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QUE PUIS-JE SAVOIR ?

Tenter de percevoir les mouvements profonds qui décident de la marche de l’histoire.

villes

Je vous écris de Los Angeles...

Publié le 1 Janvier 2012 par Jean Mirguet dans Villes

Charles BukowskiNick Belane, le "privé" de Bukowski dont la mission consiste à retrouver Céline supposé toujours vivant à Los Angeles (Pulp, 1994), s'interroge : est-ce le bon Céline ou un imposteur ? Il avoue douter lui-même, parfois, de son identité et se dire qu'il pourrait être n'importe qui car, après tout, quelle importance ? Hein, qu'est-ce qu'un nom ? demande-t-il.

Ceux qui, en France et ailleurs, s'affolent à l'idée de voir leur nom effacé pourraient utilement relire  le sulfureux Bukowski, leur orgueilleuse témérité dût-elle en souffrir. Ils liraient, par exemple, dans All is well que "le génie moi je verrais plutôt ça comme être capable de dire quelque chose de profond de façon simple, ou encore mieux, quelque chose de simple de façon encore plus simple encore" ou cet autre pied de nez au Genius, cet écrivain qui "parfois oublie qui il est. Des fois il se prend pour le Pape / D'autres fois pour un lapin qu'on cannarde et qui se cache sous le lit (...) mais c'est  en Pape qu'il est le mieux / Et son latin est très bon. Ses oeuvres d'art ne sont pas si exceptionnelles que ça / Mais lui permettent de durer.../Il épuise tout le monde, sauf lui" (cité par P. Garnier dans L'oreille d'un sourd, Grasset 2011).

Ici, à éleille, comme l'articulent les Angelenos, avec cet inimitable et savoureux accent qui vous donne l'impression qu'en prononçant ces deux lettres mythiques, ils font rouler leur langue dans leur bouche comme s'ils dégustaient un cabernet sauvignon de la Nappa Valley...ici, à LA donc, les noms des célébrités du cinéma, de la musique, de la peinture, de l'architecture s'inscrivent en toutes lettres à chaque coin de rue.

Pourquoi cette sorte de lutte contre le risque de l'oubli du nom ? Celui-ci est-il si fragile qu'il faille le graver en lettres d'or sur le sol, l'inscrire sur les murs ou l'exposer sur les flancs du mont Hollywood ?...le sign qu'on recherche sitôt arrivé ici ; on ne l'a vu qu'au cinéma mais le voir en vrai, là devant soi, quelle expérience ! On n'y croit pas et on se pince pour vérifier qu'elles sont bien réelles ces 9 lettres qui font signe de cette chose étrange, informe, cet alien qui fut et reste toujours, pour le meilleur et pour le pire, une sorte de laboratoire pour l'Amérique du futur.

Comment estimer, jauger, évaluer cette ville ? Comment en prendre la mesure à partir de nos critères européens ? Tâche impossible tant l'identité de ce qui fût la Cité des Anges des Mexicains est le résultat du mixage des cultures de tous ceux, Américains ou migrants de toutes les régions du monde, venus conquérir le far West. Ils rêvaient - et rêvent toujours - de s'y créer une nouvelle vie, inédite, sans précédent, inouie. Promesses sublimes et prodigieuses côtoyant de terribles et désespérants désenchantements.

Difficile de dire si LA a de la valeur mais, incontestablement, elle a du style. Charles Bukowski l'antiprétentieux, encore et toujours lui, qui a passé sa vie à se mesurer à Hemingway et qui, certaines nuits, tapait tellement fort sur les touches de sa machine à écrire qu'il en trouait le papier, assurait qu'il est préférable de faire un truc sans valeur avec style, qu'un truc valable sans style.

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Architecture à vendre à Los Angeles

Publié le 2 Décembre 2011 par Coralie Grandeau & Olivier Mirguet dans Villes

Los Angeles est une ville où de nombreux joyaux architecturaux ont été construits, notamment des maisons particulières signées des grands noms de l’architecture américaine du XXe siècle : Richard Neutra, Franck Lloyd Wright, Rudolph Schindler ou John Lautner. Des maisons fabuleuses qui ne trouvent plus preneurs aujourd’hui, restent parfois des années dans les listings des agences immobilières et sont proposées à la moitié de leur valeur.

Voir le reportage de Coralie Garandeau et Olivier Mirguet sur http://www.arte.tv/fr/recherche/3652794.html

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Los Angeles I love you so much, you oxymoronic town

Publié le 8 Novembre 2011 par Jean Mirguet dans Villes

Los Angeles, la seconde des plus grandes villes américaines après New-York.

Avec ses 12 millions d’habitants, la mégapole s’étend sans fin sur des centaines de km2. Il y a une Downtown, sorte d’îlot (Bunker Hill) de gratte-ciels (centre d’affaires où sont installés les banques, les sièges sociaux de grandes entreprises, des hôtels de luxe) au milieu d’une immense mer de petits bungalows colorés, de maisons basses enduites de stuc, de villas dans le style ranch. Mais aucun centre ville comme ceux que nous connaissons en Europe où l'héritage de la tradition de l'espace public n'a pas été abandonnée. Contrairement aux villes de la côte Est, elle a été construite par des promoteurs et des sociétés privées. Aussi,  incarne-t-elle l'exemple de la ville libérale, construite autour de l'idéal de la maison individuelle (plus de 90% de la population habite dans des bâtiments de moins de deux étages).

Le plan orthogonal de cette mosaïque urbaine est quadrillé par un tentaculaire réseau routier d’où se fait entendre le ronronnement du mouvement – comme l’écrit Jean Rolin dans son récent Ravissement de Britney Spears (éd. P.O.L.) – « incessant, énorme, prodigieux » de la circulation de millions de voitures, à quoi s’ajoutent, la nuit, les sirènes de la police et le ballet des hélicoptères dont les puissants projecteurs zèbrent la nuit noire.

Dans City of Quartz, Mike Davis fait de la Cité des Anges une sorte de prisme grossissant au travers duquel, sont saisissables les tendances lourdes des villes américaines et, plus largement, de la société américaine tout entière : privatisation galopante des espaces publics, économie de la drogue, développement des dispositifs de sécurité et de surveillance alliant entreprises privées et police publique.

Mais LA n’est pas qu’une ville. Elle est aussi une marchandise, un objet  de consommation dont on fait la publicité et qu’on vend au peuple américain. Autant dire que LA est objet de jouissance, au pouvoir autant attractif que répulsif. D’ailleurs, Orson Welles la disait « ville de lumière et de péché », symbolisant, comme le notait Bertold Brecht, l’enfer et le paradis.

Même si le touriste, de passage en Californie, préfère séjourner plus au Nord, à San Francisco, il n’en demeure pas moins, comme Baudrillard, très excité par cette ville : « Rien n’égale le survol de LA la nuit, raconte-t-il. Seul l’enfer de Jérôme Bosch donne cette impression de brasier ». Et c'est John Chase qui, en 1997, écrivait  que "on ne peut se défaire de ce sentiment à la Blue Velvet que même dans le quartier le plus incroyablement paisible de Los Angeles, l'ordre sous-jacent pourrait soudain basculer dans l'horreur ou se révéler moins immuable que prévu".

On attend le Big One, on s’y prépare. Le bûcher ravageur est toujours prêt à s’embraser, comme en 2009, lorsque les flammes menaçaient 10000 habitations au pied des montagnes toutes proches.Incendie

Pas étonnant alors que cette ville de « nulle part », comme la surnomme Alison Lurie, ait inspiré plus d’un écrivain, autant pour l’aduler que pour l’exécrer et que le cinéma y ait créé son empire.

Cet alliage des opposés, ce mélange d’atmosphère paradisiaque et de bouillonnement dantesque fascinent et collent à la peau de ceux qui décident de s’y enraciner pour y construire leur œuvre, comme James Ellroy, Charles Bukowski ou pour lui déclarer leur amour comme John Fante dans Demande à la poussière : « Los Angeles, give me some of you ! Los Angeles, come to me the way I come to you, my feet over your streets, you pretty town, I loved you so much, you sad flower in the sand, you pretty town. ».

 

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