La médiatisation des controverses portant sur la pertinence de l’usage de la psychanalyse rate manifestement son objectif. Au lieu d’informer le
public elle le laisse s’enliser dans une somme de préjugés sommaires qui nourrit les passions au lieu d’élever le débat au niveau scientifique qui devrait être le sien.
Il n’échappe à personne qu’aujourd’hui le journalisme d’opinion est commandité par les grands groupes de presse, valets de l’économie
capitaliste, pour laquelle seul compte le maximum de profit. Mais il est moins évident de repérer que pour doper le marché de la presse tous les moyens sont bons, y compris le fait de
mobiliser chez le lecteur ce qu’il y a de plus trouble dans son rapport à la jouissance, plutôt que sa capacité de réflexion.
C’est ainsi que la plupart des quotidiens et hebdomadaires français, toutes tendances idéologiques confondues, ont progressivement réduit le
volume de leurs colonnes et simplifié leurs débats de fond pour prendre comme cible le lecteur pressé, supposé de moins en moins capable de soutenir son attention. Ce qui donne lieu à la
production d‘énoncés à l’emporte-pièce, séducteurs et racoleurs, conformes à ce qu’attend notre société du spectacle généralisé.
Si les journalistes ne sont pas dupes, en revanche qu’en est-il des interviewés lorsqu’ils se prêtent au jeu consistant à résumer leur pensée sous
la forme de slogans ou de formules simplistes propres à frapper les imaginations ? Comment un chercheur comme le docteur Mottron peut-il soutenir dans les pages du journal “Le Monde” que la
psychanalyse “est une croyance, une pratique qui doit rester limitée à un rapport entre adultes consentants” ? Même Boris Cyrulnik, qui est pourtant un esprit éclairé, s’est laissé
aller à affirmer récemment dans le “Nouvel Observateur” que la psychanalyse était devenue dogmatique et que c’’était son erreur. N’est-ce pas confondre la psychanalyse et les excès de certains
psychanalystes ?
Quoi qu’il en soit la psychanalyse n’a rien à redouter du débat scientifique, dès lors que l’on aborde un peu sérieusement ses énoncés. D’autant
moins que la question de sa falsifiabilité, mise en cause par Karl Popper dans sa “Logique de la découverte scientifique” n’est plus du tout d’actualité. Quiconque étudie vraiment et se donne la
peine de réfléchir peut, entre autres, prendre la mesure de l’évolution d’une pensée comme celle de Lacan. Par exemple depuis sa formulation de l’inconscient comme “Discours de l’Autre”,
jusqu’aux élaborations les plus récentes sur la topologie du nœud borroméen et ses incidences cliniques. N’est-ce pas là de nouvelles perspectives ouvertes à l’épistémologie et à son progrès
?
Bien des chauffards qui roulent à tombeau ouvert sont des éjaculateurs précoces. Métaphore pour signifier que les penseurs pressés sont finalement
voués au ratage. A moins qu’il ne faille promouvoir le fait de tirer à côté comme la forme de jouissance la plus accessible.