Je l’avoue volontiers : le coup de gueule de Franz-Olivier Giesbert, à propos de la contestation du projet de réforme des retraites, dans le dernier numéro du Point, est jubilatoire !
Les voilà tous ressortis de leur boîte, les croquemitaines du grand soir, les professionnels de la gréviculture, fulmine-t-il. Il cible les responsables syndicaux de la SNCF ou de la RATP discourant sur la pénibilité au travail alors que certains d’entre eux, bénéficiant de régimes spéciaux, comme les conducteurs de bus peuvent, pour compenser la pénibilité, faire valoir leur droit à la retraite à 52 ans s’ils ont 27 ans de service. A la SNCF, l’âge minimal de départ à la retraite est situé entre 55 et 57 ans pour les agents sédentaires, entre 50 et 52 ans pour les conducteurs de train.
Chacun défendant son pré carré, ils n’expriment que peu de compassion pour les agriculteurs ou pour tous ceux dont le métier transforme leur colonne vertébrale en marmelade.
De là à penser que, dans notre pays, la parole sociale est confisquée, avec la complicité de nombreux médias, de la CGT, de Sud Rail, de LFI et de tous ceux qui leur emboîtent le pas, il n’y a pas loin.
Je fais partie de ceux qui considèrent que la réforme du système de retraite est une nécessité et que différer sa mise en application est un mauvais calcul. Cette réforme, décrite par ses opposants comme un sommet de brutalité, est un minimum et s‘y atteler sans tarder est un impératif si l’on considère l’état de nos finances publiques. C’est parce que l’Italie, argumente F.O Giesbert, était dans une situation financière pire que la nôtre aujourd’hui que le gouvernement Monti procéda à la réforme radicale de 2011, en portant l’âge de la retraite à 67 ans.
Comment financer une baisse de la durée du travail alors que les projections démographiques font état d’un déséquilibre structurel du système que l’État aura de plus en plus en peine à compenser ? Mystère … puisque pour les opposants, ce n’est pas parce qu’on vit plus longtemps qu’on devrait travailler plus longtemps. Pourtant, l’évolution de la démographie prouve la nécessité d’une réforme compte-tenu du déséquilibre implacable de la pyramide des âges : c’est ainsi que pour l’Insee, la fécondité a été revue à la baisse à 1,8 enfants par femme contre 1,95 dans les précédentes projections. L’Insee a également revu à la baisse l’augmentation de l’espérance de vie, et ajusté son estimation de l’impact du solde migratoire.
Au terme de cette nouvelle analyse, la population française augmenterait jusqu’en 2044 pour atteindre 69,3 millions avant de refluer à 68,1 millions en 2070. Soit à peine plus qu’aujourd’hui… mais avec une composition radicalement différente : 5 millions de plus de personnes âgées de plus de 70 ans, et 5 millions de moins pour les personnes de moins de 60 ans.
La nouvelle projection aboutit ainsi à une révision importante de la population active à l’horizon 2070. Elle devrait être inférieure de 750.000 à ce qu’elle est aujourd’hui tandis que la précédente projection la voyait progresser de 2 millions (source le Gerep).
Comme le démontre l’analyse des Gracques, le think tank social-libéral, paru dans le dernier numéro du Point, notre système de retraite fait aujourd’hui reposer la charge des ajustements à venir sur les prochaines générations.
Ce que les jeunes qui défilent contre la réforme n’ont pas compris, c’est que plus le système est déséquilibré, plus ils seront mis à contribution en tant qu’actifs – et ensuite pénalisés en tant que retraités.
Sans réforme générant des recettes, c’est la dette qui financera le niveau de vie élevé des retraités actuels, alors que s’organise déjà le décrochage de la retraire future des cotisants d’aujourd’hui.
Sans réforme, les jeunes générations seront donc doublement perdantes : parce qu’elles auront à payer la dette à venir en tant qu’actifs et contribuables ; et parce que leurs retraites, quand elles cesseront de travailler, auront décroché.
Il y a donc un réel incontournable contre lequel le déni des opposants, vent debout contre la réforme, ne peut venir que se briser.
Mais, on ne le sait que trop, la France reste une exception européenne, un village gaulois pas concerné par les lois de la démographie. L’ignorance fait notre tranquillité, le mensonge notre félicité, écrivait autrefois Anatole France.
N’est-il pas temps de mettre un terme aux affrontements stériles, à la démagogie et à l’immobilisme ?