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QUE PUIS-JE SAVOIR ?

Tenter de percevoir les mouvements profonds qui décident de la marche de l’histoire.

L’idole ... ou pire

Publié le 8 Décembre 2017 par Jean Mirguet in Le malaise

            

Jean-Michel Basquiat « Untitled"

            A l’occasion du décès de celui qui n’avait pas craint de s’autoproclamer "idole des jeunes", la saturation et l’indigestion me gagnent en lisant, voyant, entendant le déferlement, à longueur de journées, de ce qu’il faut bien appeler une jouissance.

            Cette overdose d’idolâtrie, étonnamment soutenue par le Président de la République, n’est-elle pas mortifère pour ceux qui se prosternent devant l’idole disparue. Pourquoi mortifère ? Parce qu’elle les enferme, les emprisonne dans un système, voisin de l’intégrisme, dans lequel dominent l’unanimité, le tout, le Un et le fait que tous s’accorderaient sur l’évidence que cet artiste serait un héros … mort au Champ d’Honneur ?

           

            Ce supposé accord général est totalitaire puisqu’il exclut tout point de vue qui s’écarterait de l’avis de tous. A-t-on, par exemple lu, vu ou entendu s’exprimer des désaccords concernant ce bourrage de crâne ? J’ai cherché et n’en ai trouvé aucun. Du Monde à BFMTV en passant par France Inter, ce ne sont que communion en faveur du même,  ferveur quasi-religieuse bien-pensante, tartuferies flatteuses des bigots, soumission à la pensée unique.

           

            A qui s’adresse cette dévotion idolâtre, résidu de la généralisation de l’individualisme à l’ensemble de la vie sociale et dans lequel nous baignons depuis quelques décennies ? A l’idole ? Rien n’est moins sûr.

            Comme dans un miroir, elle s’adresse surtout au dévot lui-même qui, par une espèce de besoin d’être comblé, ne trouve rien de mieux que de se fabriquer un dieu à soi.

            On en déduira que devenir un fabriquant de dieux exige une grande surestimation de soi et que la fétichisation de l’idole est à ranger parmi les symptômes des malades du narcissisme que rencontrent aujourd’hui maints psychanalystes.

            Comme le souligne le sociologue Alain Ehrenberg, le lien social s’affaiblit et, en conséquence, l’individu doit de plus en plus s’appuyer sur lui-même, sur ses capacités personnelles. Pas étonnant alors qu’il en vienne à se doter du pouvoir de se confectionner  son dieu ou de se proclamer idole. C’est ainsi que Dieu devient une créature de l’Homme. 

           

            Se bricoler son propre dieu ne revient-il pas à combler la faille native qui habite chacun de nous? Or, cette faille est obturée dès lors qu’un Autre, qu’on s’est choisi, vient – en apparence - la colmater.

          Dans son  livre publié en 2012 aux éditions Liber, Dieu, encore ?, le psychanalyste Michel Brun considère que « fonctionnant en permanence dans l’excès et le trop-plein, l’Occident est devenu dramatiquement incapable de ménager une place au vide comme a su par exemple nous y inviter le taoïsme ».

            La faille inscrite au cœur de chaque sujet humain et que l’idolâtrie adressée au rocker vient suturer en constitue une manifestation criante.

            J’adresse aux thuriféraires de Johny, ce poème de Jean-Marc Undriener, extrait de pas trace (éd. Faï fioc), judicieusement déniché par Marie-Ange Mirguet :

« Quand même -
le pire reste encore ce trop
ce trop-plein ce remplissage
jusque-là
ce plein permanent
partout
où qu'on se tourne dans
cet espace plein de l'autre
où manque toujours
entre les vides
un vide plus grand »

 

           

 

 

 

 

 

 

           

 

 

 

 

 

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