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QUE PUIS-JE SAVOIR ?

Tenter de percevoir les mouvements profonds qui décident de la marche de l’histoire.

Delphine Horvilleur ou les mots au-delà des mots.

Publié le 4 Mars 2021 par Michel Brun in Philosophie

Delphine Horvilleur, la troisième femme rabbin de l’hexagone, nous a parlé le 3 mars sur France Culture du rapport à la mort. Mais n’était-ce pas en réalité un prétexte pour célébrer le vivant ? Ce qu’elle a fait de manière éblouissante. Et cela m’a donné l’envie d’extraire quelques perles de son discours.

Par exemple, la laïcité ne consiste pas à opposer deux mondes : celui de  ceux qui sont croyants à celui de ceux qui ne le sont pas, mais à faire de la place à l’autre. Pour que soient possibles le partage et le vivre ensemble.

On peut ailleurs entendre à demi-mot dans les propos de Delphine Horvilleur que la barbarie s’accompagne nécessairement d’une confusion entre le sacré et le profane. Car en fait « ne pas pouvoir rire de Dieu, c’est le profaner ».

Autre audace de la pensée chez Delphine Horvilleur, sous la forme d’un rapprochement entre la tradition rabbinique et la psychanalyse dans la place qui est faite à l’interprétation : porter un texte au second degré, c’est-à-dire lui donner un nouveau sens,  permet de raccourcir la distance entre la bouche et l’oreille. Comment ne pas y déceler une forme insue de l’amour, celle qui, en  nous restituant notre impensé, nous donne accès à notre propre altérité. Car là où il y a de l’altérité il y a de l’amour. Belle occasion  de rendre ici hommage à Levinas pour qui l’infini est impossible à totaliser. Infini dont la trace se révèle dans le visage de l’autre.

Bref, Delphine Horvilleur illustre au mieux ce qu’est une parole ouverte. Et c’est un vrai bonheur, car elle nous montre qu’il est toujours possible de combiner les ressorts de l’intelligence aux ressources du cœur. 

 

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J
Il y a encore un moyen de raccourcir la distance entre la bouche et l’oreille, c’est de faire fonctionner le regard, avec les yeux qui se trouvent à mi-distance entre bouche et oreilles. Le cinéma permet cela. Dans un très beau film d'Amine Mestari consacré à Claude Sautet et diffusé actuellement sur Arte TV (https://www.arte.tv/fr/videos/095158-000-A/claude-sautet-le-calme-et-la-dissonance/), Patrick Dewaere témoigne : « Sautet a toujours filmé qlq chose que personne n’a jamais filmé et qui ne se rend ni par l’image ni par le son. Sautet filme entre les lignes, il filme des sentiments. Il y a peut-être des dialogues dans les scénarios, il y a peut-être des actions mais ce qui l’intéresse c’est pourquoi les gens disent ça, il filme pourquoi les gens disent des choses et non pas ce qu’ils disent. Même Outre-Atlantique, il n’y a pas beaucoup de metteurs en scène qui savent faire ça ». Ce à quoi fait écho cette fameuse énonciation de Lacan : « Qu’on dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend ».
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