On lira avec intérêt cette lettre ouverte de Mireille Battut, présidente de
l'association La main à l'oreille, à la ministre, dite de gauche, MA Carlotti, au sujet de la présentation du 3éme plan autisme et du clientélisme de cette ministre ...édifiant
!
Madame la ministre,
Je viens de
recevoir votre appel à soutenir votre candidature à la mairie de Marseille, sur la boite mail de l’association que j’ai créée, La main à l’oreille.
La main à l’oreille est née en 2012, année consacrée à l’autisme Grande cause
nationale, pour porter une parole autre : nous refusons de réduire l’autisme à la seule dimension déficitaire et sa prise en charge à la seule approche rééducative, nous voulons promouvoir
la place des personnes autistes dans la Cité, sans nous référer à une norme sociale ou comportementale.
C’est en 2012 que vous avez découvert l’autisme. Vous repartez maintenant vers d’autres aventures,
mais vous nous laissez un 3ème Plan Autisme rapidement ficelé, accompagné de déclarations martiales : « En ouvrant ce dossier, j’ai trouvé une situation conflictuelle, un climat
tendu, je n’en veux plus. » Vous avez, en effet, vécu des moments très chahutés. J’en ai été témoin lors d’un colloque au Sénat dédié à l’autisme,
où un groupe de parents bien déterminés vous empêchait de parler. Le député Gwendal Rouillard, votre collègue, qui a choisi de soutenir les plus virulents, était à la tribune, les yeux mi-clos et
le sourire aux lèvres. Comme vous étiez toujours coincée sur le premier paragraphe de votre discours, il a levé un bras et a demandé silence aux parents en les mettant en garde « ne prenez
pas la ministre pour cible, n’oubliez pas que votre véritable ennemi, c’est la psychanalyse ». La salle s’est calmée et vous avez pu poursuivre votre propos, après avoir jeté un regard de
remerciement à celui qui vous sauvait ostensiblement la mise. Vous avez retenu la leçon : vous ne voulez plus de parents chahuteurs dans vos meetings. Aussi, en partant,
vous donnez des gages : « En France, depuis quarante ans, l’approche psychanalytique est partout, et aujourd’hui elle concentre tous les moyens ».
Vous savez pourtant, en tant que Ministre, que depuis trente ans la psychanalyse n’est plus dominante en psychiatrie, que les établissements médico-sociaux ainsi que les hôpitaux
de jour ont intégré des méthodes comportementales ou développementales dans leurs pratiques et que le problème majeur, c’est le manque de place et de moyens. Est-ce à cause de la psychanalyse que
les enfants autistes restent à la porte de l’Ecole républicaine ? C’est donc en toute connaissance de cause que vous vous faites le relai d’une fable grossière, dictée à la
puissance publique par quelques associations extrémistes.
Dès votre arrivée, vous avez annoncé que vous seriez très à l’écoute des parents. Il eut été
plus conforme à la démocratie d’être à l’écoute des différents mouvements de pensée. « Les » parents, ce n’est ni une catégorie, ni une classe sociale. Il y a abus de
généralisation dans la prétention du « collectif autisme » à s’arroger la parole de tous « les » parents. Vous ne pouvez pas ignorer qu’il y a d’autres associations
représentant d’autres courants de pensée puisque nous avons été reçus par votre cabinet où nos propositions ouvertes et constructives ont été appréciées, et où l’on nous a assurés que le
ministère n’avait pas vocation à prendre parti quant aux choix des méthodes. C’était le moins que nous demandions. Nous ne cherchons à interdire ou à bannir quiconque, et surtout pas qui
pense différemment. Nous sommes trop attachés à la singularité, qui est l’agalma de ce que nous enseignent nos enfants.
« Il est temps de laisser la place à d’autres méthodes pour une raison
simple : ce sont celles qui marchent,… Permettez-moi de m’étonner que vous n’ayez pas attendu pour affirmer cela que les 27 projets expérimentaux, tous attribués
unilatéralement à des tenants de l’ABA par le précédent gouvernement, et jugés sévèrement par vos services comme trop chers, aient été évalués. La diversité et la complexité du
spectre autistique peuvent justifier différentes approches, en tout cas, vous n’avez rien de concret permettant d’étayer le slogan de
l’efficacité-à-moindres-couts-d’une-méthode-scientifique-reconnue-dans-le-monde-entier- sauf-en-France. En Amérique, le conditionnement comportementaliste est fortement critiqué, notamment par
des personnes se revendiquant autistes, aussi bien pour son manque d’éthique, que pour ses résultats en fin de compte peu probants, conduisant parfois à de graves impasses
thérapeutiques.
…et qui sont recommandées par la Haute Autorité de Santé. ». Si, en privé, vos
services reconnaissent que le ministère a choisi de s’appuyer sur ces recommandations, en l’absence d’autres bases, encore faut-il ne pas en faire une lecture outrageusement simpliste se résumant
à « une méthode ». La HAS s’efforçait tout de même de maintenir l’intégration des différentes dimensions de l’être humain, sous la forme d’un triptyque
"Thérapeutique/pédagogique/éducatif". Dans le 3ème plan autisme que vous venez de présenter, seul l’éducatif est maintenu. Le mot "thérapeutique" est employé une seule fois, de façon
surprenante pour qualifier « la » classe de maternelle spécialisée pour les autistes, une par académie !
« Que les choses soient claires, n’auront les moyens pour agir que les établissements
qui travailleront dans le sens où nous leur demanderons de travailler ». L’écrasante majorité des établissements a déjà prudemment annoncé être en conformité avec les
recommandations de la HAS. Il faut donc entendre que vous souhaitez aller au-delà ? Votre volonté est clairement d’intimider tous ceux qui s’efforcent de mener une démarche
au un-par-un et qui ne calent pas leur pratique exclusivement sur des protocoles dépersonnalisés. En faisant cela, vous transformez les intervenants en exécutants serviles, vous réduisez à néant
l’apport pacificateur de la dimension thérapeutique face à la violence potentielle de la sur-stimulation, du dressage et de la volonté de toute-puissance. En procédant ainsi vous menacez
directement tout le secteur médico-social au profit d’un système de services à la personne et de privatisation du soin, avec formation minimale des intervenants. D’autant que vous
n’annoncez pas la création de nouvelles structures avant 2016.
La fédération ABA France revendique sans ambages « une approche scientifique qui a pour
objectif la modification du comportement par la manipulation » destinée à tous les domaines, bien au-delà de l’autisme, de la psychiatrie à l’éducation en passant par la communication. On
trouve dans leur programme les ingrédients du traitement qui vous a été réservé : définition externe d’un objectif cible, mise sous situation de contrainte du sujet, au cours de laquelle il sera
exposé à la demande de l’autre de façon intensive et répétitive, la seule échappatoire étant de consentir à ce qui est exigé de lui. On comprend que vous soyez soulagée d’en finir. Si je
tiens personnellement à éviter que mon enfant subisse ce type de traitement, j’attends aussi d’un ministre de la République qu’il sache y résister.
Madame la Ministre, si vous voulez mettre vos actes en accord avec les annonces de votre candidature
à la mairie de Marseille « pouvoir rassembler les forces de progrès … et tourner la page du clientélisme… », il est encore temps pour vous de le faire, j’y serai
attentive.
Mireille Battut
Présidente de La main à l’oreille