Le photographe mexicain Enrique Metinides, 77 ans, est l’un des artistes des Rencontres d’Arles. Son exposition, « Les 101 tragédies », est visible du 4 juillet au 18 septembre.
Olivier Mirguet relate, dans Le Monde des 3 et 4 juillet, sa rencontre avec celui que ses amis surnomment El Ninôet qui l’accueille, non sans une certaine méfiance, dans son appartement de la bruyante Avenida Revolucion à Mexico. Sans un mot, Metinides lui montre quelques vieilles enveloppes dans lesquelles il a soigneusement classé ses clichés par genre : accidents, incendies, suicides, meurtres.
Il faut dire qu’Enrique Metinides - qui a longtemps publié ses photos de catastrophe, de meurtre, d’accident, de mort violente, de suicide dans les tabloïds mexicains – ne photographie pas les faits divers comme la plupart de ses collègues braquant l’objectif sur des têtes ensanglantées. « Il reste à distance, souvent à 10 mètres de la scène, ce qui lui permet d’englober le hors-champ à l’événement ».
Metinides raconte qu’il a photographié son premier cadavre à 12 ans, alors qu’il traînait dans la rue à la recherche d’accidents. Copain des policiers, devenant secouriste pour être plus vite sur les lieux, il est, comme Weegee (photographe des nuits new-yorkaises des années 30-40, à qui il est parfois comparé) connecté au scanner des véhicules d’urgence pour être sur place le plus rapidement possible.
À peine sorti des cinémas où il dévore les films de Billy Wilder et s’identifie à son héros Edward G. Robinson, il se retrouve dans la rue avec son appareil, au coeur de l’action, comme dans le film qu’il vient de voir.
« Sa photographie la plus célèbre est celle d’un accident de voiture, avenue de Chapultepec, en 1979. Une journaliste célèbre s’est fait renverser par une Datsun blanche. Son corps a été projeté sur des poteaux électriques qui barrent l’image en diagonale. Metinides prend la photo à un mètre en donnant un coup de flash, ce qui fige l’image et ajoute au côté irréel. Le corps de la victime est un pantin désarticulé, les yeux maquillés grands ouverts, la mort est terriblement belle ».
Trisha Ziff, co-commissaire de l’exposition qui se tient au Parc des Ateliers à Arles, précise que « Enrique est toujours à la limite de la fiction et de la réalité ». « Nous regardons ces images comme des petits théâtres », ajoute-t-il.
Les tirages, limités à 15 exemplaires, se vendent entre 4000 et 8000 euros.
Metinides ne sera pas présent à Arles. Depuis qu’il a cessé de couvrir les faits divers, il ne sort plus de chez lui. Il aurait adoré, confie-t-il, être à New-York le 11 septembre 2001. Il serait allé dans les tours et alors, quel spectacle !
Son dernier travail : photographier des Playmobil en action devant une photo d’accident de voiture ou d’un incendie. « J’ai des idées bizarres » avoue-t-il.
Vous pourrez retrouver Enrique Metinides dans « Metropolis » sur Arte, le samedi 16 juillet à 0h40 et le dimanche 17 juillet à 17h45.