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QUE PUIS-JE SAVOIR ?

Tenter de percevoir les mouvements profonds qui décident de la marche de l’histoire.

La psychanalyse aujourd'hui (VIII) : psychanalystes, encore un effort...

Publié le 9 Mars 2012 par Jean Mirguet in Psychanalyse et psychanalystes

Dans l’avis qu’elle vient de rendre, la Haute Autorité de Santé qualifie la psychanalyse de "non pertinente" dans le traitement de l’autisme, la classant, non pas dans les approches «non recommandées » comme le souhaitaient certaines associations de parents, mais dans les pratiques « non-consensuelles ». 

La  polémique au sujet de l’autisme n’est donc pas près de s’éteindre et l’inquiétude qu’elle engendre risque de s’amplifier, comme en atteste le récent article de Laurent Le Vaguerèse, responsable duAutisme-copie-1 site Œdipe, et intitulé : « L’autisme paradigme de la complexité ».

Dans la querelle entre psychanalystes et comportementalistes, nombre d’arguments et de témoignages sont présentés sous une forme tellement simplifiée et caricaturale qu’on peut à juste titre douter de leur capacité à faire avancer la réflexion dans la question de l’autisme.

En opposant, par exemple, comme on peut le lire dans Lacan Quotidien, « tyrannie de l’éducation » et « respect de la particularité de chacun », fait-on progresser en quoi que ce soit la controverse ?  En interprétant l’opposition de certains parents d’enfants autistes au traitement psychanalytique comme une projection de leur culpabilité sur les psychanalystes, fait-on avancer, avec ce type d’argument psychologisant, la compréhension de ce qui se passe dans l’autisme ?

Peut-on affirmer sans rire que psychanalyse et autisme participent du même combat puisque « la psychanalyse étant du côté du non-conformisme, elle dérange comme l’autisme dérange ». Psychanalystes et autistes auraient ainsi une communauté de destin, celui de contrarier l’ordre dominant auquel il faut résister.

Accusée de n’être « ni indépendante ni scientifique mais lobbyiste et statisticienne », la Haute Autorité de Santé est devenue à son tour le point de mire des attaques de certains de nos collègues qui la jugent complice d’une nouvelle tentative d’assassinat de la psychanalyse, sommée qu’elle serait de bannir la psychanalyse de la liste des « bonnes pratiques » relatives à l’autisme.

Dans la même veine, des procureurs accusent les adeptes des traitements comportementalistes de vouloir la mort de l'inconscient en général et de la singularité des sujets en particulier ; ils n’hésitent pas à évoquer une OPA instrumentalisant gouvernants et public par le truchement d'associations liberticides, infiltrant les instances supposées orienter le bien fondé des pratiques médicales.

SVP, n’en jetez plus ! Il est douteux que les slogans et les invectives permettent aux autistes, à leurs familles et aux praticiens de s’y retrouver.

 

Laurent Le Vaguerèse a raison de s’inquiéter de ce populisme à la sauce psy, parfaitement indigeste, et qu’il convient de dénoncer.

Comme lui, je considère que la psychanalyse se fourvoie et ruine son bien-fondé quand elle veut donner sa vision du monde, ce qui suppose un programme, un projet pour l’humanité, un idéal. Ces visées, si elles sont celles de la philosophie ou de  la religion, ne sont pas celles de la psychanalyse. Psychanalystes, encore un effort...

Tout en ayant sa place dans la vie de la Cité et en questionnant la complexité du monde façonné par les discours qui l’agitent, la psychanalyse n’a pas pour autant à s’instituer  comme seule solution à la complexité des embarras humains. L’autisme est un élément étrange de cette complexité, il en est même peut-être une réponse que nous tentons de  traiter selon différentes modalités, psychiques, pédagogiques, éducatives ou biologiques.

La psychanalyse d’aujourd’hui n’a pas à se prendre pour la réponse la plus légitime ou la mieux fondée, elle n’a pas à faire la vertueuse ou à se prendre pour une ONG humanitaire, en vue de préserver son pré carré.  Elle a, simplement et humblement, à rappeler ce qu’est son éthique.

 

Je m’associe à Laurent Le Vaguerèse quand il écrit que tous les psychanalystes, praticiens ou non de l’autisme, sont concernés par le débat actuel et par les réponses que donnent les associations de psychanalyse et ceux qui défendent la psychanalyse.

Si ces réponses ne s’avèrent pas à la hauteur de l’enjeu - et certaines d’entre elles ne sont pas, à l’évidence, à la hauteur - alors nous pouvons  nous interroger, non sans appréhension, sur ce que va devenir, dans cette affaire, la psychanalyse.

 

Reste que ce débat a  le mérite de faire éclater le scandale de l’abandon en France des deux tiers des enfants atteints d’autisme. En présentant les recommandations de la Haute Autorité de Santé, le professeur Philippe Evrard, neuropédiatre, du Comité de pilotage de ces recommandations a fait ce terrible constat : "Un tiers seulement des personnes autistes et leurs familles reçoivent l’aide personnalisée qui leur est nécessaire. Tout le reste est du bla-bla… La solidarité nationale française est gravement déficiente (à l’égard des autistes)".

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