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QUE PUIS-JE SAVOIR ?

Tenter de percevoir les mouvements profonds qui décident de la marche de l’histoire.

Coup de gueule

Publié le 30 Mars 2023 par Jean Mirguet dans Politique

Avertissement aux lecteurs pressés  et dont l’attention faiblit après la lecture d’une dizaine de lignes : ce texte est inhabituellement long, il leur faudra donc faire un petit effort s’ils veulent bien se donner la peine d’en lire l’intégralité !

 

Aujourd’hui, ce propos fait suite à mon précédent article relatif à la maltraitance dont le langage est quotidiennement la victime dans l’univers politico-médiatique.

La relation, par une grande partie des médias, des violences récentes, consécutives aux manifestations d’opposition aux projets de réforme des retraites et à la construction des bassines fait l’objet, pour le moins, d’une grande désinvolture de la part de maints journalistes. Le niveau d’informations véhiculées est consternant d’inexactitudes quand il n’est pas purement et simplement délirant !

A propos de Sainte-Soline où, samedi dernier, l’action des services de secours auraient été entravés par les forces de l’ordre (alerte de la Ligue des Droits de l’Homme que Le Monde s’est précipité de relayer), on découvre grâce à l’éditorial de Patrick Cohen dans C à vous (https://www.youtube.com/watch?v=LrhlBTbdZ74) et à un article du Point (ci-après), que la réalité de l’événement est beaucoup moins claire que les commentaires journalistiques tentent de nous le faire croire. Je pense, en particulier, à l’article du Mondeprenant le relai de la Ligue des Droits de l’Homme, sans prise de distance, sans vérification et faisant preuve, pour le moins, d’une grande légèreté !

A cela, j’ajouterai ma stupéfaction à entendre des commentateurs, experts autoproclamés de l’agriculture, de l’agronomie, de la gestion des eaux, dérouler leurs discours théoriques et idéologiques, dénoncer les méfaits de l’agriculture productiviste (qui existent, c’est vrai et qu’il faut combattre) alors que, manifestement, leur connaissance du monde agricole est dérisoire. Dans le cas de la gestion de l’eau, on sera plus inspiré de consulter, par exemple, le site coordinationrurale.fr, un syndicat agricole qui, régulièrement,  tire la sonnette d'alarme sur l’état de l’agriculture et la mise en danger de la souveraineté alimentaire de la France.

Quant à la question des retraites, je suis consterné par le lot d’inepties, d’inexactitudes, d’arguments de mauvaise foi, de raccourcis proférés ici et là. Certes, nos dirigeants n’ont pas fait montre d’une grande habilité dans la présentation du projet mais présenter celui-ci comme un cauchemar absolu est stupéfiant !

Enfin, il y a l'irresponsabilité totale dans laquelle une partie de la gauche politique se vautre quand elle encourage les groupes violents alors que ceux-ci devraient être isolés et combattus.

En démocratie, aucune colère ne peut justifier quelque exaction que ce soit sur les personnes ou sur les biens privés ou publics. Absolument aucune. Dans la constitution et le droit, il y a le droit de manifester et celui de faire grève. Mais il n’est inscrit nulle part que le droit de s'en prendre aux personnes et aux biens est légitime.

N’ayant rien à voir ni avec la question de l’eau ni avec celle des retraites, les partisans de la culture de la haine et de la conflictualité dénaturent, à l’évidence, les combats écologiques et sociaux.

Mais, force est de constater que ces activistes étant encouragés par une partie de la gauche politique, elle conduit celle-ci et ses soutiens (qui ne sont en mesure de proposer aucune alternative ou alternance) à se métamorphoser en marchepied pour l’extrême-droite. Nul n’a besoin de grandes démonstrations pour deviner les dangers d’un tel scénario.

 

 

Sainte-Soline : l’enregistrement de la LDH qui ne prouve rien

Le Point 29/03/2023

Par Clément Pétreault, Erwan Seznec et Géraldine Woessner

 

Un enregistrement rendu public par la LDH affirme qu’il aurait été interdit au Samu d’intervenir auprès du manifestant aujourd’hui dans le coma. La réalité semble beaucoup moins claire.

 

Un manifestant âgé de 32 ans se trouverait toujours entre la vie et la mort au CHU de Niort. Selon la LDH (Ligue des droits de l'homme, cosignataire de l'appel à manifester), qui a produit un enregistrement, les secours auraient reçu l'ordre de ne pas intervenir alors que son état était préoccupant (pouls а 160, tension artérielle systolique а 85). La publication de cet enregistrement sème le trouble. L'appel des avocats et du médecin de la LDH au Samu a lieu а 14 h 50.

Il est important de le préciser : ces personnes ne sont pas sur place, mais à 16 kilomètres du lieu de la manifestation, àMelle, d'où elles centralisent les informations qui leur parviennent du « front ». C'est donc depuis cette salle de Melle que le médecin généraliste rappelle les pompiers, puis est mis en liaison avec un opérateur du Samu. « Le problème, c'est que vous n'êtes pas sur place. On a eu un médecin sur place et on lui a expliqué la situation : on n'enverra pas d'hélico ou de moyens Smur sur place parce qu'on a ordre de ne pas en envoyer par les forces de l'ordre », lui explique l'opérateur.

« Des observateurs sur place disent que c'est calme depuis trente minutes et qu'il est possible d'intervenir », répond le médecin. « Je suis d'accord avec vous, vous n'êtes pas le premier à nous le dire. Le problème, c'est que c'est àl'appréciation des forces de l'ordre et qu'on est sous leur commandement », explique le Samu. Les avocats insistent : « Vous confirmez que vous avez interdiction d'intervenir ? » « Nous n'avons pas l'autorisation d'envoyer des secours parce que c'est considéré comme dangereux sur place », précise l'opérateur du Samu. Les avocats insistent : « C'est de la non-assistance à personne en danger. […] Qui interdit l'accès à cette personne en danger, grave, vital ? […] Vous êtes empêchés de travailler… » « On monopolise la ligne d'urgence, là », élude l'opérateur, avant de raccrocher.

La préfète des Deux-Sèvres apportera un droit de réponse dans un long communiqué qui vient préciser ces propos. « Le principe fondamental d'intervention des secours dans un contexte hostile est de garantir au premier chef la sécurité des personnels des sapeurs-pompiers ou du Samu. Pour ce faire, il appartient aux forces de l'ordre, informées en temps réel de la situation, de définir si l'arrivée d'un véhicule de secours à un certain point est possible ou non de façon sûre pour lui. » « Nous n'intervenons pas en zone d'exclusion. Il n'y a pas de débat », confirme de son côté le Samu sur les réseaux sociaux, démentant fermement avoir été empêché dans ses fonctions.

Pas de dispositif partagé

L'organisation des secours aurait-elle pu être plus efficace ? Sans doute, si les organisateurs de la manifestation avaient accepté de se coordonner avec les services de secours… Mais ils ont refusé, révèle un rapport de la préfecture des Deux-Sèvres sur les manifestations du week-end, rendu public mardi soir. Les témoignages de terrain démontrent que, dès que les gendarmes ont été mis au courant de l'existence d'un blessé grave par les manifestants, ils se sont portés а son secours.

Si une heure peut-être critique a été perdue, c'est en amont de la manifestation qu'il faut en chercher la cause. « Les organisateurs ont refusé tout échange avec la préfecture, le Sdis et le Samu pour mettre en place un dispositif professionnel, partagé et fiable de prise en charge des blessés », écrit la préfète. Il n'a donc pas été possible de « préparer conjointement un dispositif prévisionnel de secours partagé avec les organisateurs, ni de convenir des modalités sécurisées d'évacuation des blessés, ni de définir des éléments de cartographie » pour les localiser plus rapidement.

« Inversion complète de la charge »

Dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, on précise : « La chronologie des faits est rappelée dans le rapport de la préfète. C'est au PC de sécurité de déterminer si, oui ou non, il était possible de se déplacer. La preuve que c'était violent : le médecin de la gendarmerie, qui est allé sur place porter les premiers secours à un homme en situation d'urgence absolue, s'est fait caillasser ! Cet enregistrement prouve juste que la situation là-bas était très complexe. Que n'aurait-on dit si on avait engagé des secours qui eux-mêmes auraient été attaqués ? »

Sous-entendre que l'Etat interdirait aux forces de secours d'accéder а des victimes, « c'est de la désinvolture journalistique, s'agace un haut fonctionnaire habitué des opérations de maintien de l'ordre. Le verbatim publié ne dit rien de ce qui se passe avant et ne permet pas d'apprécier la situation. » Ce dernier confirme qu'il est d'usage de ne pas envoyer les secours dans la zone d'exclusion tant que les affrontements sont en cours, car « faire intervenir du personnel avec des bombonnes d'oxygène sous une pluie d'engins incendiaires, c'est forcément très dangereux », mais il précise que, « si une alerte est donnée sur un blessé en urgence absolue, on réévalue évidemment la situation ».

Le spécialiste rappelle que les témoignages évoquent dans un premier temps « une victime consciente » et souligne le climat de confusion générale qui peut régner sur de telles opérations. Lors de la manifestation de Sainte-Soline, les services de l'Etat ont ainsi assisté а une multiplication de faux appels d'urgence, ainsi qu'а la communication d'informations contradictoires ou parcellaires, et au caillassage de secouristes. Quoi qu'il arrive, « il faudra éclaircir les conditions du tir, а supposer qu'il s'agisse effectivement d'un tir des forces de l'ordre. Le retex [NDLR, retour d'expérience] permettra de déterminer si ces conditions de tir étaient réglementaires. Il est possible qu'elles l'aient été, ce qui ne suffira sans doute pas à calmer les polémiques », analyse le praticien du maintien de l'ordre.

Témoignage direct

Notre journaliste présent sur place, Alix Vermande, raconte les faits qu'il a pu constater а partir de 14 h 55. « J'ai vu un attroupement d'environ 15 personnes, dont 3 observateurs de la LDH, autour d'un fourgon privé dans lequel était allongé un homme sous une couverture de survie. Un manifestant s'occupait du blessé, qui était conscient, et répétait “reste avec nous, reste avec nous”. On me parle alors dans l'entourage du blessé d'un “traumatisme crânien important”.

Une manifestante a déclaré : “Il fait des crises d'angoisse а cause des explosions, il faut qu'il parte.” Cela m'a laisséentendre qu'il était alors conscient. Peu avant 15 heures, un porte-parole de la Confédération paysanne, Benoît Jaunet, est parti à la rencontre des forces de l'ordre positionnées à environ 100 mètres du blessé, là où les heurts ont été les plus violents et s'étaient calmés depuis 14 h 20, en agitant son drapeau jaune de la Confédération et en levant les mains. Les forces de l'ordre ont échangé avec lui puis se sont rapprochées des manifestants autour du véhicule pour discuter de la prise en charge du blessé. J'ai une photo qui atteste de cette scène. Plusieurs hommes des forces de l'ordre sont alors retournés en direction de leur poste, moment choisi par le porte-parole de la Confédération paysanne pour les rattraper et discuter avec eux à mi-chemin entre le manifestant blessé et la position d'origine des gendarmes. C'est à ce moment-làque des black blocs ont lancé des projectiles sur le groupe à environ 50 mètres du blessé, composé des forces de l'ordre et du porte-parole de la Confédération paysanne. Une des manifestantes a alors crié “arrêtez ! Il est des nôtres ! ça devient n'importe quoi”. Quelques minutes plus tard, une ambulance est arrivée via la petite route où était positionné le véhicule. »

Nous avons tenté, sans succès, de contacter Benoît Jaunet, le porte-parole de la Confédération paysanne, dont le témoignage sera clé. Contactés également, le secrétaire général adjoint de la LDH, Lionel Brun-Valicon, ainsi qu'un des avocats envoyés à Melle, Me Pierre-Antoine Cazaux, se refusent а tout commentaire. Nous n'avons donc pas pu savoir pourquoi un appel aux services de secours était passé par des avocats, se préoccupant explicitement d'établir des responsabilités en cas d'éventuel décès.

 

 

 

 

 

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LE LANGAGE SERVITEUR DE LA DÉMOCRATIE

Publié le 24 Mars 2023 par Jean Mirguet dans Langage

Depuis que le débat public s’est emparé du projet de réforme des retraites, il a fait proliférer, par le canal des médias, divers termes qui, à force d’être répétés, employés à tout bout de champ sont devenus des mots fétichisés, des mots qui, à la façon des mantras, ces formules sacrées du brahmanisme, possèdent, associées à certains rites, une vertu magique.

La répétition, à longueur de journées, des mots retraite, 49.3,  démocratique et antidémocratique, violence, mépris (pour ne citer que ceux-là) leur donnent une puissance rhétorique qu’ils ne posséderaient pas dans un autre contexte.

Il n’est qu’à voir comment, dans certains débats télévisés, des participants d’extrême-gauche jubilent à l’évocation des violences de certains manifestants ou de la répression policière, comme si la redondance de ces mots utilisés pour évoquer ces situations faisait de ces mots des objets érotisés, pourvoyeurs d’excitation.

 

Cette répétition a pour effet de consolider la crédibilité perçue de l’information, d’où la tendance à renforcer, de façon irrationnelle, la croyance envers une information si celle-ci nous parvient de façon récurrente.

L’effet de répétition sur la croyance est un enjeu crucial à l’ère où l’information est de plus en plus accessible. Nombreux sont ceux qui prennent leur source d’information sur les réseaux sociaux et dans les médias en ligne ou les chaînes d’information continue où les contenus sont réitérés.

Dans cette mesure, il est facile de concevoir que des organisations politiques radicales et leurs militants puissent se servir de la répétition pour augmenter la crédibilité de fausses informations ou d’informations parcellaires.

Lorsque, ces derniers jours, sont diffusées en boucle  les images des exactions des casseurs lors des manifestations ou celles des scènes de matraquage policier, ces images dominent le flot des informations et ont pour effet de remiser au second plan l’immense cortège des manifestants défilant dans le calme. L’effet de répétition se répercute sur les comportements de manifestants radicalisés et amplifie les réactions violentes.

 

Cette intoxication des esprits par la redondance langagière doublée de celle des images s’est particulièrement manifestée par la dénonciation, répétée ad nauseam, du caractère antidémocratique de l’emploi des outils que la Constitution de la Vème République met à la disposition des gouvernants.

Il est certain qu’en abuser est sinon maladroit du moins contreproductif  mais parler d’atteinte à la démocratie en se drapant dans sa dignité ou parler de coup d’état ou parler de despotisme comme on n’a cessé de l’entendre, c’est s’employer à détériorer la langue au risque de menacer la démocratie. C’est le règne des idées toutes faites qu’Arendt appelait bêtise : l’automaticité de la parole, le prêt-à-penser, les éléments de langage.

 

Faut-il rappeler que le niveau de langage, la maîtrise du verbe, la rigueur de l’expression écrite et de la parole sont indissociables du niveau de la pensée exprimée ? Que la dégradation du langage reflète l’abaissement des esprits, en même temps qu’elle prépare la violence ? Faut-il encore et toujours rappeler Camus affirmant que mal nommer les choses ajoute au malheur du monde ? Ou encore Francis Ponge qui, dans son essai Pour un Malherbe, note que « la meilleure façon de servir la République est de redonner force et tenue au langage ».

 

Réaliser ce qu’on dénonce, qui échapperait à cela ? demandait, il y a quelques années, le psychanalyste Jean Allouch. Il ajoutait que plus vive, plus soutenue sera la dénonciation, plus implacable sera la réalisation.

Cette loi se vérifie d’une façon d’autant plus caricaturale que l’enjeu est plus important. En témoignent les brailleurs qui dans le Palais Bourbon font un bras d’honneur ou insultent leurs collègues, ou affirment que dans le face-à-face entre la rue et les institutions, la rue doit l’emporter.

Ce qui est antidémocratique, écrit Raphaël Enthoven dans Franc Tireur, c’est de vouloir priver des gens de leur bien quand ils sont riches, de dresser des listes d’élus à menacer, de croire comme un enfant gâté et capricieux qu’il faut bloquer tout un pays ou une économie tant qu’on n’obtiendra pas satisfaction, c’est de couper le courant dans les permanences des députés adversaires, etc…

Lorsque l’opinion est instrumentalisée par les réseaux sociaux, les médias d’information continue, toute forme de libre parole, ce que Michel Foucault appelle la parrêsia, se trouve décimée par la pente au grégarisme et le conformisme de la pensée. Pour que la vérité démocratique émerge, il ne suffit pas de respecter des règles comme le partage du temps de parole ou la transparence des débats : il faut aussi accepter le principe du « dire-vrai » qui bouscule les opinions majoritaires et les évidences confortables.

Le courage démocratique consiste à avoir une parole dérangeante : l’homme politique ne doit rien cacher à ses concitoyens de la gravité de la situation ou de la dureté des choix à venir. C’est même le propre d’un homme d’Etat que de prendre le risque de s’exposer à la colère de l’autre, comme le fit Périclès qui, au Ve siècle avant J.-C., pendant la guerre du Péloponnèse, adressa au peuple d’Athènes des vérités douloureuses en suscitant son indignation, sa rage et sa haine.

Un Président n’est pas le pantin de l’avis du plus grand nombre s’exprimant dans les sondages d’opinion ou du nombre de manifestants défilant dans la rue. La promulgation d’une loi qui déplaît à la majorité ne constitue pas un coup de force mais la conséquence du pouvoir obtenu dans les urnes par un Président et son gouvernement.

Si la démocratie consiste à construire des consensus, la rupture de ce consensus peut être également un marqueur de vérité. Ce n’est pas de l’antidémocratie, démontre Michel Foucault, c’est l’idée qu’une démocratie doit être critique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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