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QUE PUIS-JE SAVOIR ?

Tenter de percevoir les mouvements profonds qui décident de la marche de l’histoire.

L’idole, suite .... Remettre l’église au centre du village

Publié le 9 Décembre 2017 par François Pierret in Le malaise

                  Je voulais justement échanger avec toi sur l'affaire Johnny, mais tu as bien justement remis l'église au centre du village.

 

                  Car moi aussi j'ai bondi l'autre soir devant ma télé quand la déferlante d'idioties s'est abattue sur les foules. Oh, au début ce fut tentant, on nous a attendrit le cuir avec « Retient la nuit » et « Que je t'aime » (mon dieu je t'aime), on a failli pleurer. Mais au bout d'un moment, Christine a lâché une vérité, c'est pas sur lui qu'on pleure, c'est sur nous, parce que c'est une partie de notre enfance qui s'efface, cela nous ramène à notre précarité.

 

                  Bien. Après ça se gâte. Un spécialiste de la voix déclare que Johnny est un chanteur de blues. J'ai failli m'étouffer avec mon yaourt. Il aurait une voix de ténor, ok le Pavarotti du blues donc, défoncé au whisky, les jambes bien écartée, la bite à la main, parce que la guitare, quand on sait pas en jouer, on a l'air bête de la secouer comme des maracas. Et puis les gars qui jouent derrière, ils savent jouer mais ils sont dans le noir, eux. Noir c'est noir...

 

                  Encore plus fort, son producteur tente de démontrer que Johnny est un homme de gauche... là j'ai failli me renverser la tasse à café sur les genoux. Ah ben oui que j'suis bête, il a soutenu Sarko dans sa campagne alors qu'il était ministre de l'intérieur et s'attaquait au droit des avocats et des juges d'instruction, qui ralentissent l'application du droit (?!?). 

 

                  Et puis, alors qu'on se détendait avec un carré de chocolat, un drapeau des confédérés apparait soudainement derrière une photo de Johnny prise chez lui (home sweet home, I love America), on est plus à une contre-vérité près, si Johnny soutient l'esclavage, après tout c'est pas grave, c'est un bluesman, c'est logique. Il y aura des bikers couverts de tatouages et de croix de malte, l'emblème du blues c'est bien connu, pour l'accompagner jusqu'à son mausolée. Un hommage national s'impose. Il parait que Nadine Morano a pleuré à chaudes larmes à la télé, tout se tient. Et Marine Le Pen, elle sera en tête du cortège, avec les ouvriers derrière qui viennent d'être licenciés. Logique.

 

                  Mais apprend-on enfin, car la minute culturelle de France Télévision n'est jamais très loin derrière chaque tableau larmoyant, Johnny c'est LA voix. Certes, sans ça, pas de Johnny. Sauf que même Howling Wolf sait chanter sans brailler. Et puis les bluesmen chantent leurs peines, pas leurs orgasmes. 

 

                  Mais je ne vois même pas pourquoi je m'énerve, il suffit d'éteindre la télévision et de reprendre une vie normale. Et ben non, le lendemain matin, rebelote, au p’tit dèj, les céréales dans une main, le yaourt dans l'autre (encore un yaourt, faut faire glisser la pilule) sur les radios, impossible d'y échapper, je tourne le bouton du poste et enfin j'arrive sur BFM Business où un startupeur veut nous vendre des croissants chauds en ligne. C'est ça ou le retour aux vapeurs de la veille, c'est comme une biture la mort de Johnny, pas facile d'en sortir sans la migraine.

 

                  Bon allez, repose en paix, je dis ça pour nous.

 

 

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