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QUE PUIS-JE SAVOIR ?

Tenter de percevoir les mouvements profonds qui décident de la marche de l’histoire.

La psychanalyse aujourd’hui (III). L'autisme : à quand une conjugaison des approches ?

Publié le 11 Décembre 2011 par Jean Mirguet dans Autisme

Le film de Sophie Robert, Le Mur, la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme, s’attache à caricaturer la prise en charge psychanalytique de l’autisme. En manipulant les témoignages des psychanalystes interrogés, en tronquant des phrases sorties de leur contexte, la réalisatrice  conforte ceux qui veulent éliminer la psychanalyse du travail thérapeutique avec les autistes.

Comme Caroline Eliacheff l’indiquait sur France Culture cette semaine, ce film est un abus de confiance et une escroquerie, au service de Vaincre l’autisme, l’association qui, depuis des années, mène la croisade contre les psychanalystes et milite en faveur des thèses neurologiques (génétiques) et des programmes de rééducation d’inspiration neuro-cognitiviste (méthode ABA).

Le film de Sophie Robert reprend la thèse éculée de la culpabilité de la mère dans la genèse de l’autisme et entretient l’idée que les psychanalystes culpabiliseraient les parents, avec la certitude que, seules, les méthodes éducatives seraient efficaces.

Or, la culpabilité portant sur les parents d’enfants autistes vient de l’idée psychologique simpliste que ce qui arrive à l’enfant vient des parents. Les psychanalystes ne partagent pas cette conception et c’est procéder à un mauvais procès que d’en faire des accusateurs des parents. Mais, on ne peut nier que ce type d’opinion rudimentaire a cours chez un certain nombre de professionnels candides et inexpérimentés, peu formés, se réclamant gauchement d’une psychanalyse psychologisée. « L’inconscient des psychologues est débilitant pour la pensée », note Lacan...

 

Cette semaine, lors de l’audience du procès contre le film, l’avocat des plaignants a déclaré qu’on ne pouvait pas faire dire à quelqu’un le contraire de ce qu’il n’avait pas dit, de ce qu’il pensait et de ce qu’il écrivait dans ses articles (rappelons que trois des psychanalystes interviewés demandent  le retrait de leurs interviews ou, à défaut, l’interdiction du film, estimant  que leurs propos ont été "défigurés" au montage).

C’est particulièrement vrai pour Alexandre Stevens, psychiatre et psychanalyste, fondateur en 1982 du Courtil, une institution belge accueillant des enfants et jeunes adultes psychotiques et névrosés graves. Dans un article paru dans les Feuillets du Courtil (n° 29, janvier 2008), intitulé « Aux limites du social : les autismes », il rappelle que le tableau clinique de l’autisme est fait d’une prévalence du repliement sur soi. Le sujet se ferme à ses proches ressentis comme l’envahissant. Cet envahissement peut se manifester par ce qui est éprouvé comme un excès de demandes ou de désir de la part de ceux qui s’adressent à lui d’une façon reçue comme intrusive. C’est la présence qui est excessive, surtout quand se fait sentir un trop-plein du regard ou de la voix. S’impose alors au sujet autiste la nécessité de se retirer ou de se mettre à l’abri pour mettre l’Autre à distance.

Cette mise à distance peut prendre différentes formes, comme par exemple une attaque contre l’Autre. Récemment, au cours d’une séance de supervision, des éducateurs d’ITEP me parlaient d’un jeune adolescent qui, faisant le chien alors que la psychologue venait le chercher pour un entretien, l’avait sévèrement mordue à la jambe.

Compte tenu des diverses formes prises par l’autisme, Alexandre Stevens demande s’il convient de parler de l’autisme ou des autismes. S’agit-il d’une maladie ou d’un style de vie singulier ? S’agit-il d’une psychose ou est-ce un handicap ? La cause est-elle organique, génétique ou à rechercher dans la façon dont un sujet accède à la parole, s’inscrit dans le lien social ? Est-ce la « réponse » d’un sujet à des difficultés ?

En parler comme d’une maladie implique l’existence d’une cause extérieure : cause physique, organique, génétique. Une telle cause existe peut-être, mais, jusqu’ici, la preuve n’en a pas été apportée.

Faire de l’autisme un handicap suppose une déficience provoquant une incapacité avec un accent porté sur le comportement, susceptible d’être rééduqué.

Puisqu’il a été observé, dans l’autisme, une séparation radicale des affects et de l’intellect, puisqu’ils parlent sans être impliqués dans ce qu’ils énoncent et sans que des émotions accompagnent leurs paroles, il y a une difficulté du travail concernant comment être présent pour eux ? Leur côté plutôt verbeux fait de leur parole une parole déconnectée de celui qui parle, une parole sans énonciation qui rend l’Autre absent. C’est ce qui fait dire à Lacan que les autistes n’arrivent pas à entendre ce que nous leur disons en tant que, justement, nous nous en occupons : c’est parce que nous nous en occupons qu’ils ne nous entendent pas donc qu’ils nous rendent inexistants. Il s’agit d’être présent sans trop l’être.

 

Sophie Robert s’est bien gardé de reprendre ces éléments pour ne retenir qu’une charge contre la psychanalyse et il est heureux qu’Arte ait refusé de diffuser son documentaire.

Mais il est tout aussi inutile de vouloir s’engager dans une bataille frontale avec les tenants des méthodes éducatives comportementales. Ce combat débouche inévitablement sur un « ou toi ou moi », à terme mortifère.

Une autre voie est proposée par la Coordination Internationale entre Psychothérapeutes psychanalystes s’occupant de Personnes avec Autisme (CIPPA) : http://old.psynem.org/Cippa/ .Cette association s’inscrit dans un esprit de constante articulation avec les autres approches et dans une démarche toujours intégrative et jamais exclusive des autres apports : stratégies éducatives, scolarité et approches rééducatives comme l'orthophonie, la psychomotricité, l'ergothérapie, etc... Elle insiste sur le travail de jonction effectué entre ses propres recherches, celles des sciences cognitives, des neurosciences et de la génétique.

N’est-il pas urgent que les psychanalystes inscrivent leur place dans cette conjugaison des approches ?

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Le billet d'humeur de Michel Brun

Publié le 7 Décembre 2011 par Michel Brun dans Psychanalyse et psychanalystes

Que les psychanalystes soient supposés se discréditer aux yeux de l’opinion publique, en s’engageant  dans des joutes tenues pour stériles, appelle quelques remarques.
- Il n’est pas sûr que la passivité et l’abstention soient les meilleures stratégies possibles lorsqu’il s’agit de défendre une cause. C’est plutôt la question des moyens qui doit faire débat.
-Que l’on soit analysé n’exclut pas d’être encore sujet à quelques passions. Reste à savoir si la passion doit être tenue pour l’équivalent d’un symptôme.
- Le psychanalyste n’est pas seulement un praticien confiné dans l’intime de son cabinet. Sa fonction est aussi de porter la parole. Soutenir la spécificité du discours analytique, c’est accepter la confrontation à la différence et donc à la controverse. A l’époque de son projet d’une “Instance Ordinale pour la Psychanalyse”, Serge Leclaire avait défini la psychanalyse comme la discipline “du conflit et de la contradiction”. Et si la discrétion est de bon ton dans l’exercice professionnel du psychanalyste, cela n’implique pas qu’il soit ailleurs un être frileux. La Cause Freudienne vaut bien que l’on perde quelques plumes de son honorabilité.
- La mort de la psychanalyse est régulièrement annoncée, à grands renforts de roulement de tambour, par les médias en mal de copie. Cela suffit-il pour invalider le tranchant de la découverte freudienne, à savoir l’existence de l’inconscient et de ses effets ?

 

Il n’en demeure pas moins que la pertinence du discours analytique doit constamment être mise à l’épreuve, face aux attaques dont il est l’objet. C’est un travail. Et pour ce travail nous avons besoin de quelques guerriers émergeant de la foule des anonymes. Surtout pas de Don Quichotte qui se trompent de cible, confondant ainsi le sublime et le ridicule.


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La psychanalyse aujourd’hui (II). Le traitement psychanalytique de l'autisme

Publié le 6 Décembre 2011 par Jean Mirguet dans Autisme

Dans son commentaire de « La psychanalyse aujourd’hui (I) » posté hier sur ce blog, Olivier demande si les journalistes servent encore à quelque chose. Une réponse lui est donnée avec le film de Sophie Robert, intitulé Le Mur : la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme, à propos duquel une vive polémique s’est développée.

Jugeant que le montage des extraits d’interviews procédait d’une manipulation de leurs propos, qu’il en dénaturait le sens voire qu’il leur faisait dire le contraire de ce qu’ils avaient exprimé, Éric Laurent, Esthela Solano-Suarez et Alexandre Stevens, trois des psychanalystes interrogés dans ce documentaire, ont porté plainte. Le procès qui aura lieu le 8 décembre 2011 à Lille a pour objet d’obtenir la cessation d’exploitation en l’état du film, aussi longtemps que n’auront pas été retirés les extraits de leurs interviews.

Ce film est diffusé sur http://www.dailymotion.com/video/xkxxjv_1ere-partie-le-mur-la-psychanalyse-a-l-epreuve-de-l-autisme_news . Il dure environ 52 minutes dont 49 consacrés aux interviews des psychanalystes. Ce documentaire ne vise pas à informer mais s’applique à convaincre insidieusement le spectateur de l’inanité du traitement psychanalytique de l’autisme et du discours des psychanalystes.

C’est à n’en pas douter efficace puisqu’une voix off affirme vers la fin « ...et pourtant des solutions existent... ». Ce « et pourtant » assassin est un véritable coup de grâce, une objection qui met en doute la vérité de ce qui a été dit précédemment et en implique la fausseté. Il inaugure les trois dernières minutes consacrées à la promotion des méthodes éducatives cognitivo-comportementalistes. 

Sous prétexte d’informer le public sur le traitement psychanalytique de l’autisme, la réalisatrice se livre donc à un réquisitoire contre la psychanalyse en manipulant habilement images et propos. Le traitement psychanalytique de l’autisme est subtilement présenté comme un danger pour les enfants autistes et les psychanalystes sont ridiculisés, assimilés à des imposteurs et à des bonimenteurs, plus soucieux de défendre leur pré carré que de traiter l’autisme des enfants qui leur sont adressés à leur cabinet ou en institution.

Ce film est révoltant, c’est entendu. Les psychanalystes se sont fait piégés, soit. Mais une question se pose, à laquelle ils ne devraient pas se dérober : ne sont-ils pas les artisans de cette farce, à l’insu de leur plein gré ? Pourquoi énoncer des paroles absconses, inintelligibles (voire fumeuses) qui seront prises à la lettre ? Si l’usage de l’équivoque est admis dans la communauté psychanalytique, il est loin d’en aller de même à la télé. Des termes comme inceste, séparation, phallus (paternel !), abdiquer l’idée d’une progression, la mère crocodile, etc, etc... sont des bombes à retardement qu’il vaudrait mieux manier avec la plus grande des prudences quand on ne sait pas bien à qui ils s’adressent.

Enfin, il y a cet argument contreproductif qui consiste à présenter le traitement psychanalytique de l’autisme comme un combat pour maintenir vivante la dimension de la subjectivité. Nous devrions savoir que plus nous continuerons à enfourcher ce cheval de bataille qui ne convient plus au monde d’aujourd’hui, plus nous attiserons les haines et participerons activement à notre déconsidération voire à ce que certains appellent déjà « l’autodestruction du mouvement psychanalytique ». Nous n’avons rien à gagner en alimentant l’opposition frontale et manichéiste au comportementalisme et je crains qu’un procès, même gagné, ne change pas grand chose à l’espèce de nasse dans laquelle les psychanalystes sont pris et se prennent.

S’il est vrai que la psychanalyse est menacée, n’est-ce pas par le retour de ce que les psychanalystes refoulent, à savoir leur phénoménale prétention à vouloir assurer le leadership dans les pratiques cliniques comme dans la vie culturelle et politique ?

 

 

 

 

 

 

 

 

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La psychanalyse aujourd’hui (I)

Publié le 4 Décembre 2011 par Jean Mirguet dans Psychanalyse et psychanalystes

La psychanalyse et les psychanalystes sont, aujourd’hui, la cible de critiques périodiques concernant sa validité, son efficacité, sa place dans le domaine de la santé mentale. Plus particulièrement, c’est l’autisme qui devient le champ de bataille privilégié des opposants à la psychanalyse.

Les psychanalystes ripostent à ces attaques, mais à quelques exceptions près, leurs réactions sont dogmatiques, rigides, corporatistes voire obscurantistes.  D’où des échanges stériles qui sont la conséquence d’effets d’identification imaginaire que produit leur appartenance à un groupe. Ceux-ci sont nuisibles au débat scientifique.

Plus pitoyables encore sont les disputes, les polémiques, les conflits à l’intérieur même du mouvement psychanalytique orienté par l’enseignement de Jacques Lacan. Les derniers événements de l’automne, à l’occasion de trentième anniversaire de la mort de ce-dernier en témoignent. L’empoignade et les calomnies entre Jacques-Alain Miller, Judith Miller son épouse et Elisabeth Roudinesco ont fait les délices de la presse qui n’a pas manqué de railler et se moquer : « Les détracteurs de la psychanalyse l’accusent d’être élitaire, sectaire et verbeuse. Où diable vont-ils chercher ça ? Où donc, je vous le demande », concluait une chroniqueuse suisse dont le commentaire était rapporté par Courrier International, à propos du procès ayant opposé récemment J. Miller à E. Roudinesco.

ConformismeMes collègues semblent avoir oublié ce qu’écrivait Lacan[1], il y a plus d’un demi-siècle : « L’identification à l’image qui donne au groupement son idéal fonde certes la communion du groupe, mais c’est précisément aux dépens de toute communication articulée. La tension hostile y est même constituante de la relation d’individu à individu ». Dans ce climat, s’installe la « terreur conformiste » d’analystes qui font preuve d’une extraordinaire intolérance à l’égard de ce qui n’est pas la conduite commune...et certains de se conduire alors en courtisans sectaires et flagorneurs.

En règle générale, le groupe uniformise le sujet ; le groupe psychanalytique, bien qu’averti, n’y échappe pas, bien au contraire. Heureusement, il peut arriver qu’un sujet, révolté, ne détourne plus le regard, décide de quitter l’uniforme et fasse front.

Dans un article écrit il y a une dizaine d’années dans la Revue de l’Ecole de la Cause freudienne, Lilia Mahjoub-Trobas observait que le groupe analytique est secoué par les phénomènes d’amour et de haine - dans lesquels nous devons reconnaître le transfert - quand le bien-dire y est en souffrance. À méditer...

Que résulte-t-il de ce conformisme? Le repli sur l’entre-soi et le risque de la nécrose. Mais également des bénéfices puisque le fait de trouver un ennemi commun permet de resserrer les rangs. Les psychanalystes ne peuvent-il faire corps qu’en s’opposant à un adversaire extérieur ?

Ces joutes contreproductives affaiblissent la psychanalyse, faisant perdre un peu plus, chaque fois aux psychanalystes, de leur crédibilité aux yeux de l’opinion publique.

Si, en son temps, Freud fit face aux réfutations en déclarant résistance inconsciente les détractions qu’on lui adressait, cette posture défensive n’est plus de mise aujourd’hui. 

Alors quoi ? La psychanalyse est-elle mourante ? Au moins peut-on considérer l’hypothèse d’une perte d’influence grandissante. Les psychanalystes n’ont-ils pas à se demander quelle part ils y prennent ?

Il serait alors profitable d’aller voir du côté de ceux qui, depuis longtemps, s’interrogent sur ce déclin, ce à quoi je vais essayer de m’atteler dans des articles à venir.

 

 



[1] J. Lacan, Ecrits, « Situation de la psychanalyse en 1956 », Seuil.

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Architecture à vendre à Los Angeles

Publié le 2 Décembre 2011 par Coralie Grandeau & Olivier Mirguet dans Villes

Los Angeles est une ville où de nombreux joyaux architecturaux ont été construits, notamment des maisons particulières signées des grands noms de l’architecture américaine du XXe siècle : Richard Neutra, Franck Lloyd Wright, Rudolph Schindler ou John Lautner. Des maisons fabuleuses qui ne trouvent plus preneurs aujourd’hui, restent parfois des années dans les listings des agences immobilières et sont proposées à la moitié de leur valeur.

Voir le reportage de Coralie Garandeau et Olivier Mirguet sur http://www.arte.tv/fr/recherche/3652794.html

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