Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
QUE PUIS-JE SAVOIR ?

Tenter de percevoir les mouvements profonds qui décident de la marche de l’histoire.

Architecture à vendre à Los Angeles

Publié le 2 Décembre 2011 par Coralie Grandeau & Olivier Mirguet dans Villes

Los Angeles est une ville où de nombreux joyaux architecturaux ont été construits, notamment des maisons particulières signées des grands noms de l’architecture américaine du XXe siècle : Richard Neutra, Franck Lloyd Wright, Rudolph Schindler ou John Lautner. Des maisons fabuleuses qui ne trouvent plus preneurs aujourd’hui, restent parfois des années dans les listings des agences immobilières et sont proposées à la moitié de leur valeur.

Voir le reportage de Coralie Garandeau et Olivier Mirguet sur http://www.arte.tv/fr/recherche/3652794.html

commentaires

Chronique d’un déchirement

Publié le 29 Novembre 2011 par Jean Mirguet dans Spectacles

«Voyage halluciné dans une dictature émotionnelle» est le sous-titre donné par Ruth Rosenthal et Xavier Klaine à leur spectacle Jérusalem Plomb durci, joué ce lundi soir dans le cadre du Festival Ring à Nancy.

Manifestement, Israël sait produire de grandes cérémonies quand il s’agit de commémorer le double anniversaire de sa création et de la réunification de Jérusalem : non seulement les shows militaro-artistiques organisés par l’Etat sont conçus pour émouvoir mais l’émotion est utilisée pour façonner les esprits.

Ici comme ailleurs mais plus encore dans cette ville où tout est symbole, la dictature de l’émotion enraye la pensée et ne milite pas en faveur de la démocratie.

Devant l’écran géant sur lequel sont projetées d’immenses images des célébrations et au son d’une musique écrasante, Ruth Rosenthal arpente la scène de sa frêle allure, soit pour y interpréter quelques délicates figures de danse de son enfance soit pour défiler au pas militaire qu’elle démilitarise aussitôt et rend dérisoire en jerkant sur une musique disco.

Encerclé de petits drapeaux israéliens, à la fois protection contre un danger extérieur et enfermement dans un espace clos, le corps de la comédienne s’embrase, sa voix se fait tumultueuse, sous le coup de la tyrannie des émotions qui l’agitent et l’assiègent. De l’enthousiasme à l’angoisse, de l’attendrissement à la douleur, c’est toute une palette d’émotions que l’artiste nous fait partager.

Ruth incarne la tragédie d’un peuple qui aspire à vivre démocratiquement et à penser librement. Mais comment la liberté et la démocratie pourraient-elles se déployer quand l’émotion commande l’esprit et que les corps gardent l’empreinte indélébile de la Shoah et de son impossible représentation, à quoi s’ajoute le danger terroriste ?

Dans cette chronique d’un déchirement, il est autant question de se demander quelle issue trouver à cet enfermement tragique que de se demander ce qui le rend possible. La fin de ce spectacle bouleversant plonge la salle dans un long moment de noir : serait-ce pour nous rappeler, avec Brecht, que « le ventre est toujours fécond, d'où sortit la bête immonde »? Il n’est personne qui ne soit concerné par cette interrogation et qui « demeure saisi de la question », selon la formule onusienne.

Mais les lumières se rallument et Ruth, bien vivante avec Xavier à ses côtés, vient saluer le public.

 

Prochaines représentations :

6 et 10 décembre 2011 Les Halles de Schaerbeek, Bruxelles

30, 31 janvier et 1er février 2012 L’Espal, scène nationale, Le Mans

 

 

 

commentaires

Etats-Unis : diplômes à crédit

Publié le 24 Novembre 2011 par Olivier Mirguet et Coralie Garandeau dans Le malaise

La crise financière frappe aussi les étudiants américains. Depuis des décennies, ils se laissaient facilement convaincre de s'endetter : la perspective d'un emploi en or venait à bout des soucis de remboursement. Aujourd'hui par contre, ils quittent souvent l'université avec 60 à 100 000 dollars de dettes et sans perspective d'emploi pour cause de crise. Quand le rêve américain vire au cauchemar, c'est un reportage de Coralie Garandeau et Olivier Mirguet.

http://www.arte.tv/fr/Comprendre-le-monde/arte-journal/4283282.html

commentaires

La dangerosité, notion statistique

Publié le 23 Novembre 2011 par Jean Mirguet dans Le malaise

Chaque drame humain défrayant la chronique engendre des émotions, déchaîne des passions que les médias et les responsables politiques se chargent d’entretenir. Les  bénéfices à en tirer ne sont pas négligeables puisque le profit est à portée de main: séduction de l’électorat avide d’un toujours plus de sécurité, augmentation du nombre de lecteurs, d’auditeurs, de téléspectateurs.

Le meurtre, à Chambon-sur-Lignon, de la jeune Agnès, 13 ans, par un lycéen de 17 ans, déjà mis en cause pour viol dans une précédente affaire, n’échappe pas à cet enchaînement. La polémique est nationale et donne lieu à un embrasement émotionnel, effet d’une commotion dont le retentissement brouille la recherche rationnelle des tenants et aboutissants de cet événement dramatique.

Cet "incendie médiatique" est-il justifié ? Non, estime le sociologue Laurent Mucchielli sur son blog. En effet, rappelle-t-il, la fréquence annuelle de ces cas dramatiques est comprise entre 0 et 1 par an à l'échelle de la France entière. "Dès lors, si l'on comprend bien l'émotion déclenchée par cette affaire, l'on voit mal quel problème de société il faudrait en déduire, ni quelle réforme pénale ou psychiatrique il serait urgent d'adopter."

Cependant, des discours prétendument experts continuent à se répandre dans les journaux, à la radio, sur les chaînes de télévision. De manière incantatoire, ils nous promettent la certitude d’un savoir, celui qui consisterait à déceler la dangerosité d’un sujet susceptible de commettre un délit sexuel ou de récidiver.

Ainsi, lors du dernier numéro de Mots croisés, diffusé sur France 2, le journaliste Yves Calvi demande à ses invités comment évaluer la dangerosité d’un délinquant sexuel. Le docteur Pierre Lamotte, psychiatre spécialisé dans la criminologie, répond en rendant compte de la pratique clinique des experts, grâce à laquelle des éléments de dangerosité peuvent être repérés. Outré, Georges Fenech, député UMP, président de Milivudes et rapporteur de la loi sur la Rétention de Sûreté, lui rétorque que ses propos sont « la démonstration que, dans notre pays, nous avons une psychiatrie légale qui est totalement dépassée ». Il ajoute que la France est l’un des derniers pays en Europe à utiliser ce mode d’expertise, que les experts ne connaissent rien à la criminologie quand ils sont nommés et qu’ils « utilisent toujours la vieille méthode freudienne ou Lacan autrement dit la méthode clinique » qui consiste, selon lui, à « passer deux heures en tête-à-tête avec une personne qu’on va ausculter et examiner pour dire si c’est dangereux ou pas ». Vantant ce qui se fait en Allemagne, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, « il faut, dit-il, que nous abandonnions la méthode clinique pour passer à des méthodes dites actuarielles[1], utilisées au Canada depuis 50 ans ». Il précisera, un peu plus tard dans l’émission, qu’il est favorable à l’introduction en France de ce qui se passe aux Etats-Unis : offrir aux citoyens le droit de savoir s’il y a un pédophile condamné dans leur quartier... 1984 de Georges Orwell n’est pas loin !

Ces déclarations, flatteuses pour les esprits épris de simplisme mais révoltantes pour quiconque a pris la mesure de la complexité du réel, prennent appui sur un modèle rudimentaire qui confond, comme le souligne, dans Le Monde, Daniel Zagury, psychiatre expert auprès de la cour d’Appel de Paris, diagnostic et pronostic.

Or, sauf à s’imaginer qu’on peut tout maîtriser, que rien ne nous échappe, il nous faut bien consentir à l’existence d’une zone d’incertitude, à l’impossible accès au tout-savoir. Il reste alors toujours un risque, celui de ne pas savoir  que, seule une pratique démocratique est en mesure de garantir, les régimes totalitaires s’étant toujours fait les chantres d’un savoir total.

Certes, des délinquants, des criminels sont dangereux et peuvent récidiver...mais, sont-ils la seule source du danger ?



[1]Dans un livre prémonitoire intitulé La gestion des risques et publié il y a plus de 25 ans, Robert Castel écrivait que la dangerosité est cette notion mystérieuse, qualité immanente à un sujet mais dont l’existence reste aléatoire puisque la preuve objective n’en est jamais donnée que dans l’après-coup de sa réalisation. Le diagnostic qui est établi est le résultat d’un calcul de probabilité ; la dangerosité ne résulte pas d’une évaluation clinique personnalisée, mais d’un calcul statistique qui transpose aux comportements humains les méthodes mises au point par l’assurance pour calculer les risques. D’où une nouvelle science : la science actuarielle.

commentaires

Le psychothérapeute nouveau est arrivé

Publié le 21 Novembre 2011 par Jean Mirguet

Vendredi 18 novembre, coup de sonnette de la factrice : elle m’apporte un pli recommandé de l’Agence Régionale de Santé.

Je devine immédiatement ce dont il s’agit. J’ouvre fébrilement la lettre et alléluia ! alléluia ! le Chef du Département Ambulatoire et Accès à la Santé, agissant par délégation du Directeur Général de l’ARS Lorraine, a le plaisir de m’informer que, suite à l’avis favorable émis par la commission régionale d’inscription de Lorraine, il m’est délivré une autorisation d’inscription sur la liste départementale du registre national des psychothérapeutes !

Me voici donc répertorié, fiché et dûment consigné dans les grands livres de l’Administration !

Je possédais un diplôme de l’Université, ne garantissant pas grand-chose certes mais quand même... Je  reconnaissais bien la nécessité de limiter la prolifération des charlatans qui thérapisent à qui mieux mieux le corps et l’âme de nos contemporains, mais se soumettre à la procédure de contrôle exigeant de produire de multiples pièces administratives, des attestations pour valider des diplômes  que je possédais déjà ainsi qu’un titre de psychologue reconnu, voilà qui était un peu fort de café !

Mais foin de tout cela puisque me voici, désormais, labellisé !

Cependant, psychothérapeute, est-ce un nouveau métier ou s’agit-il « seulement » d’une fonction c’est-à-dire de la place particulière que je suis amené à tenir dans la relation avec un patient ? Là-dessus, le législateur a codifié les choses : la loi ne réglemente pas la pratique psychothérapeutique mais le titre de psychothérapeute. Elle ne dit rien de l’essentiel, c’est-à-dire la nécessité d’une expérience de modification subjective qui vaille comme garantie première contre les dérives de la psychothérapie autoritaire, donneuse de conseils et de modes d’emploi existentiels standardisés. La loi exige une formation en matière de psychopathologie, ce qui n’est pas rien, mais reste très insuffisant.

Cette réglementation devrait encourager les psychothérapeutes à se montrer vigilants quant aux discours dans lesquels ils sont pris et qu’ils repèrent la commande sociale qui leur est adressée. Il n’est sans doute alors pas vain de rappeler cette célèbre remarque de Canguilhem : « Quand on sort de la Sorbonne par la rue Saint Jacques soit on descend et on va vers le commissariat de police, soit on monte vers le Panthéon, ce lieu des grands hommes ».

commentaires

Sonomama, photos du japonais Naohiro Ninomiya

Publié le 18 Novembre 2011 par Jean Mirguet dans Expositions

SonomamaNaohiro Ninomiya (http://www.naohiro.fr/), photographe japonais, expose ses photos à la MJC Pichon à Nancy, du 25 novembre au 16 décembre 2011.

Né à Nagoya, au Japon, en 1969, il vit et travaille à Strasbourg.

commentaires

Jérusalem Plomb Durci

Publié le 18 Novembre 2011 par Jean Mirguet dans Spectacles

WTDans le cadre du Festival Ring qui se déroule à Nancy du 23 novembre au 6 décembre 2011, Winter Family présente Jérusalem Plomb Durci, une performance de théâtre conçue, mise en scène et interprétée par Ruth Rosenthal et Xavier Klaine, le lundi 28 novembre à 20h30 au Conservatoire Régional du Grand Nancy, salle Ravel (http://www.winterfamily.info/theater.php)

Winter Family (voir le lien sur cette page) est un duo de musique expérimentale composé de l’artiste israélienne Ruth Rosenthal (textes, voix) et du musicien français Xavier Klaine (musique, piano, grandes orgues, harmoniums, célesta) basé à Jérusalem et Paris.

Un voyage halluciné dans une dictature émotionnelle

Une jeune femme de Jérusalem nous guide lors d'un voyage sonore, visuel et textuel à travers la société israélienne. La douleur, la mémoire et le courage sont célébrés de toutes parts, les codes et les symboles sont étirés jusqu'à l'épuisement. Chants, discours, sirènes et danses sont omniprésents de la naissance à la mort des individus, qui, pris en otages par un système implacable, deviennent les acteurs d'une éblouissante et macabre hallucination collective et se projettent dans un tourbillon violent, triste et national. Jour après jour, Israël accélère sa fuite en avant désespérée et vaine : la dictature émotionnelle.
Une performance de théâtre documentaire
En 2008, à l’occasion des anniversaires simultanés de l’état d’Israël et de la "réunification" de Jérusalem, le duo de musique expérimentale franco-israélien Winter Family a enregistré à Jérusalem la pièce sonore Jérusalem Syndrome produite par les Ateliers de la Création Radiophonique et diffusée sur France Culture le 24 mai 2009. Ruth Rosenthal et Xavier Klaine ont alors décidé de développer ce travail et de créer une performance de théâtre documentaire.
En décembre 2009 puis avril 2010, ils ont alors filmé et récolté à Jérusalem des images de cérémonies et de célébrations mémorielles et nationales dans les écoles, les quartiers, les médias et un grand nombre de lieux symboliques de l’Etat d’Israël.
Leur travail de création théâtral a débuté en mai 2010 à la Fonderie du Mans. Il s’est poursuivi en juin 2010 à la Ferme du Buisson, scène nationale de Marne-la-Vallée puis à nouveau à la Fonderie du Mans en juillet.

Jerusalem Plomb Durci : pourquoi ce titre ?

Parce que les noms d'opérations militaires sont cyniquement poétiques.

L’opération militaire israélienne à Gaza en 2009 a débuté pendant la fête de Hanoukka, « plomb durci » est tiré d'une contine chantée à l’occasion de cette fête.

De plus Jérusalem est appelée "la ville d’or", alors qu’il s'agit à nos yeux d'une ville plombée durement.

 

Billetterie : Théâtre de la Manufacture à Nancy, FNAC, Digitick.

commentaires

Los Angeles I love you so much, you oxymoronic town

Publié le 8 Novembre 2011 par Jean Mirguet dans Villes

Los Angeles, la seconde des plus grandes villes américaines après New-York.

Avec ses 12 millions d’habitants, la mégapole s’étend sans fin sur des centaines de km2. Il y a une Downtown, sorte d’îlot (Bunker Hill) de gratte-ciels (centre d’affaires où sont installés les banques, les sièges sociaux de grandes entreprises, des hôtels de luxe) au milieu d’une immense mer de petits bungalows colorés, de maisons basses enduites de stuc, de villas dans le style ranch. Mais aucun centre ville comme ceux que nous connaissons en Europe où l'héritage de la tradition de l'espace public n'a pas été abandonnée. Contrairement aux villes de la côte Est, elle a été construite par des promoteurs et des sociétés privées. Aussi,  incarne-t-elle l'exemple de la ville libérale, construite autour de l'idéal de la maison individuelle (plus de 90% de la population habite dans des bâtiments de moins de deux étages).

Le plan orthogonal de cette mosaïque urbaine est quadrillé par un tentaculaire réseau routier d’où se fait entendre le ronronnement du mouvement – comme l’écrit Jean Rolin dans son récent Ravissement de Britney Spears (éd. P.O.L.) – « incessant, énorme, prodigieux » de la circulation de millions de voitures, à quoi s’ajoutent, la nuit, les sirènes de la police et le ballet des hélicoptères dont les puissants projecteurs zèbrent la nuit noire.

Dans City of Quartz, Mike Davis fait de la Cité des Anges une sorte de prisme grossissant au travers duquel, sont saisissables les tendances lourdes des villes américaines et, plus largement, de la société américaine tout entière : privatisation galopante des espaces publics, économie de la drogue, développement des dispositifs de sécurité et de surveillance alliant entreprises privées et police publique.

Mais LA n’est pas qu’une ville. Elle est aussi une marchandise, un objet  de consommation dont on fait la publicité et qu’on vend au peuple américain. Autant dire que LA est objet de jouissance, au pouvoir autant attractif que répulsif. D’ailleurs, Orson Welles la disait « ville de lumière et de péché », symbolisant, comme le notait Bertold Brecht, l’enfer et le paradis.

Même si le touriste, de passage en Californie, préfère séjourner plus au Nord, à San Francisco, il n’en demeure pas moins, comme Baudrillard, très excité par cette ville : « Rien n’égale le survol de LA la nuit, raconte-t-il. Seul l’enfer de Jérôme Bosch donne cette impression de brasier ». Et c'est John Chase qui, en 1997, écrivait  que "on ne peut se défaire de ce sentiment à la Blue Velvet que même dans le quartier le plus incroyablement paisible de Los Angeles, l'ordre sous-jacent pourrait soudain basculer dans l'horreur ou se révéler moins immuable que prévu".

On attend le Big One, on s’y prépare. Le bûcher ravageur est toujours prêt à s’embraser, comme en 2009, lorsque les flammes menaçaient 10000 habitations au pied des montagnes toutes proches.Incendie

Pas étonnant alors que cette ville de « nulle part », comme la surnomme Alison Lurie, ait inspiré plus d’un écrivain, autant pour l’aduler que pour l’exécrer et que le cinéma y ait créé son empire.

Cet alliage des opposés, ce mélange d’atmosphère paradisiaque et de bouillonnement dantesque fascinent et collent à la peau de ceux qui décident de s’y enraciner pour y construire leur œuvre, comme James Ellroy, Charles Bukowski ou pour lui déclarer leur amour comme John Fante dans Demande à la poussière : « Los Angeles, give me some of you ! Los Angeles, come to me the way I come to you, my feet over your streets, you pretty town, I loved you so much, you sad flower in the sand, you pretty town. ».

 

commentaires

Il killer di parole Le tueur de mots

Publié le 18 Octobre 2011 par Jean Mirguet dans Spectacles

tueur

Ludodrame de Claudio Ambrosini, Il killer di parole a été créé à La Fenice de Venise en décembre 2010. Il clôturera la saison 2011-2012 de l’Opéra national de Lorraine à Nancy (www.opera-national-lorraine.fr) : 26, 28, 29 juin, 1er et 3 juillet 2012

L’argument est prometteur : il aborde la question du langage dans lequel il y a les mots utiles et il y a les mots qui meurent car inutiles. Quid de tous ces mots qui ne sont plus que musique ou traces du passé ? Quid des nombreux idiomes locaux qui disparaissent chaque jour au profit de langues plus répandues ? Qu’en faire ? C’est ici que l’opéra se propose de réenchanter la langue.

 

L’idée de cette création a surgi d’une conversation avec le romancier Daniel Pennac, auteur de livres pour la jeunesse et fervent promoteur de la lecture. L’écrivain a attiré l’attention du compositeur sur le travail des lexicographes et autres rédacteurs de dictionnaires qui, attelés en permanence au toilettage de la langue, suppriment et rajoutent des vocables en fonction de leur caractère inusité ou usité.

Dans Le tueur de mots, un homme, le killer di parole, est précisément celui à qui incombe cette tâche de « purification » linguistique, travail accepté à contrecœur par un homme sensible, humaniste, amoureux des mots, poète mais dont le rêve se heurte à une épouse au tempérament de manager et pour qui seuls comptent les chiffres.

Dans le premier acte, nous voyons le killer aux prises avec sa conscience paternelle, conjugale et linguistique. Pétri de bonne volonté jusqu’à la naïveté, il rêve de mener à bon port sa mission. Cependant le doute s’insinue, notamment lorsque surgit le personnage de la parole tuée qui lui reproche de l’abandonner pour d’autres. À la fin de l’acte, le chœur de l’humanité entonne un chant pathétique, déclarant que les mots effacés contre leur gré ont une vie après la mort et laissent une trace dans le temps.

Le deuxième acte se déroule vingt-cinq ans plus tard. Le tueur n’a pas terminé son travail lexical. Transféré dans un autre bureau, il doit maintenant enregistrer les derniers idiomes existant sur terre, avant l’instauration d’une langue unique parlée par tous, appelée la langue définitive. Le killer a vieilli, mais il est toujours autant fasciné par la beauté des langues dont il tente de garder trace grâce à son laborieux travail d’enregistrement et d’archivage. Toutefois sa tâche se révèlera inutilisable et l’on célébrera la naissance de la langue définitive, dans un monde monocorde et standardisé.

 

La langue définitive résonne comme l’envers de la formule de Hegel,« le mot tue la chose ». Tuer le mot, est-ce retrouver ce qui n’est pas pris dans les mots ? Est-ce retrouver la chose ? Est-ce un fantasme de retour aux origines ?

Si le mot ou le symbole se manifestent comme meurtre de la chose, le tueur de mots incarne alors le meurtrier du symbolique dont il fait disparaître définitivement la trace. Est ainsi représentée une deuxième mort voire une nouvelle version de la solution finale.

 

La langue définitive, une langue nouvelle ?

Dans La forclusion du Nom-du-Père (Seuil, 2000), Jean-Claude Maleval indique que le terme de glossolalie s’est imposé en 1900 dans le discours de la psychiatrie, grâce à Théodore Flournoy, professeur de psychologie à l’Université de Genève. La glossolalie est la tentative faite par un sujet pour parler une langue nouvelle qui se fixe et s’enrichit progressivement. C’est ainsi que Flournoy, ayant suivi durant six ans des séances spirites données par la médium Hélène Smith, fut le témoin d’accès de somnambulisme. Lors de ces accès, elle produisit plusieurs romans au cours desquels se déclenchèrent des phénomènes exceptionnels de création d’une langue nouvelle.

De celle-ci comme d’autres forgées par de rares psychotiques, G.A. Teulié constatera que les parlers glossolaliques ne sont que des emprunts, des déformations et des appauvrissements de langues connues ; bien loin de constituer des langues, ces parlers peuvent, à peine, être considérés comme des langages nouveaux.

 

En prélude à cet opéra, l’association Des’Lices d’Opéra (www.deslicesdopera.fr) organise le samedi 28 avril 2012, à l'Opéra national de Lorraine, de 10h à 13h, une table ronde sur le thème : Notre lien à la langue : créateurs ou meurtriers ?

Invités : Frédéric Werst, écrivain, Philippe Choulet, philosophe, Yvanne Chenouf, spécialiste de la littérature jeunesse.

Modérateur : Mô Frumholz

Si vous n'êtes pas membre de Des'Lices d'Opéra et que vous souhaitez assister à la table ronde, veuillez vous adresser à Mô Frumholz deslicesdopera@free.fr pour vous inscrire, la priorité étant donnée aux adhérents. Participation non-adhérents : 5 €. .

 

 

commentaires

Les primaires : une affaire de style

Publié le 14 Octobre 2011 par Jean Mirguet dans Politique

« Chez Ségolène et Nicolas » : c’est le nom d’une boulangerie qui s’est récemment ouverte près de chez moi.

Surprenant d’associer ces deux prénoms pour en faire un couple ! Étonnant de les mettre en rapport et former ainsi une unité dans laquelle l’un(e) serait le complément de l’autre, faisant ainsi mentir cette vérité énoncée par Jacques Lacan : il n’y a pas de rapport sexuel car il est impossible de l’écrire. Autrement dit, il n’y a pas de rapport naturel dans le lien entre un homme et une femme.

En cette période de primaires, cette vérité vaut pour un autre couple, celui formé par Martine et François, dont précisément la presse s’évertue à débusquer l’inimitié et à démontrer l’impossibilité à faire couple, tout en les mettant constamment en rapport.

S’il n’y a pas de rapport possible entre Ségolène et Nicolas, il n’y en a pas davantage entre Martine et François. Mais la question des désaccords, de la mésentente, des conflits entre les deux présidentiables est ici purement secondaire. Ce qui compte, c’est le style, la manière, la griffe, la marque c’est-à-dire la mise en valeur de ce qui dément toute idée de fabrication standard d’un présidentiable, autrement dit la mise en valeur de l’exception qui se dévoile dans une manière de dire, un bien dire propre à l’énonciation plus qu’à l’énoncé.

 

Dans un texte bref et dense publié ces jours-ci par Mediapart,  Marie Darieussecq , romancière et psychanalyste, prend parti pour la candidate. Comme Arnaud Montebourg ou François Hollande, Martine Aubry possède des qualités qui ne sont, par nature, ni masculines ni féminines. Mais, parce que ce serait nouveau, inédit en France, Marie Darieussecq soutient que devenir une présidente vaut plus, historiquement, que devenir président.

Martine Aubry ne fait pas valoir un quelconque avantage à être femme : la catégorie de genre ne fait pas partie de son argumentaire.

Comment entendre alors la plus-value que Marie Darieussecq lui accorde ?

Je propose de  l’apprécier comme le supplément et non comme le complément d’un tout. La structure d’un tout peut comporter un manque que le complément viendra remplir ou se présenter comme une succession sans limites d’éléments, donc ne formant pas une totalité fermée, autrement dit un pas-tout.

Pour Jacques Lacan, le pas-tout se rapporte à la sexuation féminine ; il est le lieu d’inscription du supplément, de ce qui est en plus, de ce qui accroît.

 

Envisager le duel entre les deux candidats sous cet angle permet, me semble-t-il, de ne pas s’égarer dans les scenarii de compétition, de rivalité dont les médias sont si friands.

C’est ici qu’intervient le style comme indice de l’exception et de ce qui est en supplément, ce qu’une position féminine incarne autrement voire mieux que ne sait le faire une position masculine.

C’est là affaire de structure, de réel avec lequel il s’agit de savoir y faire.

Martine Aubry doit bien en savoir quelque chose pour affirmer que François Hollande est le candidat du système...phallique aurait-elle pu ajouter.

 

A l’issue du débat de mercredi soir, nous avons été nombreux à penser que, quelle que soit l’issue du vote de dimanche, l’une ou l’autre, avec son style propre, allait donner la victoire à la gauche.

Mais le style de l’une, c’est de personnifier l’Autre du petit autre qu’est l’homme. C’est en quoi, plus que le candidat masculin François Hollande, Martine Aubry symbolise le changement.

A chacun de faire son choix. J'opterai, quant à moi, pour une femme de gauche, comme nous y invite Marie Darieussecq, puisque, femme singulière, Martine Aubry incarne ce changement.

commentaires
<< < 10 20 30 31 32 > >>