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QUE PUIS-JE SAVOIR ?

Tenter de percevoir les mouvements profonds qui décident de la marche de l’histoire.

Il killer di parole Le tueur de mots

Publié le 18 Octobre 2011 par Jean Mirguet dans Spectacles

tueur

Ludodrame de Claudio Ambrosini, Il killer di parole a été créé à La Fenice de Venise en décembre 2010. Il clôturera la saison 2011-2012 de l’Opéra national de Lorraine à Nancy (www.opera-national-lorraine.fr) : 26, 28, 29 juin, 1er et 3 juillet 2012

L’argument est prometteur : il aborde la question du langage dans lequel il y a les mots utiles et il y a les mots qui meurent car inutiles. Quid de tous ces mots qui ne sont plus que musique ou traces du passé ? Quid des nombreux idiomes locaux qui disparaissent chaque jour au profit de langues plus répandues ? Qu’en faire ? C’est ici que l’opéra se propose de réenchanter la langue.

 

L’idée de cette création a surgi d’une conversation avec le romancier Daniel Pennac, auteur de livres pour la jeunesse et fervent promoteur de la lecture. L’écrivain a attiré l’attention du compositeur sur le travail des lexicographes et autres rédacteurs de dictionnaires qui, attelés en permanence au toilettage de la langue, suppriment et rajoutent des vocables en fonction de leur caractère inusité ou usité.

Dans Le tueur de mots, un homme, le killer di parole, est précisément celui à qui incombe cette tâche de « purification » linguistique, travail accepté à contrecœur par un homme sensible, humaniste, amoureux des mots, poète mais dont le rêve se heurte à une épouse au tempérament de manager et pour qui seuls comptent les chiffres.

Dans le premier acte, nous voyons le killer aux prises avec sa conscience paternelle, conjugale et linguistique. Pétri de bonne volonté jusqu’à la naïveté, il rêve de mener à bon port sa mission. Cependant le doute s’insinue, notamment lorsque surgit le personnage de la parole tuée qui lui reproche de l’abandonner pour d’autres. À la fin de l’acte, le chœur de l’humanité entonne un chant pathétique, déclarant que les mots effacés contre leur gré ont une vie après la mort et laissent une trace dans le temps.

Le deuxième acte se déroule vingt-cinq ans plus tard. Le tueur n’a pas terminé son travail lexical. Transféré dans un autre bureau, il doit maintenant enregistrer les derniers idiomes existant sur terre, avant l’instauration d’une langue unique parlée par tous, appelée la langue définitive. Le killer a vieilli, mais il est toujours autant fasciné par la beauté des langues dont il tente de garder trace grâce à son laborieux travail d’enregistrement et d’archivage. Toutefois sa tâche se révèlera inutilisable et l’on célébrera la naissance de la langue définitive, dans un monde monocorde et standardisé.

 

La langue définitive résonne comme l’envers de la formule de Hegel,« le mot tue la chose ». Tuer le mot, est-ce retrouver ce qui n’est pas pris dans les mots ? Est-ce retrouver la chose ? Est-ce un fantasme de retour aux origines ?

Si le mot ou le symbole se manifestent comme meurtre de la chose, le tueur de mots incarne alors le meurtrier du symbolique dont il fait disparaître définitivement la trace. Est ainsi représentée une deuxième mort voire une nouvelle version de la solution finale.

 

La langue définitive, une langue nouvelle ?

Dans La forclusion du Nom-du-Père (Seuil, 2000), Jean-Claude Maleval indique que le terme de glossolalie s’est imposé en 1900 dans le discours de la psychiatrie, grâce à Théodore Flournoy, professeur de psychologie à l’Université de Genève. La glossolalie est la tentative faite par un sujet pour parler une langue nouvelle qui se fixe et s’enrichit progressivement. C’est ainsi que Flournoy, ayant suivi durant six ans des séances spirites données par la médium Hélène Smith, fut le témoin d’accès de somnambulisme. Lors de ces accès, elle produisit plusieurs romans au cours desquels se déclenchèrent des phénomènes exceptionnels de création d’une langue nouvelle.

De celle-ci comme d’autres forgées par de rares psychotiques, G.A. Teulié constatera que les parlers glossolaliques ne sont que des emprunts, des déformations et des appauvrissements de langues connues ; bien loin de constituer des langues, ces parlers peuvent, à peine, être considérés comme des langages nouveaux.

 

En prélude à cet opéra, l’association Des’Lices d’Opéra (www.deslicesdopera.fr) organise le samedi 28 avril 2012, à l'Opéra national de Lorraine, de 10h à 13h, une table ronde sur le thème : Notre lien à la langue : créateurs ou meurtriers ?

Invités : Frédéric Werst, écrivain, Philippe Choulet, philosophe, Yvanne Chenouf, spécialiste de la littérature jeunesse.

Modérateur : Mô Frumholz

Si vous n'êtes pas membre de Des'Lices d'Opéra et que vous souhaitez assister à la table ronde, veuillez vous adresser à Mô Frumholz deslicesdopera@free.fr pour vous inscrire, la priorité étant donnée aux adhérents. Participation non-adhérents : 5 €. .

 

 

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Les primaires : une affaire de style

Publié le 14 Octobre 2011 par Jean Mirguet dans Politique

« Chez Ségolène et Nicolas » : c’est le nom d’une boulangerie qui s’est récemment ouverte près de chez moi.

Surprenant d’associer ces deux prénoms pour en faire un couple ! Étonnant de les mettre en rapport et former ainsi une unité dans laquelle l’un(e) serait le complément de l’autre, faisant ainsi mentir cette vérité énoncée par Jacques Lacan : il n’y a pas de rapport sexuel car il est impossible de l’écrire. Autrement dit, il n’y a pas de rapport naturel dans le lien entre un homme et une femme.

En cette période de primaires, cette vérité vaut pour un autre couple, celui formé par Martine et François, dont précisément la presse s’évertue à débusquer l’inimitié et à démontrer l’impossibilité à faire couple, tout en les mettant constamment en rapport.

S’il n’y a pas de rapport possible entre Ségolène et Nicolas, il n’y en a pas davantage entre Martine et François. Mais la question des désaccords, de la mésentente, des conflits entre les deux présidentiables est ici purement secondaire. Ce qui compte, c’est le style, la manière, la griffe, la marque c’est-à-dire la mise en valeur de ce qui dément toute idée de fabrication standard d’un présidentiable, autrement dit la mise en valeur de l’exception qui se dévoile dans une manière de dire, un bien dire propre à l’énonciation plus qu’à l’énoncé.

 

Dans un texte bref et dense publié ces jours-ci par Mediapart,  Marie Darieussecq , romancière et psychanalyste, prend parti pour la candidate. Comme Arnaud Montebourg ou François Hollande, Martine Aubry possède des qualités qui ne sont, par nature, ni masculines ni féminines. Mais, parce que ce serait nouveau, inédit en France, Marie Darieussecq soutient que devenir une présidente vaut plus, historiquement, que devenir président.

Martine Aubry ne fait pas valoir un quelconque avantage à être femme : la catégorie de genre ne fait pas partie de son argumentaire.

Comment entendre alors la plus-value que Marie Darieussecq lui accorde ?

Je propose de  l’apprécier comme le supplément et non comme le complément d’un tout. La structure d’un tout peut comporter un manque que le complément viendra remplir ou se présenter comme une succession sans limites d’éléments, donc ne formant pas une totalité fermée, autrement dit un pas-tout.

Pour Jacques Lacan, le pas-tout se rapporte à la sexuation féminine ; il est le lieu d’inscription du supplément, de ce qui est en plus, de ce qui accroît.

 

Envisager le duel entre les deux candidats sous cet angle permet, me semble-t-il, de ne pas s’égarer dans les scenarii de compétition, de rivalité dont les médias sont si friands.

C’est ici qu’intervient le style comme indice de l’exception et de ce qui est en supplément, ce qu’une position féminine incarne autrement voire mieux que ne sait le faire une position masculine.

C’est là affaire de structure, de réel avec lequel il s’agit de savoir y faire.

Martine Aubry doit bien en savoir quelque chose pour affirmer que François Hollande est le candidat du système...phallique aurait-elle pu ajouter.

 

A l’issue du débat de mercredi soir, nous avons été nombreux à penser que, quelle que soit l’issue du vote de dimanche, l’une ou l’autre, avec son style propre, allait donner la victoire à la gauche.

Mais le style de l’une, c’est de personnifier l’Autre du petit autre qu’est l’homme. C’est en quoi, plus que le candidat masculin François Hollande, Martine Aubry symbolise le changement.

A chacun de faire son choix. J'opterai, quant à moi, pour une femme de gauche, comme nous y invite Marie Darieussecq, puisque, femme singulière, Martine Aubry incarne ce changement.

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