour exprimer leur opposition à Marine Le Pen. Pour Le Monde, ce rejet de l’extrême droite ne peut souffrir aucune ambiguïté. Nous avons rappelé, avant le scrutin, que le Rassemblement national était tout aussi opposé à nos valeurs qu’à l’intérêt national.

L’élection de Marine Le Pen à la présidence de la République constituerait une agression contre l’Etat de droit, une régression de la prise en compte de la catastrophe climatique, une révision de nos alliances extérieures au pire moment, alors que l’atroce guerre imposée par Vladimir Poutine à l’Ukraine achève de dévoiler la vraie nature d’un régime avec lequel la candidate a été si complaisante.

En bonne logique, la seule manière efficace d’œuvrer pour sa défaite est d’appeler à voter pour Emmanuel Macron ».

 

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Un vote réaliste

Publié le 6 Avril 2022 par Jean Mirguet dans Politique

A la suite de l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, j’avais dit aux amis de gauche qui questionnaient  (déjà !) la légitimité de son élection qu’ils feraient bien de faire attention car, se faisant, ils étaient entrain de scier la branche sur laquelle ils étaient assis.

Force est de constater que je ne me suis pas trompé étant donné la déroute déroutante d’Anne Hidalgo.  A trop camper dans l’opposition systématique et stérile à Macron, voilà ce qui arrive : on perd toute crédibilité et on déroule un tapis rouge aux extrêmes, qu’ils viennent de la droite ou de la gauche.

Ces dimanches 9 avril et 24 avril, nous allons choisir un avenir pour notre pays, confronté à la menace de l’extrême-droite. Menace également de celui qui, au 2ème tour de 2017  a mis Le Pen et Macron sur un pied d’égalité en ne donnant pas de consigne de vote et qui, face aux crimes de Poutine, prône le non-alignement de la France.

Pour choisir un avenir respectueux de la démocratie et des valeurs de la République -la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité - il va falloir se situer clairement, ne pas céder à la confusion entretenue par la mauvaise foi des LePen, Zemmour et autre Mélenchon. Il va falloir voter en étant réaliste, au sens de Raymond Aron pour qui  le réalisme consiste à considérer la menace.

Dans Les naufragés et les rescapés. Quarante ans après Auschwitz (Arcades Gallimard, 2002), Primo Levi indique que la distinction bonne foi/mauvaise foi est empreinte d’optimisme et de confiance dans l’homme et qu’elle présuppose une lucidité mentale qui est le fait d’un petit nombre alors que plus nombreux sont ceux qui se fabriquent une réalité qui les arrange. « Le passé leur pèse ; ils éprouvent de la répugnance pour les choses faites ou subies, et ont tendance à leur en substituer d’autres. La substitution peut commencer avec un scénario inventé, mensonger, restauré, mais moins pénible que la réalité (…) La distinction entre le faux et le vrai perd progressivement ses contours et l’homme finit par croire entièrement au récit qu’il a fait si souvent et qu’il continue à faire encore, limant et retouchant ici et là les détails les moins crédibles, ou s’accordant mal entre eux, ou incompatibles avec le tableau des événements acquis : la mauvaise foi initiale est devenue bonne foi. Le passage silencieux du mensonge à autrui à celui qu’on se fait à soi-même est utile : qui ment de bonne foi ment mieux, joue mieux son rôle, est cru plus facilement par le juge, par l’historien, par le lecteur, par sa femme, par ses enfants ».

Mon choix pour Emmanuel Macron était clair en 2017. Il l’est toujours en 2022. Je souhaite qu’il en aille de même pour vous.

 

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Discrimination positive

Publié le 14 Février 2022 par Jean Mirguet, Michel Brun dans Politique

Merci à mon ami Michel Brun d’avoir proposé à votre lecture ce texte consacré à l’usage abusif de la notion de discrimination positive.

On peut ne pas partager toute son analyse mais il a sans aucun doute raison de s’indigner de cette nouvelle forme de discrimination qu’a pris le racisme, en lui accolant le qualificatif de « positif ».

Michel dénonce ce qui est devenu l’équivalent d’une révolution culturelle envahissant l’Université et les médias . Cela porte un nom : le wokisme, une idéologie importée d’Outre-Atlantique et portée par des militants dont le discours fragmente l’unité républicaine en renvoyant les citoyens à une identité fondée sur leur origine, leur sexualité ou leur genre.

Je ne pense pas que cette nouvelle culture soit, comme Michel le laisse entendre, encouragée par nos dirigeants actuels. Bien au contraire. Voir à ce sujet, par exemple, la polémique provoquée il y a un an par les propos de Frédérique Vidal, la Ministre de l’Enseignement Supérieur, sur l’islamo-gauchisme ou les commentaires de Jean-Michel Blanquert, ministre de L’Education Nationale, qui  définit le wokisme comme «un nouvel obscurantisme qui vient saper la démocratie et prépare les marches vers le totalitarisme ».

Le terreau idéologique de la discrimination positive est le victimisme au service du communautarisme ; elle fait primer une appartenance identitaire au détriment des qualités propres de la personne, de ses capacités, de sa responsabilité et de sa liberté.

La revendication de discrimination positive est une stratégie opportuniste visant à obtenir des passe-droits voire pour conquérir le pouvoir. Ici, toute différenciation est traitée comme une discrimination. Réserver des toilettes distinctes pour les Noirs et les Blancs est inadmissible mais cela n’empêchera pas L’UNEF de militer en faveur de l’organisation de réunions "interdites aux blancs".

Comme Michel Brun, je partage l’idée du caractère positif du métissage de la société française, à la condition que les valeurs qui fondent la République, la liberté, l’égalité, la fraternité demeurent notre socle commun.

On regrettera, avec Isabelle Berbéris dans L’art du politiquement correct, qu’aujourd’hui, le passage obligé de toute revendication contre la domination soit de faire spectacle de son statut de dominé, de sa misère, d’être « fier » d’avoir honte ». A quoi elle ajoute ce paradoxe du différentialisme, déjà bien identifié par Tocqueville : revendiquer l’égalité, non pas au-delà des différences, mais dans l’affirmation exacerbée de ces dernières. Cette maladie chronique de la démocratie exacerbe simultanément la haine de la différence et sa revendication. À mesure que s’accroît l’égalité, s’accroît la virulence du rejet de la différence.

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LES ABUS MÉDIATIQUES DE LA DISCRIMINATION POSITIVE : UN CHEMIN DÉVIANT VERS UNE SOCIÉTÉ MÉTISSE.

L’auteur de ces quelques lignes n’appartient à aucun parti et ne soutient aucune idéologie.  Je ne parle ici qu’en mon nom, en prenant appui sur le discours analytique. Le discours analytique, au sens défini par Lacan, n’est pas un discours supplémentaire mais son objectif est de pointer la limite des autres discours et le rapport aux objets qui les fondent. C’est ainsi que le discours analytique pourra interroger la sémantique et les particularités du discours du maître, de l’universitaire, ou encore de l’hystérique.

Pour la petite histoire, ayant passé ma jeunesse en Afrique, j’ai été habitué à une société métissée et bigarrée et j’en ai fait mon miel. Mon seul racisme, à ce jour, ne concerne que la connerie. Étant entendu qu’elle n’a strictement rien à voir avec la couleur de la peau.

La discrimination positive est une expression paradoxale dans la mesure où elle associe deux termes apparemment incompatibles, tout en opérant un renversement de sens du mot discrimination. Quoi qu’il en soit, la discrimination positive se propose, à sa manière, de réparer les injustices. Soit, mais à trop appuyer sur son ressort elle risque de manquer sa cible. C’est ce que j’entends montrer ici.

Pour aller au plus court de sa définition, la discrimination positive est un moyen ou une attitude consistant à valoriser certaines minorités opprimées (ou s’estimant comme telles), ou à privilégier celles et ceux qui ont fait ou font encore l’objet d’un ostracisme racial et culturel. La dialectique de la discrimination positive se situe dans une même logique que celle qu’elle entend dénoncer, sous la forme inversée et insistante de la revalorisation de ce qui a été dévalorisé. Ce qui n’est pas sans conséquences lorsque le procédé confine à l’excès et qu’il ne tient pas compte des résistances de ceux auquel il s’adresse. C’est le cas en ce moment, et cela mérite d’être souligné.

C’est ainsi que la télévision d’Etat de l’Hexagone, via les interviews du type micro-trottoir, ou via la publicité, a accentué depuis plusieurs années une tendance consistant à accorder une priorité médiatique aux personnes originaires du Maghreb, puis, plus récemment, à celles issues d’Afrique noire. Ce sont ces dernières qui occupent désormais le devant de la scène.

Il y a même une troublante analogie de ce phénomène, voire un parallèle, avec la montée en puissance médiatique des LGBTQ, autrefois ostracisés, et qui, sous l’influence de la théorie du genre, s’efforcent d’instaurer de nouvelles normes identitaires en s’accrochant au train de la discrimination positive.  Et en ce début d’année 2022 la promotion qui leur est faite est sans précédent sur les chaines nationales.

Pour continuer sur le thème de la diversité ethnique, il est à peu près certain que les régies publicitaires, les banques, les grandes entreprises, les établissements publics de toutes natures sont aux ordres. En ce sens, n’auraient-ils pas reçu « d’en haut » un cahier des charges qui leur dicte le style et les priorités de leur adresse au public ?  Mais le phénomène a désormais pris une telle ampleur qu’il ne peut en aucun cas être un effet du hasard : être « Black » est d’abord « tendance», avant de devenir une norme identitaire incontournable. C’est si vrai que les publicitaires orientent de plus en plus la promotion de leurs produits vers une nouvelle cible, les couples mixtes et les familles qu’ils fondent. Toutes les origines ethniques y sont représentées, y compris les Asiatiques qui commencent à faire une timide apparition sur les écrans. On assiste même à une combinatoire, pour l’instant encore discrète, entre LBGTQ et toutes les nuances de couleurs de peau.

Depuis quelques mois l’insistance de la discrimination positive dans les médias est devenue une offensive magistrale contre le racisme, quasi paroxystique. Le battage médiatique autour de l’entrée au Panthéon de Joséphine Baker, pour méritée qu’elle soit, en est une autre illustration.

Que se passe-t-il en ce moment, sinon un véritable lavage de cerveau ?  Sa finalité ne fait aucun doute : il s’agit de confiner progressivement le citoyen lambda dans une sorte de néo-ghetto idéologique, celui de la bien-pensance. Difficile de s’extraire de ces suggestions, répétées à l’envi sous forme d’un conditionnement progressif, insidieux, et imparable. Sur le fond, il s’agit en réalité de museler par anticipation toute réaction critique, voire haineuse, à l’égard de ceux qui ne ressemblent pas tout à fait au Français moyen, ces « aliens » susceptibles de devenir des envahisseurs ou d’être dangereux. Ceux que la police interpelle parfois pour délit de faciès.

C’est ainsi que nous assistons à une manipulation de l’opinion visant à dicter ce que doit être la bien-pensance, celle qui découle de l’application de la devise de la République : « Liberté, Égalité, Fraternité ». Mais il suffit d’ouvrir les yeux pour réaliser que l’insistance du slogan est à la mesure de son défaut d’application.

Manipuler, mais comment et pourquoi ? Quels sont les probables enjeux d’une telle stratégie ?

Les techniques de persuasion des masses sont apparues en Europe à la fin du XIXème siècle, d’abord pour lutter contre les révoltes ouvrières. Elles se sont ensuite propagées aux États-Unis, notamment en vue de convaincre les citoyens d’engager l’Amérique dans la première guerre mondiale. Souvenons-nous de l’emblématique « Uncle Sam », affublé d’un haut-de-forme étoilé, pointant le doigt vers chaque sujet américain portant culotte, et lui intimant l’ordre de rejoindre l’armée des USA. Hypnose, quand tu nous tiens !

Ce que l’on sait peu sur l’origine de ces techniques, c’est qu’elles sont dues au neveu de Freud, Edward Bernays, qui fut l’inventeur de la propagande politique institutionnelle et de l'industrie des relations publiques…

Edward Bernays connut son heure de gloire outre-Atlantique. On peut le considérer comme le créateur du marketing et des méthodes de fabrique du consentement des foules. L’ouvrage qui le rendit célèbre parut aux USA sous le titre de « Propaganda ».

Aujourd’hui, en France, la diffusion de l’idéologie politique d’Etat emprunte les mêmes voies que celles du marketing, avec une particularité que l’on doit initialement à la pensée philosophique de Machiavel, dissociant morale et politique. Machiavel réfutait l’a priori de toute conception morale du pouvoir : selon lui le chef de l’état ne devait pas obéir à une morale fixe, mais s’adapter aux circonstances, à ce que Machiavel appelait la « fortune » (du latin « fortuna » signifiant la chance, le destin).

 En dissociant la morale du pouvoir, Machiavel n’incitait pas le chef de l’Etat à radicalement s’affranchir de la morale, mais de ne le faire qu’en cas de nécessité. C’est ce qu’aujourd’hui on appellerait « le pragmatisme politique », ou encore le primat de la fin sur les moyens. En d’autres termes, la manipulation.

C’est très exactement ce qui se passe chez nous. Le pouvoir exécutif redoute peut-être les assauts de l’extrême droite à l’approche des futures présidentielles mais craint plus encore le déclenchement de pogroms en réponse aux exactions du terrorisme (attribuées aux migrants, bien entendu). Pour conjurer cette menace il essaie de faire croire au peuple, par l’image, que nous vivons harmonieusement dans une société multiethnique, pour ne pas dire multiraciale. Mais c’est faire fi de la réalité des inégalités et des tensions raciales permanentes qui font, entre autres, flamber les banlieues, désormais devenues territoires perdus de la République.

Le message subliminal adressé aux extrémistes, surtout de droite, est clair : la société française est désormais une société métisse, il faut s’y faire. Le temps de la suprématie blanche est révolu. Vous n’utiliserez pas les problèmes liés à l’immigration et à la couleur de peau pour en faire un argument électoral. Quelle que soit notre origine, nous sommes tous des Français, dès lors que nous en avons la nationalité par l’application du droit du sol. Et d’ailleurs, vous les extrémistes, confondez origine et identité. On ne choisit pas son origine, en revanche on construit son identité dans son pays d’accueil, identité soutenue par l’idéal égalitaire républicain…

On voit bien qu’il s’agit ici de désarmer la haine dans laquelle pourraient être trempés les bulletins de vote. Tout autant que de neutraliser l’incantation zémourienne selon laquelle « on n’est plus en France ».

Tenter d’éviter les conflits sociaux et les tensions raciales est sans doute louable, mais traiter les citoyens comme des enfants à qui on doit faire la leçon est plus discutable. Force est de constater qu’on préfère leur bourrer le crâne par imprégnation de slogans répétitifs et plus spécialement au moyen d’images récurrentes, valant discours. Images supposées formater à la longue l’opinion publique. Je ferai référence ici aux travaux de Konrad Lorenz, en éthologie et en psychologie. Pour Lorenz l’imprégnation est l’introjection, souvent définitive, d'un lien indissociable entre un déclencheur extérieur, faisant fonction de stimulus, et une réponse déclenchant un comportement instinctif.  Cela vaut pour les oies, mais aussi les humains.

Le côté pervers de ce système de conditionnement par l’image, via la mobilisation de la pulsion scopique, c’est qu’il fait l’économie du registre du Symbolique, qui est celui du discours, de la dialectique, et du débat contradictoire. Et lorsque la parole est mise en échec, c‘est la violence qui s’impose et fait loi.

C’est en effet grâce au recours à l’Imaginaire, à l’injection répétitive dans le cerveau de formes visuelles prégnantes, que sont supposés devoir se « normaliser » auprès de l’opinion certains types physiques et morphologiques autrefois considérés comme minoritaires ou marginaux. Car le Français a  maintenant cessé d’être un blanc caucasien dont les ancêtres étaient les Gaulois.

Mais le  registre de l’imaginaire, dans la mesure où il est régressif par l’usage qui en est fait ici, contribue à mettre à l’écart la parole et le débat. L’image répétée agit dans l’esprit comme un mantra incantatoire, elle a valeur d’injonction. Elle conditionne la pensée et le comportement de celui qu’elle affecte.  À ceci près que toute injonction produit un refoulement qui fera retour dans le réel sous forme de symptôme, et souvent dans la logique du pire. Ce faisant il n’est pas dit que les ostracisés y trouvent finalement leur compte.

Ma conclusion sera brève. Que la société française soit appelée à se métisser est une évolution incontournable. Et il n’est pas exclu que cela soit une bonne chose, ne serait-ce que sur le plan de la régénération génétique de la population. Seul l’avenir le dira.

Mais ce processus doit être le produit d’une évolution naturelle, et non pas d’un matraquage idéologique par l’image, insidieux et infantilisant. Procédé dangereux, s’il en est, finalement trop visible pour n’être pas repéré. Au risque, à terme, d’exaspérer les extrémistes pour qui « l’autre » constitue une menace à éradiquer…

Michel Brun

11 février 2022

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Vous avez dit conservateur ?

Publié le 23 Janvier 2022 par Jean Mirguet dans Politique

Comment se nommer politiquement lorsqu’on est hostile à toute forme de violence, convaincu qu’il faut protéger l’essentiel de ce qui constitue notre nation : l’ordre républicain, la laïcité, la langue, la culture, les Lumières, la richesse de notre héritage historique, littéraire, philosophique sans parler des droits chèrement acquis que sont l’égalité hommes-femmes, le droit à l’avortement, le droit au blasphème, etc… ?

Lorsque nous avons la conviction que ces valeurs doivent être défendues avec fermeté sous peine de disparaître dans la soumission aux idéologies à la mode, la paresse et la lâcheté de la pensée politique, devenons-nous des néo-conservateurs , nous qui, autrefois, nous réclamions de la Gauche ?

La question mérite d’être posée lorsqu’on découvre sous la plume de tel ou tel éditorialiste qu’être en désaccord avec la culture woke ou la cancel culture est l’expression d’une pensée de droite voire d’extrême-droite : des publications comme Le Monde ou Télérama sont de plus en plus coutumières de ce type de jugements, soit sous-entendus ou allusifs soit clairement affirmés. Le wokisme, le racialisme, l’intersectionnalité ont le vent en poupe.  

L’époque n’est plus où ce qui fut la Gauche républicaine et laïque défendait avec force l’héritage des Lumières. Aujourd’hui, une autre gauche, plus radicale et proche des extrêmes, irréconciliable avec la précédente comme l’avait diagnostiqué Manuel Valls, a « abandonné la nation aux nationalistes, l’intégration aux xénophobes et la laïcité aux communautaristes » (Jean Daniel, Réconcilier la France) et promeut les identités sexuelles, ethniques et religieuses.

Aujourd’hui, étant donné les abîmes dans lesquels elle s’est laissée entraîner, cette gauche est devenue minoritaire dans l’opinion publique, mais se montre surtout présente, comme l’analyse le philosophe et historien Marcel Gauchet dans une interview donnée à la Revue des Deux Mondes de février, dans le monde universitaire et culturel où elle semble procéder surtout de la persistance de la toute-puissance infantile encouragée par l’éducation actuelle.

Etre rangé parmi les néo-conservateurs relève-t-il d’une droitisation de la société, comme on l’entend de plus en plus souvent dire ? Ce catalogage signifie-t-il que la question de l’identité culturelle y est centrale ?

Pour Marcel Gauchet, l’identité culturelle relève de l’héritage de l’histoire nationale et ce qu’il appelle « la sensibilité conservatrice » se retrouve dans le rejet de la culpabilisation du passé national, dans le refus de la repentance. Il en déduit que cela a provoqué le basculement des gens de gauche vers la droite qui ne supportent pas le procès anachronique permanent fait au passé, d’où son diagnostic de droitisation de la société.

Il rejoint ainsi les propos que je dénonce plus haut : la caricature consistant à faire des gens de gauche old style (sic !) des conservateurs de droite voire d’extrême-droite, comme s’il fallait absolument être enfermé dans l’une ou l’autre des grandes familles politiques (ce qui suppose qu’on continue, comme lui, à les concevoir comme réelles  puisqu’il juge que le clivage droite-gauche n’est pas mort même s’il s’est brouillé et complexifié).

Selon Franz-Olivier Giesbert dans son tome 1, Le Sursaut, de l’Histoire intime de la Ve République, De Gaulle aurait confié à son mémorialiste Alain Peyrefitte que « la droite, c’est routinier, ça ne veut rien changer, ça ne comprend rien. Seulement, on l’entend moins. Elle est moins infiltrée dans la presse et dans l’université. Elle est moins éloquente. Elle est plus renfermée (…). Tandis que la gauche, c’est bavard, ça a des couleurs. Ça fait des partis, ça fait des conférences, ça fait des pétitions, ça fait des sommations, ça se prétend du talent. C’est une chose à quoi la droite ne prétend pas. On a un peu de honte d’être de droite, tandis qu’on se pavane d’être de gauche » (voir, par exemple, les interventions ridicules de Jadot, Aubry de gauche et Bardella d’extrême- droite, au Parlement Européen à Strasbourg ce mercredi, rappelés à l’ordre par La Présidente du PE, après avoir sombrés, toute honte bue, dans la médiocre politique politicienne nationale).

De Gaulle tenait ces propos en juillet 1964 … prés de 58 ans plus tard, le tableau s’est inversé : on parade à droite et bientôt on rasera les murs à gauche. Mais surtout, on en vient à avoir honte d’être de gauche  et non pas … d’être devenus des conservateurs ! 

Qu’on se le tienne pour dit : les hypothétiques néo-conservateurs ne sont pas prêts de rentrer dans le rang !

 

 

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Le narcissisme des petites différences

Publié le 14 Janvier 2021 par Jean Mirguet dans Politique

Que l’individualisme soit roi est devenu, de nos jours, un lieu commun.

Aujourd’hui, s’affirme une déification du spécifique, du particulier, de l’unique, portée par l’individu. En témoignent les effets de la pandémie sur le fonctionnement médiatique qui ont fortement amplifié ce mécanisme, à l’œuvre spécialement chez nombre de nos contemporains, pressés de venir exposer qui son analyse, qui son opinion sur les plateaux de télé, à la radio, dans les journaux, sur les réseaux sociaux, l’argumentation consistant le plus souvent à critiquer le pouvoir politique et l’autorité des experts.

Ce phénomène culturel est porté par l’idée que chacun a le droit de définir sa vérité avec le corollaire que porter atteinte à la vision du réel tel que chacun le définit est devenu une atteinte à la personne elle-même.

C’est le principe de la cancel culture en pleine expansion aux Etats-Unis et qui infecte maintenant le continent européen. La cancel culture refuse les opinions contraires, elle se manifeste par des anathèmes répandus sur les réseaux sociaux d’où la contradiction est absente puisqu’on ridiculise en caricaturant ; elle stigmatise la personne et cible son employeur afin qu’elle ne puisse plus être employée ailleurs, la privant ainsi de sa capacité de travailler.

Le complotisme s’inscrit dans un courant proche de la cancel culture, alimenté par les nombreux scandales émaillant régulièrement la vie des pays démocratiques. Il produit un nouvel imaginaire paranoïaque mettant en scène une réalité camouflée d’un monde politique pourri par l’argent et le pouvoir. Comme l’exprime Rudy Reichstadt, directeur du site Conspiracy Watch, « en ruinant toute possibilité d’un “monde commun“ dans lequel se confrontent les idées, le complotisme met la démocratie en péril ». Se présentant comme un savoir privilégié, une chimère cohérente et argumentée, il pervertit la liberté d’expression et anéantit la force de la vérité.

Le résultat, constate l’historien John Farrell, est qu’il n’est plus possible de trouver une autorité épistémique ou morale.

Autre effet de ce mouvement de contre-pouvoir : la montée croissante d’un relativisme culturel asservissant, nourrit par les thèses racialiste, décolonialiste et indigéniste (transférées des campus nord-américains), particulièrement au sein de l’Université.

En novembre dernier, une centaine d’universitaires dénonçait dans une tribune les ravages de ces idéologies communautaristes qui génèrent le conformisme intellectuel du politiquement correct, particulièrement menaçant pour l’Université et la démocratie.

On peut également consulter le récent Appel de l’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires signé par 76 universitaires :

http://decolonialisme.fr/?page_id=1000&fbclid=IwAR09YKcONC8OyTwhHBkv7FqbXbBfz_ZYL5gCPp4p9BCvlE976e-4t2xbmVo

Il suffirait donc de revendiquer un statut de victime pour avoir le droit d’en appeler à une autorité pour censurer des paroles, l’indignation morale se substituant aux arguments.

Ces doctrines réclament l’égalité tout en exacerbant la haine de la différence et sa revendication. C’est ainsi que, comme le montre Isabelle Berbéris dans L’art du politiquement correct, la démocratie se détraque en accroissant la virulence du rejet de la différence à mesure que s’accroit l’égalité. Tocqueville avait déjà repéré ce paradoxe qui rend la vie en commun impossible.

A côté des motivations idéologiques, politiques qui habitent les partisans de ces thèses, ce qui les anime est également en rapport avec le désir de se faire remarquer, de voir son discours mis en relief et d’acquérir par ce moyen une forme de notoriété qui, autrement, leur ferait défaut.

En clouant les dirigeants du pays au pilori, leur vindicte produit son lot inévitable de polémiques dont on sait à quel point nombre de médias et de réseaux sociaux sont friands dés lors qu’il s’agit de faire entendre des discours agressifs visant tout ce qui ressemble à une institution. Ces propos se transforment très rapidement en tribune - quand ce n’est pas en tribunal -, permettant à leur auteur d’avoir la conviction qu’il sont dépositaires d’un savoir qui promet la vérité.

Ils franchissent ainsi une limite qui n’est autre que celle qui fonde une démocratie : un régime conçu, créé et soutenu par des hommes qui savent qu’ils ne savent pas tout. Camus le soulignait dans ses « Réflexions sur une démocratie sans catéchisme » : « Le démocrate est modeste, il avoue une certaine part d’ignorance, il reconnaît le caractère en partie aventureux de son effort et que tout ne lui est pas donné, et à partir de cet aveu, il reconnaît qu’il a besoin de consulter les autres, de compléter ce qu’il sait par ce qu’ils savent ».

Il existe un fond commun à ces différentes réalités. C’est celui que Freud a nommé le « narcissisme des petites différences ». Par lui s’exacerbent l’ambivalence, plus particulièrement les haines inexplicables entre personnes, groupes ou collectivités proches et largement semblables, mais qui éprouvent le besoin narcissique de surinvestir leur différence par crainte de perdre leur identité.

La similitude, la proximité, le voisinage peuvent menacer notre identité du fait de la crainte de l’effraction par l’envahissement des autres. Nous pouvons être amenés à détester ce qui est proche de nous et nous ressemble quand la frontière imaginaire ou réelle qui nous sépare et nous différencie d’eux s’estompe ou s’efface. C’est alors que nous nous comportons affectivement les uns envers les autres comme les porcs épics transis de froid de la célèbre parabole de Schopenhauer : aucun ne supporte de l’autre un rapprochement trop intime. Aussi, les petites différences se traduisent-elles en sentiments d’hostilité entre les individus, en les protégeant de la menace qui porte sur leur identité. Celui qui nomme et définit la différence se pose ainsi en s’opposant à l’alter ego, en nourrissant des haines et des intolérances bien plus grandes à l’égard du proche que du lointain. L’intolérance au presque pareil constitue l’une des sources de l’illusion identitaire.

La vie politique fourmille d’exemples illustrant ce mécanisme : la contestation systématique des mesures prises par le gouvernement pour contrer la pandémie et les polémiques qui en découlent, la division de la gauche et la multitude des candidatures à la future élection présidentielle de 2022 : Mélanchon, Montebourg, Hidalgo, Jadot, Royal, etc, etc…

Les divisions actuelles viennent bien moins de querelles d’idées ou de sensibilités que d’une volonté de faire entendre sa petite musique perso ou celle de ceux que la presse appelle « les proches », ceux qui prétendent former une « identité » en travaillant, par exemple chez Montebourg, à former un nouveau parti politique « ayant vocation à faire émerger de nouveaux profils en s’adressant à tous les Français au-delà de la gauche ». Cette langue de bois dans laquelle la légitimation de l’identité l’emporte sur l’argumentation traverse tous les camps, tous les partis, toutes les sensibilités actuelles.

La notion introduite par Freud de « narcissisme des petites différences » décrit une structure politique ou une dynamique de groupe  bien davantage qu’un trait de caractère personnel.   Elle constitue l’une des sources de l’illusion identitaire qui consiste à revendiquer une différence de détail comme un trait identitaire.

« Toutes les fois que deux familles contractent alliance par mariage, écrit-il, chacune se considère comme supérieure à l’autre (…) ; deux villes voisines se font l’une à l’autre une concurrence jalouse ; chaque petit canton est plein de mépris pour le canton voisin. Des groupes ethniques étroitement apparentés se repoussent réciproquement : l’Allemand du Sud ne supporte pas l’Allemand du Nord, l’Anglais dit tout le mal possible de l’Ecossais, l’Espagnol méprise le Portugais » observe-t-il. C’est ce « narcissisme qui aspire à son auto-affirmation » qui conduit, comme dans la parabole de Schopenhauer sur les porcs épics à mal supporter un rapprochement trop intime avec ses semblables.

Le narcissisme des petites différences donne une telle importance aux différences de détails que celles-ci sont revendiquées comme des traits identitaires. Avec la polémique à propos de l’hydroxychloroquine, naîtront des groupes pro-Raoult comme naissent des groupes anti-vaccins ou des groupes complotistes qui font des « petits détails » agrégateurs d’infranchissables remparts.

Si le narcissisme des petites différences engendre des polémiques absurdes dans lesquelles les vitupérations et les caricatures sont légion - cas de figure qui constitue un moindre mal -, ces postures peuvent aussi conduire à des rejets et à des ostracismes violents, radicaux, faisant courir un péril à la démocratie. L’actuelle fin de présidence de D. Trump en fournit une belle illustration.

Si tel ou tel trait particulier nous permet de nous distinguer les uns des autres, c’est grâce à sa capacité à créer des écarts et une distance qui mettent au travail, en explorant ce qui est séparé. C’est ainsi qu’un jeu de relations peut vivre, qu’un commun de l’humain, pour reprendre une expression de François Jullien, peut naître, qu’une altérité peut exister.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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