Avec la promotion de la détestable nouvelle culture raciste et antidémocratique, qu’elle soit woke, cancel, islamo-gauchiste, racialiste, etc … nous assistons à une sorte de remake des procès staliniens. Comme l’écrit Kamel Daoud dans Le Point : « Un étrange effet dystopique atteint l’Occident : une variante de l’inquisition « communiste », prompte à la rééducation culturelle à la chinoise, à la purge, décide des codes culturels et de ce qu’on peut dire, écrire, ou pas ».
/image%2F0767193%2F20210306%2Fob_589a90_sans-titre.jpeg)
Dans la même veine, j’avais publié, il y a quelques temps déjà, un excellent article de Jean Birnbaum qui écrivait : « Bien plus encore que les calculs clientélistes qui permettent à telle ou telle mairie de se cramponner au pouvoir, c’est cette prétention qui éclaire les épisodes au cours desquels la gauche a cru pouvoir côtoyer l’islamisme sans se brûler : la gauche antiraciste s’est retrouvée en compagnie d’intégristes musulmans au sommet de Durban, en Afrique du Sud, en 2001 ; la gauche altermondialiste a invité Tariq Ramadan au Forum social européen de Paris, en 2003 ; la gauche propalestinienne a laissé proliférer plus d’un slogan haineux dans les défilés auxquels participait le prédicateur Abdelhakim Sefrioui… Entre autres.
Or, autant il est faux d’affirmer que la masse des militants et des intellectuels de gauche ont consciemment « misé » sur l’islamisme comme force politique, autant on peut considérer qu’ils ont longtemps manifesté, à son égard, une forme d’indulgence. Là encore, toutefois, cette indulgence relève d’abord d’un complexe de supériorité.
De même que Lénine définissait le « gauchisme » comme la maladie infantile du communisme, on peut affirmer que l’« islamo-gauchisme » constitue la maladie sénile du tiers-mondisme. Celle d’une gauche occidentalo-centrée, qui n’imagine pas que l’oppression puisse venir d’ailleurs. Celle d’une gauche anti-impérialiste qui voit en tout islamiste un damné de la terre, même quand il est bardé de diplômes ou millionnaire. Celle d’une gauche qui plaçait naguère sa fierté dans son aura mondiale, et qui a été surclassée par un mouvement qu’elle a longtemps regardé de si haut : l’internationale islamiste ».
En écho à ces propos, c’est le remarquable Kamel Daoud qui, aujourd'hui, publie dans Le Point toujours, ce texte magnifique :
"Comme dans les pays totalitaires, l’intellectuel blanc est « coupable ». Que doit-il justifier ? Sa couleur, la colonisation qui l’a précédé, son privilège, sa vision épidermique. Le mot « privilège » a d’ailleurs une tonalité « communiste » persistante : c’est comme un délit de classe, qui correspond idéologiquement au crime de « bourgeoisie ». Dorénavant, un intellectuel « blanc » se reconnaît, selon la doxa nouvelle, à sa contrition. Ou à sa blancheur exacerbée. Il a des remords, s’il est faiblard. Des remords qu’il croira transcender dans la solidarité universaliste ou la dénonciation des « siens ». Et s’il se croit innocent, la haine le rattrapera. Son œuvre en sera polluée ou, au mieux, teintée de ce fameux « désengagement », qu’il faudra comprendre comme de l’« indifférence », telle qu’elle est définie dans le Code pénal éditorial.
Mais qu’est-ce qu’un intellectuel « blanc » ne peut plus dire ou faire ? Ce que moi, chroniqueur du « Sud », je me permets : disserter avec insolence sur l’islamisme et avec liberté sur l’islam. Un intellectuel « blanc » ne peut pas, par ailleurs, employer les mots « noir », « rouge » et « jaune ». Car les couleurs se discutent violemment.
Continuons : un intellectuel « blanc » n’a plus le droit de revenir sur la colonisation sans autoaccusation. C’est le capital-décès encaissé par les rentiers du postcolonial. Tout au plus, sa « blancheur » permet-elle de définir la noirceur de son âme. Enfin, l’inculpé principal ne peut pas user du mot « arabe » car c’est l’aveu d’un crime.
Mais au-delà de cette liste d’interdictions d’usage, l’intellectuel blanc incarne un étrange paradoxe : il est l’enfant délicat d’une géographie dans laquelle l’Occident possède tout, quand lui ne peut plus se réclamer de la position de centre du monde, ni du droit au dernier mot, ni de la Vérité, déjà morte. À l’ère des culpabilisations, seule lui reste l’option de témoigner contre lui-même. Comprendre : on laisse au Blanc la grandeur du suicide. "