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QUE PUIS-JE SAVOIR ?

Tenter de percevoir les mouvements profonds qui décident de la marche de l’histoire.

Voir ce que l'on voit … et ne pas se taire

Publié le 28 Octobre 2023 par Le Printemps Républicain dans Israël et Palestine

Les démocrates républicains partageront, à n’en pas douter, les termes de ce texte du Printemps Républicain, daté du 27 octobre 2023 et que je vous invite à diffuser le plus largement possible.

"On connaît la phrase de Charles Péguy : « Il faut toujours dire ce que l'on voit ; surtout, il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l'on voit ». Et parce qu’aujourd’hui nous voyons bien, nous voulons dire clairement ce qui se voit si bien :  

Le 7 octobre dernier, les attaques terroristes du Hamas contre la population israélienne ont créé une onde de choc qui résonne dans les sociétés européennes comme dans le monde entier et dont on peine encore à mesurer l’étendue. Pourtant, nous savons ce qu’il s’est passé ce jour là. 

Le 7 octobre 2023, le mouvement terroriste Hamas a non seulement commis un attentat de grande ampleur, il a surtout perpétré un pogrom antisémite, le pire massacre de Juifs depuis la Seconde Guerre mondiale rappelant pour beaucoup les méthodes des Einsatzgruppen lors de la Shoah par balles. Partout où sont passés les tueurs du Hamas, tout le monde a été méthodiquement assassiné, brulé, décapité, violé, démembré ou enlevé pour être réduit en esclavage. 35 de nos concitoyens ont été tués dans cet attentat et 9 autres sont retenus prisonniers à Gaza. 

Une volonté génocidaire rendue plus abjecte encore par la mise en scène des massacres et leur diffusion quasiment en direct sur les réseaux sociaux. Un « pogrom 2.0 » qui sidère l’opinion mondiale autant qu’il la clive soulevant pour une partie d’entre elle un réflexe antisémite immédiat – ce qui était ans doute l’un des buts recherchés.

De fait, les images qui nous arrivent sont terribles. Elles n’appellent que le recueillement et la peine. Mais le moment est si grave qu’il nous a semblé qu’il était de notre responsabilité, en tant que républicains de gauche, de dire aussi tout ce qu’on l’on voit en ce moment.

Nous avons vu le leader autoproclamé de la gauche, Jean-Luc Mélenchon, refuser de qualifier le Hamas de « terroriste », ne lui concédant que des « crimes de guerre » immédiatement équilibrés dans son esprit par la riposte israélienne ; puis attaquer indignement la Présidente de l’Assemblée nationale avec des paroles qui sont celles d’un antisémite. 

Dans la foulée de leur mentor, nous voyons certains élus de gauche prendre fait et cause pour le Hamas élevé au rang de « résistance palestinienne » ; une rhétorique qui permet d’absoudre les massacres sans le dire explicitement. On pense bien sûr ici à la cheffe de file des Insoumis à l’Assemblée, Mathilde Panot,  mais aussi aux députés Danièle Obono, David Guiraud et Thomas Portes ; ils ne sont malheureusement pas les seuls… C’est en réalité la haine d’Israël qui les transforme en soutien de l’idéologie islamiste du Hamas et en relais zélés de sa propagande, comme si tout sens de la nuance avait abandonné ces gens pourtant doués de raison et de sensibilité. 

Nous voyons, en France, des manifestations propalestiniennes au cours desquelles sont scandés des slogans purement et simplement antisémites. Crier « Palestine : De la mer au Jourdain » n’est pas une critique du « sionisme » ou de la politique du gouvernement israélien, c’est tout bonnement demander la destruction définitive d’Israël. Sans compter le nombre de pancartes complotistes niant la réalité du massacre de bébés israéliens, par exemple. 

Plus largement encore, nous avons vu dans les capitales européennes flotter le drapeau d’Al Qaida et de l’Etat islamique. Nous avons vu, chez nous et ailleurs dans le monde, des étudiants juifs harcelés et attaqués. Nous voyons des jeunes gens a prioribien éduqués arracher les affichettes montrant le visage et donnant le nom des otages retenus à Gaza. 

Résultat, en France, le nombre d’actes antisémites constatés par le ministère de l’Intérieur a bondi et dépasse en bientôt trois semaines le nombre total d’actes répertoriés durant toute l’année 2022. Nos concitoyens juifs sont inquiets, c’est légitime. Pourtant cette situation devrait créer un sursaut et il n’en est rien. La société ne réagit pas. Pire, on nous presse de ne pas « importer le conflit israélo-palestinien » en France. La belle affaire ! C’est l’antisémitisme qui se révèle et flambe à son contact…

Pourquoi ? Pourquoi une telle incapacité à faire preuve d’un réflexe de simple humanité face à ces crimes ? La réponse est simple, basique : il s’agit d’Israël. Donc des juifs… Et l’antisémitisme couve encore dans nos sociétés : un « vieil » antisémitisme issu du catholicisme et du nationalisme d’extrême-droite qui voit Rivarol féliciter Jean-Luc Mélenchon mais aussi un « nouvel » antisémitisme issu du monde arabo-musulman que l’on a vu à l’œuvre lors des attentats de 2012 et 2015 en France.

La rhétorique de l’extrême gauche proclame « toutes les vies se valent ». Oui, toutes les vies se valent, mais les bourreaux et les victimes ne se valent pas. Il y a un agresseur, le Hamas, et un agressé, Israël. Une rhétorique redoutable se met en place qui consiste à dire qu’il y a alors une victime qui se défend comme elle peut, les Palestiniens, et donc un coupable - et un seul : Israël. Israël, mais en fait les Juifs, sinon pourquoi les pourchasser dans le monde entier ? 

Israël parlons-en. Soutenir Israël aujourd’hui ne veut pas dire soutenir la politique du gouvernement Israélien. Cela signifie seulement que nous compatissons à ce que subit la population attaquée de la sorte. Nous, Français, savons ce que ce que signifie être touché par le terrorisme islamiste. En revanche, notre compassion ne vaut pas caution de bombardements indiscriminés qui toucheraient les populations civiles palestiniennes et créeraient de nouveaux drames ; elle ne vaut pas soutien à la colonisation ni aux crimes perpétrés par les Colons dans les Territoires occupés ; elle ne donne pas quitus au gouvernement pour mener les réformes antidémocratiques qu’il prévoyait. 

Si Israël a le droit de se défendre, Israël n’a pas tous les droits et ne saurait ignorer ses devoirs : ce pays et son peuple, Juifs comme Arabes, ne peuvent décemment plus vivre avec un voisin comme le Hamas – il doit être défait. Mais cet objectif ne donne aucun permis de tuer des civils et, au contraire, Israël a le devoir de tout faire pour les protéger et même les délivrer du joug du Hamas. Car si Gaza est bien une prison à ciel ouvert, les hommes du Hamas en sont les gardiens impitoyables qui se fondent cyniquement au milieu de ces civils prisonniers. 

Face à toutes ces visions qui nous heurtent et nous désespèrent, le Printemps Républicain ne peut qu’appeler au rassemblement et à la concorde. Pour l’unité des Français autour d’un réflexe d’humanité, pour le sursaut de la gauche contre l’antisémitisme, ce « socialisme des imbéciles » qu’elle avait su rejeter pour s’unir et se refonder au moment de l’Affaire Dreyfus, nous appelons tous ceux qui « voient » à faire front ensemble". 

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A écouter également l'entretien d'Eugénie Bastié avec Alain Finkielkraut et Abnousse Shalmani à propos du retour de l'antisémitisme en Occident : https://www.msn.com/fr-fr/actualite/monde/d%C3%A9bat-finkielkraut-shalmani-l-antis%C3%A9mitisme-existe-dans-toutes-les-extr%C3%AAmes-gauches-du-monde/ar-AA1iP8on
 

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L’honneur perdu de la gauche française

Publié le 17 Octobre 2023 par Jean Mirguet dans Racisme et antisémitisme

Chacun en fait le triste constat : ce qui se passe en ce-moment au sein de la gauche française est grave. Depuis les attaques terroristes du Hamas contre Israël, Mélenchon et les siens (hormis quelques rares exceptions) se refusent à qualifier ces actes d’inhumanité. Encore récemment, la députée LFI Obono persiste en qualifiant le Hamas de « groupe politique islamiste » qui « résiste à une occupation pour la libération de la Palestine », provoquant la saisine à son encontre du Procureur de la République par le ministre de l’Intérieur « pour apologie du terrorisme ».

La complaisance répugnante de la gauche radicale à l’égard de l’antisémitisme n’est pas nouvelle : souvenons-nous du soutien de ce parti à Jeremy Corbin, de l’accueil chaleureux réservé au rappeur antisémite Médine, de l’accusation portée contre le président du CRIF d’être d’extrême-droite, de sa constance à identifier le Hamas comme un mouvement de «résistance palestinienne ».

Pour cette « gauche », l’abject cynisme et la couardise n’ont décidément aucune limite.

 

Face à se spectacle affligeant, que font les coalisés de la Nupes et, en particulier, le Parti Socialiste ? Dans la suite de l’accord électoral qui l’a vue naître et qui s’est essentiellement traduit par une commune détestation du Président Macron, de jour en jour, leurs relations deviennent de plus en plus conflictuelles. Depuis le refus de leur partenaire LFI de reconnaître les exactions criminelles du Hamas, les désaccords grandissent, rendant inévitable une décision de dissolution, seule solution honorable leur permettant de retrouver un minimum de dignité.

Là où il s’agirait de trancher promptement,  ils s’interrogent, discutent, se tâtent, mégotent, tergiversent, finassent, louvoient. Quand vont-ils décider de s’affranchir de la tutelle des Insoumis ? Quand vont-ils cesser de se fourvoyer,  de se compromettre, de se dévoyer ? Quand vont-ils prendre acte de cette donnée et en tirer les conclusions : les racismes et l’antisémitisme d’extrême-droite et d’extrême-gauche s’additionnent ?

Quand vont-ils cesser de se déshonorer et retrouver un minimum de dignité ? Quid de l’honneur de la gauche ?

 

Par les effets de l’ordre alphabétique, le dictionnaire produit d’étonnantes rencontres. C’est ainsi que dans le Dictionnaire Historique de la Langue Française, le mot honneur voisine avec celui de honte.

Entre l’honneur et la honte se nouent des liens indissolubles puisque c’est de l’absence de honte que naît la perte de l’honneur. C’est ainsi que Lacan s’exprime quand il débute la dernière leçon de son Séminaire, L’envers de la psychanalyse, en juin 1970, en disant : « Il faut bien le dire, mourir de honte est un effet rarement obtenu ».

Autrement dit, la honte, spécialement en politique et en France, est aujourd’hui jetée aux oubliettes. Elle a disparu de certaines consciences même si l’inflation des demandes de pardon, les repentirs, les regrets, les excuses qui se manifestent depuis de nombreuses années pourrait laisser penser l’inverse.

Faudrait-il oublier la honte de la Shoah, celle du stalinisme, celle consécutive au génocide arménien, celle liée à l’agression de Poutine contre l’Ukraine, celle que fait subir Xi Jinping aux Ouïghours, etc, etc… ?

On mesure ce qui résulte de cet effacement de la honte : la progression de l’antisémitisme, le retour des intégrismes, l’impudence sans vergogne des radicaux et des extrémistes pour qui la loi du plus fort devient la seule ligne de conduite.

Avec l’évanouissement de la honte, force est de constater que l’honneur, en tant que « principe moral d’action qui porte une personne à avoir une conduite conforme (quant à la probité, à la vertu, au courage) à une norme sociale et qui lui permette de jouir de l’estime d’autrui et de garder le droit à sa dignité morale » (définition du dictionnaire), a déserté les rangs de la gauche.

 

Le mot honneur (longtemps au féminin) apparaît en ancien français à la fin du XIe siècle. En particulier dans la Chanson de Roland, avec les deux sens qu’il gardera longtemps : une terre qui assure à son possesseur pouvoir, prestige et richesse ; une qualité, une dignité propre à tel ou tel individu, exprimant et soutenant sa réputation.

En substance, l’honneur est une réputation, un patrimoine symbolique, presque spirituel, qu’au Moyen-Age, tout chevalier se devait d’accroître pour ensuite le transmettre à son lignage.

L’honneur est donc un bien moral qui se transmet après avoir été conquis dans la lutte et qui permet à la fois d’acquérir la considération d’autrui et de conserver sa propre respectabilité.

« L’honneur est la récompense de la vertu, accordée aux gens de bien » nous dit Aristote, mais plusieurs siècles plus tard, l’honneur devient, sous la plume de Montesquieu, une demande, celle des préférences et des distinctions et rien ne s’oppose alors à ce que le vicieux l’obtienne, du moment que les conséquences sont heureuses pour la collectivité.

 

Deux versants de l’honneur donc, l’un reposant sur une conception humaniste au service d’un sujet, l’autre sur une conception utilitariste au service du politique.

Ces deux versants de l’honneur correspondent à l’opposition entre l’honneur des anciens et celui des modernes. On dit que l’honneur régnait chez les Grecs et les Romains car il fallait, comme l’écrit Tacite, « mériter sa mort ».

Aujourd’hui, l’honneur des modernes consisterait plutôt à délivrer ces derniers des obligations de l’honneur. Il est triste de constater que tous ceux qui continuent à vouloir sauvegarder cet étrange objet politique qu’est la Nupes ont décidé de s’affranchir de ces obligations et de se satisfaire  des discours idéologiques qui confondent Français juifs et extrême-droite israélienne et « mélangent, comme l’indique Jacques Attali, trois concepts : antisémitisme, antisionisme et « antibibisme », c’est-à-dire la critique d’un gouvernement israélien de droite ».

Honte à eux qui participent, activement par leurs propos ou passivement par

 leur silence, à l’apologie du terrorisme. Si leur indécence voire leur jouissance nous est tant insupportable, c’est sans doute qu’elle franchit les bornes de la pudeur, qu’elle atteint notre pudeur …

Gageons donc que la disparition de la Nupes redonne un peu de force aux vertus de la honte et de l’honneur, celles que la gauche n’aurait jamais dû abandonner.

 

 

 

 

 

 

 

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Le péril de la déshumanisation

Publié le 14 Octobre 2023 par Jean Mirguet dans Israël et Palestine

Chers amis,

Si vous n’en avez pas eu l’occasion, je vous invite à lire cette tribune du philosophe Abdennour Bidar, parue hier dans Le Monde.

Il s’agit, à mes yeux, d’un texte capital appelant à l’union sacrée à la suite des massacres perpétrés par les terroristes du Hamas puis à son impact, ce vendredi, avec l’assassinat à Arras, du professeur de lettres Dominique Bernard.

Abdennour Bidar exhorte chacun à se sentir concerné par la gravité de l’événement, à identifier et assumer sa responsabilité républicaine, à ne pas se taire et à agir.

Il appelle, en particulier, les autorités musulmanes de France à faire entendre leur voix et à ne pas se contenter de prises de parole désespérément incapables d’échapper à l’ambiguïté ou à la demi-mesure. Il importe d’échapper au piège du silence qui pourrait, à terme, devenir synonyme de complaisance.

Abdenour Bidar invite au bien-dire, à la parole décente puisqu’à l’inverse, écrit-il, « il est indécent d’entendre, ces derniers jours, des déclarations qui voudraient expliquer ce qui s’est passé en arguant de la situation intolérable faite par Israël aux habitants de la bande de Gaza, ou de tout ce que l’on peut reprocher à l’extrême droite israélienne nationaliste ou ultraorthodoxe (…) Il y a un temps pour chaque chose, une éthique du juste moment, et c’est cette temporalité qui doit être respectée. En de pareilles heures, il s’agit de condamner et de compatir, et non pas de relancer un débat ni de prétendre l’élargir, ce qui ne fait que noyer l’horreur dans le relativisme (…) Nous ne pouvons pas faire comme si cet événement ne nous convoquait pas, personnellement et collectivement, alors qu’il doit nous engager au motif de notre humanité même. Car c’est ici la déshumanisation du monde qui est le péril, une nouvelle fois hélas, dans notre modernité ensauvagée ».

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Le philosophe Abdennour Bidar sur l’attaque du Hamas contre Israël : « Vite, une parole claire et forte des représentants de la communauté musulmane de France ! »

Tribune Le Monde, 14/10/2023

Abdennour Bidar

Philosophe spécialiste de l’islam

Pas de « oui mais ». Oui, en tant qu’intellectuel musulman, je condamne sans réserve, sans ambiguïté et sans aucune hésitation les massacres et prises d’otages perpétrés par le Hamas, et je les dénonce comme une pure barbarie et sauvagerie absolument injustifiables.

A cette condamnation, j’ajoute immédiatement l’expression de ma compassion envers tous les Israéliens, toutes les victimes de toutes nationalités, qui sont mes sœurs et frères en humanité, en pensant particulièrement aux enfants, aux femmes, aux personnes âgées, à tous les innocents qui ont été fauchés par cette violence et qui, pour les survivants, continuent de la subir dans des conditions qu’il est difficilement supportable d’imaginer.

Je suis également très alarmé de constater que, du côté musulman, se fasse attendre à ce point une prise de parole à la hauteur de la gravité des faits. Je ne voudrais pas que dure trop longtemps ce silence aussi assourdissant, ou bien que nous n’entendions que des prises de parole désespérément incapables d’échapper à l’ambiguïté ou à la demi-mesure. J’appelle donc les autorités musulmanes de France à réagir enfin.

Poison de cet événement

Attention toutefois, il s’agit de le faire vite, mais aussi de le faire bien, c’est-à-dire de façon décente. Car il est à l’inverse indécent d’entendre, ces derniers jours, des déclarations qui voudraient expliquer ce qui s’est passé en arguant de la situation intolérable faite par Israël aux habitants de la bande de Gaza, ou de tout ce que l’on peut reprocher à l’extrême droite israélienne nationaliste ou ultraorthodoxe.

Cela, parfaitement entendable en soi, n’est pas recevable aujourd’hui : il y a un temps pour chaque chose, une éthique du juste moment, et c’est cette temporalité qui doit être respectée. En de pareilles heures, il s’agit de condamner et de compatir, et non pas de relancer un débat ni de prétendre l’élargir, ce qui ne fait que noyer l’horreur dans le relativisme.

Vite, donc, une parole claire, forte, responsable et courageuse des représentants de la communauté musulmane de France ! Des intellectuels, des engagés, des citoyens de culture musulmane ! Cette parole est indispensable, requise, cruciale, tandis qu’à l’inverse demeurer dans le silence serait inexcusable.

Je m’insurge, aussi, contre ceux qui, en France et de par le monde, voudraient faire de cette barbarie une cause religieuse, en l’occurrence la cause de l’islam. Non ! Non, l’islam ne saurait être légitimement invoqué ici, et personne n’a le droit de se réclamer de l’islam pour commettre ou prétendre fonder en raison l’irrationalité de tels actes. Aucune sacralité n’exonère leurs auteurs du sacrilège qui est le leur, à l’encontre de la personne humaine, de l’humanité, et d’une religion l’islam qu’ils prétendent servir alors qu’ils l’assassinent.

Plus largement que l’islam, aucune autre « cause idéologique » ne peut justifier ces actes. La cause palestinienne, si défendable, nécessaire et cruciale qu’elle soit, ne peut pas être légitimement évoquée pour pardon de l’horreur du mot face à l’horreur commise « relativiser » la gravité de ces massacres qui sont des crimes contre l’humanité. A ce titre, c’est la conscience humaine mondiale qui doit être accablée par ces actes, et c’est hélas notre humanité tout entière qui est perdante ici, d’autant plus que le poison de cet événement commence à se répandre un peu partout sur la planète.

Fraternité républicaine

Déjà en France, en effet, nous venons d’être les témoins sidérés de son impact, avec l’assassinat abject du professeur d’Arras vendredi 13 octobre. Face à cela, j’appelle à l’union sacrée. Tout cela risque de faire beaucoup pour notre vivre-ensemble déjà trop fragilisé, voire pour notre paix civile. A cet égard, notre responsabilité collective est aussi immense qu’urgente. Ne nous laissons pas diviser ! Nous devons empêcher de toutes nos forces que ne se déchaînent ici les rejets de l’autre, les replis sur soi, le racisme et l’antisémitisme, les haines et les violences qui nous gangrènent déjà et qui sont toujours plus invraisemblablement excités par telle radicalité religieuse ou tel extrémisme politique.

J’appelle tout particulièrement mes coreligionnaires musulmans à n’avoir en ces temps dangereux et face un avenir aussi incertain que des attitudes et des paroles de paix en toutes circonstances, exemplaires envers tous nos concitoyens. Et je les invite à manifester tout spécialement leur soutien à nos concitoyens juifs, si terriblement affectés par ce qui s’est passé, de la manière la plus active, claire, large, en descendant dans la rue avec eux, en allant à leur rencontre.

Une fois de plus, c’est notre fraternité républicaine qui est en jeu ! Il faut veiller à ce que cette énième mise à l’épreuve ne soit pas pour elle le coup de grâce. Face à ce risque, chacun doit identifier et assumer sa part propre de responsabilité.

Du côté politique, tous partis et toutes fonctions ensemble, c’est le moment de prononcer des discours d’une tout autre envergure. De rappeler publiquement nos fondamentaux éthiques à l’ensemble de la communauté nationale : à savoir que, quelles que soient l’origine, la couleur de peau, la conviction ou la croyance, toutes ses composantes sont membres de la fraternité républicaine. Ce qui veut dire que nous devons pouvoir compter les uns sur les autres, non seulement en termes de respect et de tolérance, mais aussi de solidarité et d’empathie en acte.

Déshumanisation du monde

Un événement comme celui-ci risque de faire entre nous tellement de dégâts supplémentaires en termes de déchirements du corps social que cette parole politique doit se faire entendre afin de réassurer la solidarité du peuple français. Cependant, là encore, quelle prise de parole, ces derniers jours, a été à la hauteur de cet enjeu, a su s’élever à une dimension supérieure, notamment en fixant le cap clair de ces fondamentaux ?

La même responsabilité républicaine est également celle des chefs des communautés culturelles ou religieuses. Mais elle est bien, plus globalement encore, celle de toutes celles et de tous ceux qui, dans notre société, occupent une position de responsabilité, du niveau national au niveau local : des médias aux différents encadrements d’institutions publiques et d’entreprises privées, des chefs d’établissement aux professeurs de l’enseignement public et privé.

Personne, face à un tel événement, ne saurait réclamer d’être « hors-sol », c’est-à-dire exonéré de sa responsabilité républicaine : chacune et chacun est sommé par la gravité de l’événement, et de ses conséquences possibles, à prendre la parole et à agir au lieu de se dire frileusement « ce n’est pas ici le lieu », « ça ne fait pas partie de mes attributions », etc.

Nous ne pouvons pas faire comme si cet événement ne nous convoquait pas, personnellement et collectivement, alors qu’il doit nous engager au motif de notre humanité même. Car c’est ici la déshumanisation du monde qui est le péril, une nouvelle fois hélas, dans notre modernité ensauvagée.

Abdennour Bidar est philosophe et spécialiste de l’islam. Il s’intéresse tout particulièrement aux évolutions de la vie spirituelle dans le monde contemporain. Il est notamment l’auteur de "Les Cinq Piliers de l’islam et leur sens initiatique", Albin Michel.

 

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Nous vivrons

Publié le 11 Octobre 2023 par Jean Mirguet dans Israël et Palestine

Récemment, le dessinateur, écrivain et réalisateur Joann Sfar, connu pour ses séries Le Chat du rabbin, publiait un dessin du symbole Haï associant deux lettres de l'alphabet hébreu, le het et le youd, qui signifie « vivre », « vivant », accompagné de ce message : « Nous vivrons ».

Dans un entretien édité dans le prochain numéro du Point, il revient sur ce message de vie, après les effroyables exactions commises contre Israël et ses habitants. Il pointe du doigt ceux qui choisissent de se taire ou qui, à force de contorsions verbales ignobles, tentent de justifier la barbarie des terroristes ayant égorgé des civils, y compris des bébés, par centaines, ce qui s’appelle un pogrom.

Joann Sfar rappelle qu’avant l'attaque du Hamas, Israël était tout entier opposé à Benyamin Netanyahou et manifestait toutes les semaines contre lui. En une journée, le Hamas a réussi à unir tout Israël derrière son gouvernement actuel.

Il rappelle des vérités historiques indiscutables et que, à l’encontre de ce qui s’entend, chez les jeunes en particulier, « qui s'imaginent que Gaza est occupé par des Israéliens, il n'y a pas un seul Israélien à Gaza depuis 2006. Le Hamas est un mouvement islamique financé par l'Iran et dirigé par des gens qui se trouvent au Qatar. Il a pris le pouvoir à Gaza en abattant une centaine de chefs du Fatah, l'autorité palestinienne.

Depuis cette époque règne à Gaza un ordre qui relève de l'État islamique : on jette les homosexuels des toits, les opposants sont tués et traînés derrière des poteaux et les milliards que donne la communauté internationale pour les Palestiniens vont dans les caisses du Hamas pour construire des tunnels et acheter des armes plutôt que pour construire des hôpitaux, des écoles… Que l'on soit clair : le but du Hamas n'est pas la création d'un État palestinien, c'est l'extermination de tous les Juifs d'Israël. Face à ce projet, il est évident que les Israéliens doivent se défendre. Aujourd'hui, ce que l'on peut constater, c'est que la paix vient de reculer de vingt ans, et c'est tragique.

Si notre jeunesse est solidaire de la cause palestinienne et si elle souhaite qu'il y ait un jour un État palestinien, dans ce cas-là il faut réhumaniser les deux partis et il ne faut pas excuser les crimes du Hamas qui sont au-delà du terrorisme. Quand on viole des jeunes femmes et qu'on exhibe leurs cadavres, quand on va chercher une vieille dame, qu'on l'abat à bout portant et qu'on poste le cadavre sur son Facebook, quand on enlève des enfants et qu'on les maltraite… on est dans quelque chose qui est de l'ordre des pires crimes de guerre ».

Le week-end dernier Joann Sfar diffusait un message dans lequel il affirmait que  « celles et ceux qui, depuis des années, ouvrent les bras au Hamas et à ses alliés sont les ennemis déclarés de la Palestine et d'Israël. Ils ont sur les mains le sang des pogroms ».

A la question de savoir si, après les attentats de Mohammed Merah à Toulouse en 2012, puis ceux contre Charlie Hebdo en 2015, quelque chose avait changé dans l’opinion publique, Joann Sfar répond qu’ « il y a une immense lâcheté collective ». « Quand en 2014, il y a eu cette manifestation près de la Bastille, qu'une synagogue a été attaquée aux cris de « mort aux juifs » dans la rue et qu'après on a interrogé Jean-Luc Mélenchon à ce sujet,  il a répondu : « Je n'ai rien entendu, il ne s'est rien passé »… Il y a toute une part de la société française qui, pour plusieurs raisons, refuse de s'exprimer sur cette question, de condamner clairement ».

Pour lui, alors que les juifs représentent moins de 1 % de la population française, plus de 40 % des agressions racistes violentes sont commises contre eux. « On s'est résigné à ça. La haine des juifs est multiple et il ne faut pas me faire croire que la haine qu'exprime le Hamas aujourd'hui relève du projet territorial palestinien. C'est une haine exterminatrice qui prend ses origines dans le fanatisme religieux. J'ajoute que les gens qui veulent que l'on confonde l'Islam, le monde arabe et de l'autre côté le Hamas et les mollahs, ce sont eux les islamophobes, ce sont eux les racistes anti-arabes. Le Hamas est le plus grand ennemi de la Palestine ».

Il précise que s’il a publié ce Haï, c’est en référence à « l'hymne d'Israël : « Am Yisrael chai », qui signifie « Israël survivra ». Et depuis la création de l'État hébreu, la seule chose que demandent les Juifs, c'est de survivre. Il faut savoir que les gens qui ne veulent pas de juifs en Israël ne veulent pas non plus de juifs en dehors d'Israël. Je pense que là où ils souhaitent que l'on soit, c'est sous la tombe. On leur répond : pas tout de suite ».

En ne condamnant pas clairement la barbarie du Hamas, Mélenchon et ses affidés Panot et Bompard, rejoints par le marginal Besançenot, ne peuvent prétendre représenter la gauche. Ils ont commis une faute morale impardonnable. Même si « le sang sèche vite » comme le formulait De Gaulle, il faudra ne pas oublier les propos de ces activistes qui se revendiquent de gauche en mettant sur le même plan Israéliens et Palestiniens, à un moment où il n'est pas décent de le faire. Là également, le devoir de mémoire doit s’imposer.

Il ne faudra pas oublier non plus cette marionnette grandeur nature d'un banquier juif ressemblant à Emmanuel Macron, qui était portée lors d'une manifestation parisienne, de l'Opéra à Bastille, à l'appel de La France insoumise le 5 mai 2018 : un nez crochu, des doigts crochus pour attraper d'autres dollars que ceux qui dépassaient déjà des poches de son costume... L'étonnant, c'est que cette mise en scène antisémite ne fit pas scandale.

Quand l’antisémitisme de ceux qui se proclament « de gauche », camouflé sous la langue de bois et la lâcheté des déclarations, fera-t-il scandale ?

Il faut condamner cette attaque sans ambiguïté et avec la plus grande fermeté, et, en même temps, comme le souligne le géopolitologue Dominique Moïsi,  se poser la question des origines de cette sauvagerie.

Mais analyser la cause n'est pas justifier l'action.

 

 

 

 

 

 

 

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