Le 5 novembre 2016, se tenait au Palais Bourbon un colloque organisé par la LICRA et le Comité Laïcité République sous le titre "Faux amis de la laïcité et idiots utiles".
L’un de mes proches m’ayant communiqué le lien permettant d’entendre les communications qui y ont été données, je m’empresse de le partager : https://youtu.be/FXzTcvVV0nM
Argument du Colloque :
« Les différences de perception de la laïcité sont légitimes.
Si le principe est limpide et cohérent (autonomie du politique à l’égard du religieux, indépendance de la citoyenneté de la confession, séparation des Eglises et de l’Etat, émancipation de la loi civile de la loi religieuse, neutralité du service public), et si ses fondements (égale dignité des personnes et liberté de conscience) sont essentiels à la vie démocratique, les atteintes dont la laïcité est l’objet posent d’inévitables questions d’application.
Les « faux amis de la laïcité et idiots utiles » (expression de plus d’un siècle), eux, préfèrent nier les réalités : ce ne sont pas les intégrismes religieux qui seraient en cause mais un laïcisme intolérant.
Aujourd’hui, cela s’exprime en particulier à propos de l’islamisme en tant qu’instrumentalisation politique du religieux. Au nom de la diversité des croyances, les » faux amis de la laïcité et idiots utiles » rejettent la critique de pratiques liberticides. Cette inversion logique n’est pas sans rappeler des attitudes de déni qui ont accompagné la montée des totalitarismes du XXe siècle. Il s’agit alors de comprendre, d’analyser et de mesurer les conséquences du phénomène, pour tenter d’y remédier. »
Dans cet enregistrement, vous pourrez entendre les interventions de :
- Brice Couturier, éditorialiste, présentateur de la chronique quotidienne Le tour du monde des idées sur France Culture, collaborateur régulier de l’hebdomadaire Le Point . Il parle des «médias, malades de la bien-pensance »),
- Caroline Fourest, enseignante à Sc po Paris, chroniqueuse à l’hebdomadaire Marianne, auteure de La tentation obscurantiste, Grasset, 2006 ; Le génie de la laïcité, Grasset, 2016 , elle parle des «mauvais génies de la laïcité »
-Mohamed Sifaoui, journaliste, écrivain, réalisateur, auteur de Pourquoi l’islamisme séduit-il ? Paris, Armand Colin, coll. « Éléments de réponse », 2010
Quatre ans plus tard, les propos tenus ces jours-là restent d’une brûlante actualité . Ils alertent sur la vigilance à avoir face à la façon dont certains intellectuels, universitaires, journalistes vrillent voire pervertissent la langue pour la soumettre à leur idéologie mortifère (cf. par ex. l’usage du terme « islamophobie ») et minent les sens des mots pour empêcher de dire la vérité dont ils ne veulent pas qu’elle soit entendue.
Comme l’exprime Didier Daeninckx dans une récente tribune du Monde, « des directeurs de conscience autoproclamés peuvent, sans trembler, affirmer que Charlie a déclaré la guerre à l’islam, une obscénité qui n’a heureusement pas été réitérée lorsque Samuel Paty a subi le même sort que celui des membres de la rédaction du journal dont il expliquait les dessins. On se contente de parler, dans cet espace de radicalité, de « barbarie policière » pour qualifier l’exécution, en état de légitime défense, du tueur. Ces mêmes directeurs de conscience qui s’affichent aux côtés des racistes, des homophobes, des antisémites du Parti des indigènes de la République, et qui considèrent que l’on en fait trop avec la jeune lycéenne Mila, qui vit depuis des mois sous la menace des assassins pour avoir usé de sa simple liberté.
Comment dire son dégoût lorsqu’une sénatrice sensible à l’environnement pollue le sien en posant au milieu de jeunes enfants manipulés qui portent une étoile jaune où est inscrit le mot « musulman » [lors de la marche contre l’islamophobie], suggérant une fois encore que la persécution fantasmée de l’Etat à l’encontre d’une religion équivaudrait à la « solution finale » ?
Toutes ces trahisons, tous ces abandons ont désarmé la gauche dans un combat essentiel. Ils permettent à la droite la plus obscure, à l’extrême droite, de se faire les championnes de la préservation des principes républicains ! Ils creusent la défiance, ils favorisent le basculement de centaines de milliers d’électeurs vers les porteurs de solutions autoritaires.
Tous ces gens qui ont failli, leaders de partis gazeux, adjoint à la mairie de Paris, députées des quartiers populaires, syndicalistes éminents, chroniqueuses en vogue, devraient avoir la décence de se retirer. Aucun d’eux ne parle en notre nom.
Une couverture emblématique de Charlie [datant de 2005] représente le prophète Mahomet qui se lamente prenant sa tête entre ses mains : « C’est dur d’être aimé par des cons. » Si j’avais deux doigts de talent, je placerais Jean Jaurès dans la même position, s’adressant à ceux qui, aujourd’hui, à gauche, usurpent et sa pensée et son nom, lui qui affirmait que laïcité et démocratie sont synonymes. »
Dans son intervention, Brice Couturier cite l’écrivain Claudio Magris qui dans Utopie et désenchantement écrit : « Beaucoup de malhonnêtetés naissent quand on massacre la langue, qu’on met le sujet à l’accusatif et le complément d’objet au nominatif , brouillant ainsi les cartes, intervertissant les rôles des victimes et des bourreaux, abolissant les distinctions et les hiérarchies en de crapuleuses orgies de concepts et de sentiments qui altèrent la vérité ».
La détérioration de la langue ne finira-t-elle pas par menacer notre démocratie ?