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QUE PUIS-JE SAVOIR ?

Tenter de percevoir les mouvements profonds qui décident de la marche de l’histoire.

La psychanalyse aujourd’hui (IX) : les psychanalystes font de la résistance

Publié le 11 Janvier 2014 par Jean Mirguet in Psychanalyse et psychanalystes

C’est dans les années 1990 que furent lancées les Freud Wars, un assaut mené contre Freud et la psychanalyse. Il a réussi, dans le monde anglo-saxon en particulier puis aujourd’hui en France, à faire vaciller le statut culturel de la psychanalyse, son éthique, ses implications philosophiques, etc…

Il y a 7ans, en 2007, le psychanalyste et chercheur au CNRS, Pierre-Henri Castel faisait paraître, aux PUF, A quoi résiste la psychanalyse ?, un ouvrage se voulant une réponse savante et pugnace aux critiques adressées à la psychanalyse. Il y souligne qu’un des traits désastreux des polémiques suscitées par les Freud Wars a consisté à vouloir défendre Freud et la psychanalyse comme si la doctrine constituait un corpus épistémologiquement stable, une sorte de psychologie dogmatique de l’inconscient attaquée par des ennemis sans foi ni loi. En témoigne encore aujourd’hui le vocabulaire guerrier et quelque peu désuet de certaines publications psychanalytiques qui stigmatisent, je cite, « les neuroscientifiques exaltés, les comportementalistes obstinés, les évaluateurs assermentés » (sic !), et vantent, a contrario, la position de précurseur du discours analytique.

Face à ces nouveaux croisés, P-H Castel a raison d’écrire que les réponses calamiteuses de la sphère psychanalytique aux piques des anti ne fait qu’illustrer la résistance des dits psychanalystes à la psychanalyse elle-même. En donnant de l’épaisseur à un Autre dont, pourtant, Lacan n’a cessé de faire dégonfler la consistance, ils étalent leur fuite quelque peu désespérée et pathétique dans des généralisations politico-psychologiques.

Là où les créateurs Freud et Lacan ne reculaient pas devant la confrontation aux obstacles, les héritiers ou du moins certains d’entre eux ont, le plus souvent pour des motifs institutionnels ou parce qu’engagés dans une course à la reconnaissance, construisent un discours normatif et développent une pensée à l’orthodoxie surannée, se voulant hors de portée de toute remise en question. Cette psychologie psychanalytique faite de généralités et de slogans ayant valeur d’explications causales en forme de lois (Le sujet ! Le sujet ! Le un par un) a tendance à fonctionner en circuit fermé dans ce que P-H Castel appelle des niches socioculturelles protégées.

S’y développe un discours militant en forme de profession de foi. On peut lire, par exemple, cette grandiloquente et pathétique déclaration : il est temps de faire savoir au public que les psychanalystes et les praticiens de l’enfance qui s’orientent de la psychanalyse oeuvrent, sans idéaux préétablis, avec les enfants du XXIe siècle à se mettre au niveau des questions qui se posent à eux : la montée au zénith de l’objet a, qui envahit le monde commun sous la forme des divers objets gadgets proliférant et connectant et dont l’enfant vient occuper lui-même la place comme objet diversement négocié ; la dispersion de la fonction du père en dehors des schèmes fixés par le droit et la religion, dans une pluralité d’identifications ouvrant à des risques nouveaux et des chances nouvelles. Fermez le ban !

Est-ce avec un tel plan de bataille contre les ravages du scientisme déshumanisant des TCC et la crise de civilisation s’attaquant au sujet que les psychanalystes vont pouvoir réfuter en raison les arguties belliqueuses et l’hostilité dont ils sont la cible ?

Les arguments que s’envoient à la figure partisans et adversaires de la psychanalyse, selon qu’ils sont gouvernés par la fascination pour la science (neuropsychologues cognitivistes, psychiatres biologistes, thérapeutes cognitivo-comportementalistes) ou qu’à l’opposé ils revendiquent une exception pour la subjectivité, menacée de destruction, ne font que renforcer les querelles fondées sur des conceptions antagonistes de l’homme.

Ce combat idéologique enferme le postfreudisme lacanien dans une nostalgie commémorative. Il le fige, comme l’écrit P.-H. Castel, en acquis socioculturel à des fins de subversion sociologique, la résistance qu’il encourage consistant pour l’essentiel à éviter d’engager la psychanalyse dans un travail de justification permanente de sa pertinence.

Est-ce faute de moins réussir à s’imposer dans le champ du savoir que des psychanalystes et leurs associations se répandent en injonctions moralisatrices ou en appels à résister aux ennemis de la subjectivité ?

Cette croisade contre la déshumanisation, qu’ils imaginent subversive, n’a-t-elle pas pour effet, au contraire, de transformer la psychanalyse en un nouvel humanisme, de style libertaire, en phase avec l’individualisme libéral contemporain, promoteur du règne de l’individu narcissique, qui se croit libéré des idéaux le contraignant à devenir lui-même ?

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M
Décidément la crispation identitaire des psychanalystes ne les rend pas différents du vulgum pecus.<br /> En n'échappant pas aux mécanismes de défense ordinaires qu'ils sont réputés avoir dépassé pour<br /> leur propre compte, ils témoignent par là d'un intraitable de la condition humaine. Désespérant !<br /> Laissons le dernier mot à Dante :<br /> &quot;Lasciate ogne speranza, voi ch'intrate...&quot;
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