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QUE PUIS-JE SAVOIR ?

Tenter de percevoir les mouvements profonds qui décident de la marche de l’histoire.

La psychiatrie biologique : une bulle spéculative ? (résumé 1)

Publié le 28 Mars 2012 par Jean Mirguet dans Clinique et pratique en institution

MiroirLa revue Esprit publie dans son numéro de novembre 2011 un article du neurobiologiste François Gonon, intitulé  : « La psychiatrie biologique : une bulle spéculative ? », à propos des recherches concernant la psychiatrie biologique et son cortège de faux espoirs et de questions essentielles. J’en propose un résumé, mais je recommande la lecture de son intégralité (une vingtaine de pages), consultable en accès libre à http://esprit.presse.fr/archive/review/article.php?code=36379&folder2

 

La psychiatrie biologique soutient que tous les troubles mentaux peuvent et doivent être compris comme  des maladies du cerveau. Certes, il existe des cas où des symptômes d’apparence psychiatrique ont des causes cérébrales identifiables et traitables grâce aux progrès de la neurobiologie, de l’imagerie cérébrale et de la neurochirurgie.

Mais peut-on en inférer que, bientôt, tous les troubles psychiatriques relèveront de la neurologie et seront traités en tant que tels ? Pour l’auteur de l’article, on peut en douter, compte tenu des incertitudes exprimées actuellement par les experts reconnus de la psychiatrie biologique dans les revues américaines les plus renommées. C’est le cas, par exemple, de Steven Hyman qui, dans un numéro d’octobre 2008 de Nature, écrit : « Aucune nouvelle cible pharmacologique, aucun mécanisme thérapeutique nouveau n’a été découvert depuis quarante ans. »

Mais, alors que l’origine de troubles comme la schizophrénie, la dépression ou la dépendance à l’alcool est un composé complexe associant biologie, psychologie et sociologie, il est remarquable de constater que pour le grand public, l’origine exclusivement neurobiologique de ces troubles est majoritairement admise. S’ajoute à cela la tendance de la psychiatrie américaine  à imposer sa conception étroitement neurobiologique des maladies mentales.

 

Avec son a-théorisme, la publication en 1980 du DSM-3 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) a rompu avec les classifications précédentes, afin d’améliorer les diagnostics et faire entrer la psychiatrie dans le champ de la médecine scientifique. À l’époque, cet espoir pouvait sembler raisonnable puisque certains traitements ayant fait leurs preuves montraient qu’on pouvait agir sur le fonctionnement cérébral à l’aide d’une chimie appropriée.

Aujourd’hui, l’espoir fait place au doute : dans un article publié le 12 février 2010 dans Science, on peut lire que les responsables de l’American Psychiatric Association (APA) reconnaissent qu’aucun indicateur biologique n’est suffisamment fiable pour mériter de figurer dans la version 5 du DSM. De surcroît, le NIMH, principal organisme américain de recherche en psychiatrie biologique, propose de financer des recherches en dehors du DSM puisque « la classification des troubles a entravé la recherche ».

Il en va de même pour les avancées concernant les médicaments psychotropes, tout aussi décevantes, selon la revue Nature Neuroscience.

L’insuccès est également au rendez-vous à propos de la schizophrénie où n’a pas été mis en évidence d’anomalie génétique ; idem pour le TDAH (déficit d’attention avec hyperactivité).

Le constat est général : les effets génétiques paraissent de plus en plus faibles et comme l'énonce le docteur Sonuga-Barke, l’un des leaders de la pédopsychiatrie anglaise, « même les défenseurs les plus acharnés d’une vision génétique déterministe revoient leurs conceptions et acceptent un rôle central de l’environnement dans le développement des troubles mentaux ». Seul, fait exception l’autisme où 5% des cas sont expliqués par des anomalies génétiques.

Reste un aspect, connu depuis longtemps : celui de l’héritabilité des troubles psychiatriques, plus fréquents dans certaines familles que dans d’autres. Mais une héritabilité élevée n’implique pas nécessairement la seule cause génétique, celle-ci pouvant interagir avec l’environnement.

Ces considérations ont conduit Rudolph Uher à distinguer entre des maladies très invalidantes, peu fréquentes et à forte composante génétique probable d’une part, et des troubles fréquents et à forte composante environnementale d’autre part.

 

De ces recherches, François Gonon déduit que, dans l’état actuel des connaissances, il semble illusoire d’espérer découvrir une cible moléculaire spécifiquement responsable des troubles fréquents.

Quant aux médicaments psychotropes découverts dans les années 1950-1960, s’ils  ont représenté un progrès majeur pour les troubles sévères, ils sont peu efficaces à long terme pour les troubles fréquents. Par exemple, le taux de rechute après un traitement antidépresseur est de 70%. Par contre, les psychothérapies sont considérées comme efficaces aux États-Unis, y compris celles se référant à la psychanalyse.

 

L’épigénétique, un nouvel axe de recherche de la psychiatrie biologique, est actuellement en plein essor. Il concerne les altérations de l’activité des gènes dues à des facteurs environnementaux. Par exemple, une maltraitance sévère dans l’enfance peut entraîner des modifications de l’activité génique profondes, durables et parfois transmissibles à la génération suivante. Dans un article de synthèse, plusieurs auteurs américains ont souligné que les études épigénétiques commençaient à révéler les bases biologiques de ce qui était connu depuis bien longtemps par les cliniciens : les expériences précoces conditionnent la santé mentale des adultes.

Revient ainsi sur le devant de la scène l’importance des facteurs de risque environnementaux des périodes pré et postnatale. En conséquence, les études épidémiologiques, qui ont mis en évidence les facteurs de risques sociaux et économiques, retrouvent du crédit. Il en va de même pour les actions préventives en direction des jeunes enfants et de leurs parents.

 

Suite du résumé dans quelques jours.

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La Shoah et les musulmans britanniques

Publié le 20 Mars 2012 par Jean Mirguet dans Racisme et antisémitisme

Il y a quelques mois, je me suis trouvé être l’un des destinataires d’un mail faisant état d’articles antisémites et négationnistes émanant de médias du Hamas. La Shoah y était désignée comme étant une invention juive et la promotion y était faite du Protocole des Sages de Sion.

L’information émanait du MEMRI, Institut de Recherche des Medias du Moyen-Orient, qui informe ses lecteurs des rapports journalistiques rédigés en arabe, des éditoriaux et autres sources médiatiques à thèmes antisémites.

Dans le cadre de son projet de documentation sur l’antisémitisme, l’une des activités du MEMRI consiste à recenser les articles arabes antisémites parus ces dernières années puisque l'antisémitisme arabe est devenu l'un des principaux catalyseurs des incidents antisémites dans le monde. Le MEMRI émet donc régulièrement des dépêches. Récemment, l’une d’entre elles rendait compte d’un article publié le 15 février 2012, commémoration de l´Holocauste au Royaume-Uni.

En voici le contenu, paru dans le Times of London. Son auteur est le progressiste arabe Mehdi Hassan. Il réside au Royaume-Uni.

 

Aujourd´hui, pour la douzième fois consécutive, le Royaume-Uni commémore la Journée de l´Holocauste, la libération d´Auschwitz le 27 janvier 1945.

 

Il est douloureux pour moi de l´admettre, mais l´attitude de certains de mes frères musulmans face à l´Holocauste est source d´une grande honte pour moi. Au Moyen-Orient, la réfutation de l´Holocauste est un phénomène répandu, du président [Mahmoud Ahmadinejad] d´Iran aux chauffeurs de taxi du Caire. L´attitude des musulmans britanniques se caractérise non seulement pas la réfutation, mais aussi par l´indifférence.

 

Certains musulmans et mosquées participent à la Journée du Mémorial. En 2006, un sondage sur la 4ème chaîne a révélé qu'un quart des musulmans britanniques ne savaient pas ce qu'était l´Holocauste, et que seulement un sur trois y croyait. C´est scandaleux. Comment pouvons-nous prétendre être des musulmans européens dignes et intégrés, et ignorer un moment critique de l´histoire de ce continent ?

 

Nous, musulmans britanniques, préférons nous vautrer dans une victimisation déplacée. Seules ´nos´ tragédies importent : on n´entend parler que de la Palestine, de l´Irak, l´Afghanistan, du Cachemire et de la Tchétchénie. Mais aucune de ces [tragédies] ne dépasse la barbarie de l´Holocauste. Le génocide nazi ne peut être relativisé ou généralisé. Ce fut un massacre industriel sans précédent, un crime unique par son horreur dans l´histoire de l´humanité.

 

"La souffrance des Palestiniens ne se trouve pas amoindrie par la minimisation du meurtre des Juifs d´Europe"

 

Et pourtant, entre 2001 et 2007, le Conseil musulman de Grande-Bretagne a pris la décision moralement infâme (et stratégiquement stupide) de boycotter cette journée, demandant honteusement à ce qu´elle soit renommée ´Journée de commémoration du génocide´. En 2008, le boycott est tombé, mais uniquement pour être renouvelé en 2009, après l´attaque israélienne contre Gaza. Je ne céderai face à personne dans mon soutien à la cause palestinienne. Mais réfuter ou ignorer l´Holocauste ne fait pas avancer la cause. La souffrance des Palestiniens ne se trouve pas amoindrie par la minimisation du meurtre des Juifs d´Europe.

 

En participant à des événements commémoratifs, les musulmans britanniques pourront imiter notre prophète. Mahomet a une fois vu passer un cortège funèbre juif et s´est levé en signe de respect. Ses compagnons lui ont demandé pourquoi il s´était levé pour un Juif mort. ´N´est-ce pas un être humain ?´, a répondu le Prophète.

 

´Tout homme est ton frère´, a une fois déclaré le grand calife musulman Ali ibn Abu Talib, ´ton frère dans la foi ou ton frère humain´

 

L´islam n´est pas une confession exclusive ou séparatiste. Heureusement, depuis 2010, le Conseil a renoncé à son boycott. Mais la communauté musulmane britannique dans son ensemble doit faire beaucoup plus pour se souvenir de l´Holocauste, soit en accueillant la tenue d´événements dans nos mosquées, soit en envoyant nos enfants visiter Auschwitz.

 

´Tout homme est ton frère´, a une fois déclaré le grand calife musulman Ali ibn Abu Talib, ´ton frère dans la foi ou ton frère humain´. Le jour de la commémoration de l´Holocauste, tenons-nous aux côtés de nos frères juifs afin de faire ensemble le deuil de six millions d´âmes innocentes."

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Notre lien à la langue : créatifs ou meurtriers ?

Publié le 20 Mars 2012 par Jean Mirguet dans Spectacles

Le tueurDes’lices d’Opéra  et l’Opéra national de Lorraine vous invitent à une table ronde

le 28 avril 2012 de 10h à 13h

Grande salle de l’Opéra national de Lorraine à Nancy.

Intervenants :

Yvanne Chenouf, spécialiste de la littérature jeunesse

Philippe Choulet, Professeur de philosophie

Frédéric Werts, écrivain.

Argument :

L’opéra Le tueur de mots s’ouvre sur un chœur d’hommes et de femmes qui chante une ligne mélodique sur des sons-voyelles. Le héros qui a pour profession de tuer les mots entre en scène. Amoureux de sa langue maternelle, amoureux de ce matériau sonore, il berce son fils de sa musique. Il est incapable de tuer les mots car il sait trop bien que l’être humain est pétri de cette langue, de son chant et qu’en supprimant les mots qui ne servent soi-disant plus à rien, ce sont les hommes mêmes que l’on vise. Pour sa femme au contraire, il s’agit de faire advenir un monde efficace où l’on pense droit grâce à des mots fiables qui peuvent rendent compte d'un univers positif et surtout univoque, celui du pouvoir, de la maîtrise. La seule parade à cette novlangue serait de renouer avec la vocalité pure du début de l’existence.  Mais dans l’opéra, la tentative échoue.

Nos langues sont-elles vraiment des pièces de musée sans avenir et incapables de s’adapter aux exigences de notre monde ? Faut-il en conséquence les purifier, les dégraisser de tous les mots devenus inutiles et qui les polluent ? Faut-il même s’en détourner totalement comme le souhaite la femme du Tueur de mot  dans l’opéra éponyme d’Ambrosini et se doter d’un idiome plus efficace ?

Quel est finalement notre lien à notre langue ? Est-il créatif ou meurtrier ou à la fois l’un et l’autre ?

Entrée gratuite

Venez nombreux !

 

Voir l'article du 18 octobre sur ce blog

 

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Des messieurs trop pressés..., par Michel Brun

Publié le 18 Mars 2012 par Michel Brun dans Psychanalyse et psychanalystes

La médiatisation des controverses portant sur la pertinence de l’usage de la psychanalyse rate manifestement son objectif. Au lieu d’informer le public elle le laisse s’enliser dans une somme de préjugés sommaires qui nourrit les passions au lieu d’élever le débat au niveau scientifique qui devrait être le sien.

Il n’échappe à personne qu’aujourd’hui le journalisme d’opinion est commandité par les grands groupes de presse, valets de l’économie capitaliste,  pour laquelle seul compte le maximum de profit. Mais il est moins évident  de repérer que pour doper le marché de la presse tous les moyens sont bons, y compris le fait de mobiliser chez le lecteur ce qu’il y a de plus trouble dans son rapport à la jouissance, plutôt que sa capacité de réflexion.

C’est ainsi que la plupart des quotidiens et hebdomadaires  français, toutes tendances idéologiques confondues, ont progressivement réduit le volume de leurs colonnes et simplifié leurs débats de fond pour prendre comme cible le lecteur pressé, supposé de moins en moins capable de soutenir son attention.  Ce qui donne lieu à la production d‘énoncés à l’emporte-pièce, séducteurs et racoleurs, conformes à ce qu’attend notre société du spectacle généralisé.

Si les journalistes ne sont pas dupes, en revanche qu’en est-il des interviewés lorsqu’ils se prêtent au jeu consistant à résumer leur pensée sous la forme de slogans ou de formules simplistes propres à frapper les imaginations ? Comment un chercheur comme le docteur Mottron peut-il soutenir dans les pages du journal “Le Monde” que la psychanalyse “est une croyance, une pratique qui doit rester limitée à un rapport entre adultes consentants” ?  Même Boris Cyrulnik, qui est pourtant un esprit éclairé,  s’est laissé aller à affirmer récemment dans le “Nouvel Observateur” que la psychanalyse était devenue dogmatique et que c’’était son erreur. N’est-ce pas confondre la psychanalyse et les excès de certains psychanalystes ?

Quoi qu’il en soit la psychanalyse n’a rien à redouter du débat scientifique, dès lors que l’on aborde un peu sérieusement ses énoncés. D’autant moins que la question de sa falsifiabilité, mise en cause par Karl Popper dans sa “Logique de la découverte scientifique” n’est plus du tout d’actualité. Quiconque étudie vraiment et se donne la peine de réfléchir peut, entre autres, prendre la mesure de l’évolution d’une pensée comme celle de Lacan. Par exemple depuis sa formulation de l’inconscient comme “Discours de l’Autre”, jusqu’aux élaborations les plus récentes sur la topologie du nœud borroméen et ses incidences cliniques. N’est-ce pas là de nouvelles perspectives ouvertes à l’épistémologie et à son progrès ?

Bien des chauffards qui roulent à tombeau ouvert sont des éjaculateurs précoces. Métaphore pour signifier que les penseurs pressés sont finalement voués au ratage. A moins qu’il ne faille promouvoir le fait de tirer à côté comme la forme de jouissance la plus accessible.

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L'approche éducative dans l'autisme

Publié le 15 Mars 2012 par Jean Mirguet dans Autisme

Dans son édition du 15 mars, Le Monde publie une mise en garde doublée d’une mise au point  de Laurent Mottron contre la méthode ABA.

Le Dr Mottron est psychiatre et chercheur en neurosciences cognitives résidant au Québec, directeur scientifique du Centre d'excellence en troubles envahissants du développement de l'Université de Montréal (Cetedum). Les recherches de son équipe, qui a publié plusieurs dizaines d'articles dans les meilleures revues scientifiques, permettent d'affirmer que les autistes pensent, retiennent, s'émeuvent, et surtout perçoivent différemment des non-autistes. Ce groupe défend l'idée que la science, en considérant l'autisme comme une maladie à guérir, passe à côté de sa contribution intellectuelle et sociale.

 

Je rappelle que Jean-Claude Maleval, psychanalyste, considère pour sa part que, parmi les méthodes d'apprentissage, la méthode TEACCH est à mettre à part, car elle s'appuie sur une connaissance du fonctionnement cognitif de l'autisme souvent intéressante. Cependant elle ne prend pas en compte l'angoisse. Il souligne que toutes les méthodes qui privilégient le un par un, et donc une implication forte du soignant, obtiennent des résultats (améliorations du comportement) parce que les autistes se dynamisent en se branchant sur un bord et affirment eux-mêmes être en attente d'une stimulation externe.

JC Maleval partage l'approche de  L. Mottron qui donne à l'autisme un statut de "variant" humain plutôt que de trouble, traduction du terme anglais consacré autistic disorder. Appréhendé sous cet angle, l’autisme serait une structure subjective spécifique n’évoluant pas vers la psychose sauf dans de rares passages (qui ne seraient qu’apparents) vers la schizophrénie quand les défenses ont été trop dérangées. JC Maleval ajoute qu’il n’y a dans l’autisme ni hallucinations verbales authentiques ni délire et que les écrits des sujets autistes sont nettement différenciables de ceux des psychotiques.

 

À propos des recommandations récemment publiées par la Haute Autorité de Santé (HAS) en matière de prise en charge de l'autisme, notamment celles qui concernent l'approche comportementaliste ABA (Applied Behavioral Analysis ou Analyse appliquée du comportement), le docteur Mottron a adressé la réaction suivante au Monde :

Le rapport argumentaire de la HAS et ses recommandations sont dans leur quasi totalité un travail remarquable. Je soutiens sans réserve l'approche éducative, –  tous les autistes doivent aller à l'école régulière par défaut, avec accompagnent si nécessaire – comme je soutiens les thérapies cognitivo-comportementales pour les autistes verbaux. Ces dernières n'ont rien à voir avec les interventions comportementales précoces ou ABA, qui s'adressent aux enfants d'âge préscolaire, et que je désapprouve – mais les Français mélangent tout dans le domaine, ils n'y connaissent rien faute d'y avoir été exposé à cause de la psychanalyse, et ne font aucune nuance entre des techniques qui n'ont à peu près rien à voir entre elles.

Quand je vois "techniques éducatives et comportementales", dans la même phrase, je mesure à quel point en France actuellement on pense que les ennemis de mes ennemis sont forcément mes amis. J'ai même ma photo chez les lacaniens, avec cette logique! Alors que pour moi la psychanalyse n'a rien à dire ni à faire avec l'autisme. La psychanalyse est une croyance, une pratique qui doit rester limitée à un rapport entre adultes consentants. On doit la sortir du soin, des enfants en particulier (et pas seulement de l'autisme). Je suis parti au Canada pour fuir cela il y a vingt ans.

La seule chose que je critique dans le rapport de la HAS, comme scientifique et clinicien de l'autisme  et j'ai le droit de le faire, parce que cette technique a été rendue obligatoire au Québec en 2003, avec pour effet de monopoliser tous les budgets, avec des résultats non démontrés, et la conséquence de laisser les adultes autistes sans ressource, c'est la place qu'il fait à l'ABA. Le rapport évalue mal les données sur lesquelles il se base pour lui donner la cote B. Les résultats de l'ABA sont gonflés, cette technique pose de gros problèmes éthiques, elle se fonde sur une science périmée. L'HAS a pris sur ce point une position plus généreuse que le rapport Warren (2011) de l'académie de pédiatrie américaine, qui lui donne une cote moins bonne de C, selon une échelle comparable. Mais qu'on ne me fasse pas dire que je soutiens la psychanalyse parce que je critique l'ABA. 

 

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La psychanalyse aujourd'hui (VIII) : psychanalystes, encore un effort...

Publié le 9 Mars 2012 par Jean Mirguet dans Psychanalyse et psychanalystes

Dans l’avis qu’elle vient de rendre, la Haute Autorité de Santé qualifie la psychanalyse de "non pertinente" dans le traitement de l’autisme, la classant, non pas dans les approches «non recommandées » comme le souhaitaient certaines associations de parents, mais dans les pratiques « non-consensuelles ». 

La  polémique au sujet de l’autisme n’est donc pas près de s’éteindre et l’inquiétude qu’elle engendre risque de s’amplifier, comme en atteste le récent article de Laurent Le Vaguerèse, responsable duAutisme-copie-1 site Œdipe, et intitulé : « L’autisme paradigme de la complexité ».

Dans la querelle entre psychanalystes et comportementalistes, nombre d’arguments et de témoignages sont présentés sous une forme tellement simplifiée et caricaturale qu’on peut à juste titre douter de leur capacité à faire avancer la réflexion dans la question de l’autisme.

En opposant, par exemple, comme on peut le lire dans Lacan Quotidien, « tyrannie de l’éducation » et « respect de la particularité de chacun », fait-on progresser en quoi que ce soit la controverse ?  En interprétant l’opposition de certains parents d’enfants autistes au traitement psychanalytique comme une projection de leur culpabilité sur les psychanalystes, fait-on avancer, avec ce type d’argument psychologisant, la compréhension de ce qui se passe dans l’autisme ?

Peut-on affirmer sans rire que psychanalyse et autisme participent du même combat puisque « la psychanalyse étant du côté du non-conformisme, elle dérange comme l’autisme dérange ». Psychanalystes et autistes auraient ainsi une communauté de destin, celui de contrarier l’ordre dominant auquel il faut résister.

Accusée de n’être « ni indépendante ni scientifique mais lobbyiste et statisticienne », la Haute Autorité de Santé est devenue à son tour le point de mire des attaques de certains de nos collègues qui la jugent complice d’une nouvelle tentative d’assassinat de la psychanalyse, sommée qu’elle serait de bannir la psychanalyse de la liste des « bonnes pratiques » relatives à l’autisme.

Dans la même veine, des procureurs accusent les adeptes des traitements comportementalistes de vouloir la mort de l'inconscient en général et de la singularité des sujets en particulier ; ils n’hésitent pas à évoquer une OPA instrumentalisant gouvernants et public par le truchement d'associations liberticides, infiltrant les instances supposées orienter le bien fondé des pratiques médicales.

SVP, n’en jetez plus ! Il est douteux que les slogans et les invectives permettent aux autistes, à leurs familles et aux praticiens de s’y retrouver.

 

Laurent Le Vaguerèse a raison de s’inquiéter de ce populisme à la sauce psy, parfaitement indigeste, et qu’il convient de dénoncer.

Comme lui, je considère que la psychanalyse se fourvoie et ruine son bien-fondé quand elle veut donner sa vision du monde, ce qui suppose un programme, un projet pour l’humanité, un idéal. Ces visées, si elles sont celles de la philosophie ou de  la religion, ne sont pas celles de la psychanalyse. Psychanalystes, encore un effort...

Tout en ayant sa place dans la vie de la Cité et en questionnant la complexité du monde façonné par les discours qui l’agitent, la psychanalyse n’a pas pour autant à s’instituer  comme seule solution à la complexité des embarras humains. L’autisme est un élément étrange de cette complexité, il en est même peut-être une réponse que nous tentons de  traiter selon différentes modalités, psychiques, pédagogiques, éducatives ou biologiques.

La psychanalyse d’aujourd’hui n’a pas à se prendre pour la réponse la plus légitime ou la mieux fondée, elle n’a pas à faire la vertueuse ou à se prendre pour une ONG humanitaire, en vue de préserver son pré carré.  Elle a, simplement et humblement, à rappeler ce qu’est son éthique.

 

Je m’associe à Laurent Le Vaguerèse quand il écrit que tous les psychanalystes, praticiens ou non de l’autisme, sont concernés par le débat actuel et par les réponses que donnent les associations de psychanalyse et ceux qui défendent la psychanalyse.

Si ces réponses ne s’avèrent pas à la hauteur de l’enjeu - et certaines d’entre elles ne sont pas, à l’évidence, à la hauteur - alors nous pouvons  nous interroger, non sans appréhension, sur ce que va devenir, dans cette affaire, la psychanalyse.

 

Reste que ce débat a  le mérite de faire éclater le scandale de l’abandon en France des deux tiers des enfants atteints d’autisme. En présentant les recommandations de la Haute Autorité de Santé, le professeur Philippe Evrard, neuropédiatre, du Comité de pilotage de ces recommandations a fait ce terrible constat : "Un tiers seulement des personnes autistes et leurs familles reçoivent l’aide personnalisée qui leur est nécessaire. Tout le reste est du bla-bla… La solidarité nationale française est gravement déficiente (à l’égard des autistes)".

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Psychanalystes, ne soyons pas sectaires ! par Marie-Noëlle Clément

Publié le 6 Mars 2012 par Marie-Noëlle Clément dans Psychanalyse et psychanalystes

Marie-Noëlle Clément est psychiatre, directeur de l'hôpital de jour pour enfants du Cerep à Paris.
Article publié dans l'édition du Monde du 7 mars 2012, veille du jour où la Haute Autorité de Santé doit rendre ses recommandations dans le traitement de l'autisme.

 

En France aujourd'hui, la plupart des enfants autistes sont pris en charge dans des institutions du secteur sanitaire et médico-social. Ces structures sont nées après 1950 au croisement de deux mouvements : l'éducation nouvelle, qui considérait l'apprentissage comme un facteur de progrès global de la personne, et la psychothérapie institutionnelle. A l'origine, la psychanalyse n'était donc pas au coeur du projet de ces institutions, et beaucoup ont d'ailleurs été fondées par des psychopédagogues.

Quelle est la prise en charge d'un enfant autiste aujourd'hui dans un hôpital de jour ? Il s'agit toujours d'une approche pluridisciplinaire, adossée au trépied thérapeutique, éducatif, pédagogique. A quel niveau la psychanalyse intervient-elle ? Elle est le socle commun sur lequel les professionnels s'appuient dans le travail d'élaboration qu'ils mènent ensemble autour des enfants.

Cet outil de réflexion est compatible avec la question de l'organicité des troubles, avec la structuration des prises en charge et avec leur évaluation. Il ne s'agit pas en effet de "laisser les enfants exprimer leurs symptômes", comme on le caricature trop souvent, mais de leur proposer des activités structurées avec des médias adaptés à chacun, et d'intégrer de nouveaux outils de symbolisation tels que les supports imagés.

Malheureusement, les choses ont pris une tournure radicale il y a peu à la suite de la diffusion du documentaire de Sophie Robert Le Mur. Qu'y voit-on ? Des psychanalystes choisis pour répondre précisément à l'image d'Epinal véhiculée dans le grand public : propos abscons, interprétations caricaturales, description de séances où le psychanalyste attend que l'enfant autiste exprime un désir... Après la plainte de plusieurs praticiens interviewés, leurs interventions ont été retirées du film (décision rendue par le tribunal de grande instance de Lille le 26 janvier).

Les coupes effectuées au montage et dénaturant leurs dires sont en effet inadmissibles, mais indépendamment d'elles, et en tant que médecin directeur d'une institution à orientation psychanalytique accueillant des enfants autistes, je ne peux pas cautionner la plupart des propos tenus dans ce film. De plus, en demandant l'interdiction du Mur ou en s'en réjouissant, les psychanalystes perdent de vue ce qui fait l'essence même de leur approche. Dans le travail analytique, l'analyste se questionne toujours sur la part qu'il prend dans les réactions de son patient.

Or à quoi assiste-t-on ? A une attitude corporatiste dans laquelle certains psychanalystes se disent persécutés, mais jamais ne s'interrogent sur ce que cette tempête médiatique questionne dans leurs pratiques. Le jugement est brandi comme un étendard et le film a perdu du même coup ce qui aurait pu constituer son seul intérêt : susciter parmi nous une remise en cause de la prise en charge des enfants autistes. Nous ne pouvons aujourd'hui ignorer l'apport des sciences cognitives et des neurosciences dans nos prises en charge, de même que nous nous devons de soumettre nos pratiques aux exigences de l'évaluation.

Nos institutions doivent poursuivre leurs évolutions pour rester fidèles au caractère innovant qui a présidé à leur création. Et il ne suffit pas que beaucoup d'entre nous mènent ce combat quotidien dans leurs institutions, encore faut-il pouvoir assumer et défendre la nécessité d'une approche intégrative dans un milieu où l'adversité entre psychanalyse et cognitivisme est vive. Depuis Le Livre noir de la psychanalyse (éd. Les Arènes, 2005), les psychanalystes se sentent ouvertement attaqués par les tenants des techniques cognitives et comportementales ; ce serait un peu vite oublier que la situation est en miroir de celle qui prévalait dans les années 1970, époque où la psychanalyse était hégémonique et ne se privait pas de discours humiliants à l'encontre des collègues cognitivistes.

L'idée convenue selon laquelle ceux-ci traitaient les êtres humains comme des rats de laboratoire a d'ailleurs encore de beaux restes aujourd'hui, lorsque certains psychanalystes prétendent avoir l'apanage d'une approche "humaine" ou "humaniste" de l'autisme. Sans aller jusque-là, beaucoup parmi nous considèrent qu'il existerait une différence ontologique entre ces deux types d'approches qui les rendrait inconciliables. Dans une dizaine d'établissements français du secteur sanitaire et médico-social, nous nous apprêtons pourtant à implanter des classes expérimentales destinées aux enfants autistes, reposant sur une approche pédagogique structurée à visée subjectivante.

Dans ce projet mené en partenariat avec l'association de prévention de l'autisme PreAut, nous refusons donc un choix exclusif entre approche psychodynamique et programmes de stimulation cognitive, mais souhaitons justement évaluer, grâce à un protocole de recherche, dans quelle mesure les deux approches peuvent se soutenir l'une l'autre.

Le problème n'est pas aujourd'hui que la psychanalyse soit attaquée. Il résiderait plutôt dans la réaction offusquée de beaucoup d'entre nous, qui serait banale dans tout autre corps professionnel, mais qui va à l'encontre de l'essence même de notre discipline. Que sommes-nous devenus si nous sommes incapables de nous remettre en question et d'envisager la part que nous avons jouée dans le déchaînement actuel autour de l'autisme ?

Et comment pouvons-nous, en tant que psychanalystes, en appeler à faire taire la mémoire ? Dire que la culpabilisation des mères d'enfants autistes appartient au passé et qu'il faut considérer le présent, c'est convoquer une amnésie consensuelle qui nie la portée de l'histoire dans toute aventure humaine, alors même que c'est précisément ce à quoi s'attache la psychanalyse - permettre à chacun de se situer dans une histoire personnelle, familiale et collective.

Et c'est faire comme si la psychanalyse avait déjà évolué, et que les critiques portées contre elle seraient injustes ou concerneraient un passé révolu. Hélas, bien que sur le terrain des efforts soient menés pour concilier les pratiques, les écoles psychanalytiques instituées refusent bien souvent de reconnaître que d'autres disciplines pourraient tenir la clé de difficultés qu'elles peinent à résoudre.

Changeons d'abord nos pratiques pour intégrer les données de l'expérience, et nous ferons évoluer la théorie ensuite. Après tout, Freud en son temps n'a pas fait autre chose. Et cessons de vouloir considérer les nouvelles pratiques disponibles, notamment dans le champ de l'autisme, à l'aune des théories psychanalytiques existantes, construites en référence à d'autres pratiques et à d'autres connaissances.

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