Récemment, je publiais le « Manifeste des 343 salauds », initié par le mensuel Causeur pour protester contre le projet de loi pénalisant les clients de prostituées.
On connaît les effets de ce manifeste dans les heures qui ont suivi sa publication : un tombereau d’insultes et de vociférations indignées tombant sur les auteurs du Manifeste et les signataires de la pétition « Touche pas à ma pute », coupables d’avoir commis le sacrilège de se référer au « Manifeste des 343 salopes ». « Outrage aux bonnes meufs », aurait conclu Philippe Muray.
A juste titre, Elisabeth Lévy, directrice de la publication, relève que personne ne semble s’être inquiété de l’intolérance fanatique de ces détracteurs et de leurs ligues de vertu aux propos sentencieux.
C’est par un procédé voisin qu’il y a quelques mois, Charlie Hebdo était la cible d’une accusation du même ordre, le délit de blasphème, à propos des caricatures de Mahomet.
Et, last but not least, c’est Christiane Taubira, Ministre de la justice, qui cristallisant les haines, s’étonne, la semaine passée, qu’aucune « belle et haute voix ne se soit levée » pour dénoncer les attaques racistes qui lui étaient adressées… « Quel silence devant le racisme ordinaire », constate tristement Marie-Georges Buffet dans son interpellation à un Président de la République resté muet pendant de longs jours.
Ces événements font série. Ils fédèrent sous une commune bannière racistes et puritains rêvant d’un monde dans lequel régnerait le parti du Bien, où les différences seraient abolies et où l’extinction de l’altérité mettrait fin au désordre des dissidences.
Au premier rang de la dissidence se trouvent celles qui sont dites femmes et leur lien supposé privilégié au sexe. Putains, noires, voilées, elles sont l’objet de la polémique suscitée par Causeur, de la haine raciste, de l’intégrisme religieux de nombre de pays musulmans : ravalées, mises à mal comme symbole de ce qui se met en travers du discours de la norme, la norme mâle s’entend, ce qu’elles ont en propre, le féminin, n’y est pensé qu’à l’aune de ce qui vaut pour les hommes. Ces mêmes hommes qui, comme le journaliste et écrivain Dominique Simonnet (cf. Le Monde du 8 novembre), nous exhortent à ouvrir les yeux pour voir que, « au XXIe siècle la sexualité humaine n’est toujours pas civilisée » (sic !!).
Heureusement, en contrepoint de cette agitation, une bonne nouvelle est arrivée aujourd’hui : Marie Darrieussecq est la lauréate du prix Médicis pour Il faut beaucoup aimer les hommes. Soyons reconnaissant à ce que l’actualité a de contingent : elle fait se rencontrer des événements imprévisibles tributaires de circonstances fortuites. N’est-ce pas, précisément, ce qui caractérise la rencontre amoureuse, y compris celle qui se paye?