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QUE PUIS-JE SAVOIR ?

Tenter de percevoir les mouvements profonds qui décident de la marche de l’histoire.

Entretien avec Marie-Louise NOLTE, artiste plasticienne, à propos de son exposition « Les Mystères du Vivant » (2ème partie)

Publié le 28 Juillet 2012 par Jean Mirguet dans Expositions

Toujours à propos du vivant et de ses mystères : dans tes tableaux, il est délibérément du côté du féminin. Il concerne, à n’en pas douter, les mystères du féminin c’est-à-dire ce que toutes les femmes connaissent pour n’y avoir qu’un accès plutôt difficile si ce n’est par les semblants de la féminité. Je différencie le féminin, intérieur, invisible (cf. le « continent noir » de Freud) et la féminité, visible, qui fait bon ménage avec le phallique et qui se montre dans le leurre, la mascarade, et qui rassure l'angoisse de castration, aussi bien celle de l'homme que celle de la femme.

Ton art vise-t-il à attraper le féminin en nous faisant croire qu’il est représentable ou qu’on pourrait le masquer par une représentation ?

 

Je suis d’accord avec la distinction que tu fais entre «  féminin » et «  féminité ».

J’espère que mon art (ma peinture) est du côté féminin, qu’il est l’expression sublimée du continent féminin.

Qui mieux qu’une femme (que des femmes) accomplie (accomplie = dans le sens où les principales fonctions du sexe féminin ont été accomplies : la puberté et les règles, la pénétration, la gestation, l’enfantement, l’allaitement, la jouissance sexuelle, la ménopause ont été accomplis) pourrait exprimer ce continent féminin ?

Mon art ne « vise » rien… il s’étale et au plus s’étend au féminin.

Et quel meilleur support pour s’étaler et quel meilleur médium que la peinture à l’huile avec son onctuosité et sa technique et si complexe et si riche pour s’étaler adéquatement ?

Les mystères du féminin existent-il  parce que nous sommes des cryptogames ?

Il est vrai que tout ce qui touche à la sexualité de la femme et à ses fonctions est caché (depuis l’organe sexuel, les palpitations de l’orgasme, en passant par les divers stades de la gestation (morula, blastula etc.) etc. etc.) Est-ce pour autant qu’il faille cacher à tout prix les mystères féminins… ? et/ou par opposition  et/ou par provocation exacerber les signes extérieurs de féminité

 

Ai-je ou non raison de penser que tu sais que, derrière le masque, il n’y a rien et que ce n’est qu’en apparence que ta peinture est illustrative? S’il est vrai que ta peinture ne raconte pas une histoire, est-ce parce que l’histoire efface la peinture ?

Francis Bacon évoque à ce propos les petites peintures comme Baigneur et cabine, réalisé par Picasso vers 1930, qui est une manière de rendre le geste de quelqu’un qui tourne une clé dans une serrure plus réel que si c’était fait d’une manière illustrative. « En art, dit Francis Bacon, la réalité est quelque chose de profondément artificiel et qu’elle doit être recréée. Autrement, cela ne rend que l’illustration d’une chose, illustration de très seconde main (...) ».

 

J’espère que ma peinture n’est pas illustrative. En tout cas, elle ne se veut pas telle. Serait-elle illustrative que cela signifierait qu’une idée (un propos intellectuel ou une représentation déjà connue) serait à l’origine de mon œuvre… et que ma peinture serait là pour appuyer l’image aidant le propos en question.

Or je pense, en effet, que l’illustration dessert la peinture.

Les formes que je crée me viennent sans à priori… naturellement, sans intention autre que celle de créer… Lorsque je dessine, il y a le vide en moi (aucune intention, aucune spéculation) une espèce d’innocence originelle -c’est pourquoi je dessine au réveil… lorsque je ne suis pas encore happée par des réflexions qui me viendraient de l’agitation du monde (de ce qui m’entoure).

Ce ne sont pas non plus des « accidents ».

Je trace des traits, des lignes, des courbes. Si ces dernières ne m’invitent à rien… je n’insiste pas. Si elles m’invitent à les compléter, à la couleur… ou autre, j’agis sur l’impulsion du moment. Cette impulsion se présente comme une nécessité intérieure. Si cette impulsion n’est pas là, je n’insiste pas… je travaille sur plusieurs pages et plusieurs carnets à la fois… passant inlassablement de l’un à l’autre. Impulsion, plaisir et réjouissance sont ce qui m’anime… et ce jusqu’à épuisement de cette énergie-là… cela peut durer 3... 4 heures, parfois moins. L’image, la représentation se transforment au long du travail, au fil des heures et des jours.

Ensuite vient la peinture… toujours sous l’effet d’une impulsion; je peux avoir envie soudain de transposer telle partie ou tel détail en peinture sur une toile.

Là je transpose… mais ne copie pas. Je tente de garder l’impulsion dynamique du geste lorsque je trace la ligne ou la surface au pinceau. Les lignes peuvent alors s’amplifier comme des fleuves, les volumes et les formes prendre de la consistance ou du poids…

La peinture n’est pas « dessin ».

Parfois je ne peux pas peindre car  l’énergie adéquate n’est pas là. Tantôt je ne peux pas dessiner car l’énergie n‘y est pas. Parfois c’est une certaine couleur que je ne pourrais pas entreprendre. Il faut l’énergie et le désir adéquat.

 

En psychanalyse, la sexualité n'est pas un instinct, elle n'est pas non plus biologique. Si cela était, la rencontre entre un homme et une femme aurait la simplicité de la rencontre entre le mâle et la femelle, ou encore du spermatozoïde et de l'ovule. Or, ce n'est pas le cas, rien ne fait plus parler que cette rencontre le plus souvent ratée parce que justement, entre les sexes, il n'y a pas de complémentarité.

Serait-ce aussi cela dont ta peinture – et non pas tes dessins - témoigne ?

 

Je ne comprends pas bien cette question ; j’essaie donc d’y répondre comme je peux.

Je ne pense pas faire étalage de sexualité dans ma peinture. Je ne crois pas non plus que ma peinture fasse état de la biologie (encore qu’un médecin de mon entourage y aurait vu des éléments se référant à l’embryologie… ). Il est possible que s’y inscrivent comme des traces provenant d’une mémoire archaïque du corps des éléments de la gestation (morula, blastula, etc.).

Le fantasme de rencontre entre les sexes ne me travaille pas particulièrement… pas plus que celui de complémentarité.

En revanche s’il y avait une fascination à laquelle je devrais résister, ce serait celle éprouvée face à l’altérité.

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Entretien avec Marie-Louise NOLTE, artiste plasticienne, à propos de son exposition « Les Mystères du Vivant » (1ère partie)

Publié le 26 Juillet 2012 par Jean Mirguet dans Expositions

Poster Nolte - finalArtiste plasticienne connue pour ses papiers collés, Marie-Louise Nolte vit et travaille à Nancy depuis 1975.

Depuis 1999, elle aborde, avec sa série « Les Mystères du Vivant », qu’elle expose du 2 juillet au 31 août 2012 à l’Office du Tourisme de St Nicolas de Port,  une nouvelle phase de son œuvre en se consacrant à « une peinture à l’huile vivante, fantasque et optimiste, aux couleurs éclatantes».

 

Dans la présentation de ton exposition, tu fais référence au street art et à des artistes contemporains comme Takashi Murakami ou Juan Pablo « Popay » de Ayguavives, celui qu’on surnomme le « Goya du graffiti et de l’art urbain ». Cela fait-il de toi une héritière de Warhol et du pop art américain ?

 

Ayant montré pour la première fois (2008) des photos de mes peintures à la conservatrice en chef du musée de Nantes lors d’un entretien concernant une expo à venir de mes papiers collés dans ce musée, cette conservatrice m’a fait remarquer que ma peinture lui faisait penser à celle de Takashi Murakami et dans ce sens m’a conseillé de proposer mes peintures à la Biennale de Lyon où s’exposait la jeune peinture nipponne. Je  ne me suis pas du tout reconnue dans son propos. (Takashi Murakami vient de la B.D. et du manga). Je n’ai d’ailleurs pas donné suite à cette invitation.

En revanche, c’est en voyant les œuvres récentes de « Popay » que j’ai senti quelques similitudes dans l’énergie que dégagent ses petits personnages souvent difformes qui envahissent ses dernières toiles.

 

Considères-tu que ton travail de création soit voisin de celui du poète : créer, non à partir de mots, de sons, de signes mais à partir de couleurs, considérer les mots ou la matière picturale comme des choses et non comme des signes ?

Est-ce ainsi que le peintre peut attraper le sentiment de la vie ? Ce que tu essayes d’attraper, sont-ce les pulsions, l’énergie émanant de ceux que tu appelles tes « petits drôles » ?

 

Je ne suis pas poétesse… mis à part quelques haïkus. Et donc je ne sais pas bien comment « ça marche » pour les poètes.

Ce que je puis dire c’est que dans la peinture (et cela plus que dans le dessin) c’est le corps qui est impliqué. Dans ce sens, mieux vaudrait se référer à la danse.

Cependant, je peux expliquer au plus près les processus. À l’origine, il y des carnets de croquis où je trace une ligne… des lignes… des enchevêtrements de lignes ; ces lignes suggèrent des formes… les formes des masses (l’œil, la bouche, le sein, l’anus etc.). Enfin les formes et les masses des « paysages » dans lesquels apparaissent des personnages.

La peinture est (pour l’instant) une transposition de mes dessins ou d’une partie de mes dessins avec les aléas et les contraintes (autres) de la matière peinture qui permet du fait de sa plasticité et de son onctuosité une infinité de variations et de subtilités que ne permet pas le dessin.

Il ne faut donc pas voir dans ma peinture le résultat d’une intention intellectuelle… mais plutôt le résultat d’un travail du corps mû par des impulsions… tout cela avec des limites… et là où la limite se fait sentir (car enfin le toile est une surface plane en deux dimensions et relativement restreinte…et le pinceau n’est qu’un instrument de précision très rudimentaire qui prolonge la main), là où la limite se fait sentir qui pourrait « brimer » l’impulsion, la technique prend le relais et permet de simuler les trois dimensions, les bosses et les creux, l’extérieur et l’intérieur, les méats, etc.…

Et pour répondre à la dernière partie de ta question… Oui ! La peinture telle que je la ressens est un travail où le corps s’exprime (et par là même, la mémoire du corps également) qui, allié à l’intelligence technique, au savoir-faire, donne les pulsations de la vie… ( le sentiment de la vie comme tu dis) et est capable de faire ressentir l’énergie de la vie aux regardeurs.

Parfois ces formes peuvent devenir des êtres (des entités… un peu comme les homoncules de Paracelse), en tout cas des vivants. 

 

On voit dans tes tableaux des formes humaines vivantes qui ont subi une distorsion. Pourquoi cette distorsion ? Francis Bacon dit que, dans son cas, toute peinture est accident. Il voit d’avance la chose dans son esprit et pourtant il ne la réalise presque jamais comme il la prévoit.

Pour toi, la chose se transforme-t-elle du fait même qu’il y a peinture ? Crois-tu que la peinture ait une vie complètement à elle, qu’elle a sa vie propre ?

Est-ce aussi cela les mystères du vivant ? Les formes que tu crées, te viennent-elles parce que tu as eu l’intention de les faire, ou viennent-elles par accident sans que tu les saches préalablement ? Arrive-t-il souvent que l’image se transforme au cours de ton travail ?

 

Je connais cette phrase de Francis Bacon. Lorsque l’on peint, on peut comprendre que Francis Bacon ait utilisé « un accident de la peinture » pour en faire sa marque de fabrique. Il y a des accidents « heureux »… comme il y en a de malheureux. Lorsqu‘on peint librement (sans sujet ni iconographie imposée), il arrive toutes sortes de choses (accidents, dérapages, effets, etc.) sur la surface de la toile. C’est au peintre de décider s’il utilisera ou pas (et comment) ces « accidents ». Dès lors que les peintres prétendent (comme depuis la moitié du XIXe siècle) que le sujet n’existe plus et que c’est le sujet lui-même voire la peinture qui sont les sujets de la peinture (cf. l’évolution de l’esthétique) il y a fort à parier que les peintres se sont servi des « accidents » de la peinture  pour en faire leur miel.

Ce n’est pas mon propos car ni le sujet du peintre ni le sujet de la peinture ne m’intéressent. Ce qui m’intéresse c’est-ce qui se produit lorsque, maîtrisant une technique, on parvient à exprimer au-delà de soi et au-delà du matériau quelque chose d’universel ; c’est-à-dire quelque chose qui est universellement reconnu comme inhérent ou appartenant à la condition humaine ou de l’univers.

Donc, pour ma part, je préfère poursuivre mon propos sans céder à la fascination des accidents qui peuvent s’avérer comme des solutions très plaisantes… je poursuis sans relâche mon propos travaillant la matière jusqu’à ce qu’elle se révèle en parfaite adéquation avec ce que j’ai envie de ressentir profondément en regardant ma peinture : le plaisir sensuel d’une harmonie bien ronde… comme un nouveau-né bien rond et dodu (et non pas un petit tout fripé et tout laid).

Voir la chose que l’on veut représenter dans son esprit est une chose. La réaliser est possible à condition de peaufiner sa technique, ne pas se contenter des aléas qu’on rencontre, voir et comprendre pourquoi telle couleur ou telle forme ne « fonctionne pas » dans l’ensemble de la composition… Cela demande du temps, de la maturation

Et va à l’encontre des rythmes actuels. Tant pis. Je produirai moins que d’autres.

Je pense aussi qu’à l’instar des écrivains qui parlent de leurs personnages qui en cours d’écriture prennent tel ou tel caractéristiques…et finalement leur échappent, je peux dire que la peinture a une vie complètement à elle et qu’elle échappe aux peintres.

C’est pourquoi ils la signent… non?

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La Mouette et Winter Family au Festival d'Avignon

Publié le 19 Juillet 2012 par Jean Mirguet dans Spectacles

Sauf si vous avez la chance et le privilège d'assister à l'envol de La Mouette, mardi 24 juillet, dans la Cour d'Honneur du Palais des Papes d'Avignon, ne manquez pas sa retransmission en direct à 22h40 sur France 2.

Mis en scène par Arthur Nauzyciel, le texte de Tchekhov sera accompagné de "la mise en espace sonore" créée par Winter Family, dont les spectacles ont été plusieurs fois évoqués dans ce blog.

A voir et revoir le site de ce duo franco-israélien dont on trouvera les coordonnées dans la rubrique "Amis et Camarades" du blog.

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USA : le rock pour adoucir la prison

Publié le 5 Juillet 2012 par Coralie Garandeau et Olivier Mirguet dans Spectacles

Le rock en prison est une tradition américaine. Après Elvis Presley et Johnny Cash, Wayne Kramer, le légendaire guitariste du groupe des années 70, "MC5", a donné un concert dimanche dernier dans la prison de Lancaster au nord de Los Angeles. Parmi, les musiciens, des ex-membres des "Guns N' Roses" et des "Foo Fighters". Wayne Kramer a fondé une association, les Jail Guitar Doors, qui distribue des instruments aux prisonniers.

Un reportage de Coralie Garandeau et Olivier Mirguet pour ARTE Journal.

 

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